Achouna, le petit Esquimau est un livre paru en 1958, de la photographe et auteure française Dominique Darbois (1925-2014). Il s'inscrit dans la collection Enfants du monde, des éditions Fernand Nathan, dirigée par l'auteure. Les photographies, en noir et blanc, sont présentées de différentes manières, en double-page, simple page ou bien coupées, détourées et accompagnées de formes et d'aplats de couleur cyan (fil conducteur de ce tome). La maquette est réalisée par Pierre Pothier, le graphiste de la collection.
Nous commençons l'après-midi par la lecture, à tour de rôle, du livre, projeté en grand, afin de rendre lisibles pour tous les images. Il se trouve, par un heureux hasard, que celui-ci entre en écho avec la lecture en classe du Mystère de l'île d'Akpatok (de François Beiger). Nos petits auteurs connaissent déjà l'univers du Grand Nord. Nous plongeons donc dans le récit documentaire de Dominique Darbois en analysant les phrases, les métaphores ou les indices qu'elle nous donne pour comprendre son personnage, le jeune Achouna. Il s'agit d'un petit inuit dont on découvre le quotidien difficile au fil des pages. Tout commence par une description de son environnement (peu chaleureux, c'est le moins que l'on puisse dire) et de ses conditions de vie.
Puisqu'il s'agit d'un documentaire, nous sommes en attente des informations suivantes : dates, lieux, personnes concernées, contexte... Le lecteur peut bien sûr trouver des indices dans les images, mais ce qu'il croit deviner reste de l'ordre du potentiel. Les journaux l'ont bien compris, accolant au moins des légendes aux images quand cela n'est pas un papier entier. Les photojournalistes également, se battant pour voir figurer leurs propres légendes et non celles d'un directeur de publication jamais sur le terrain.
En ce qui concerne les dates, la collection Enfants du monde ne les précise pas (peut-être pour jouer de l'intemporalité ?), pourtant, nous pouvons deviner que les reportages de Darbois ont été réalisés entre 1950 et 1970. En revanche, son récit nous annonce bien qu'elle a rencontré Achouna et sa famille au printemps, saison de la chasse aux phoques. Le décor, quant à lui, est tout de suite planté, le Grand Nord, sans autres précisions, certainement jugées superflues dans un livre destiné à la jeunesse.
L'intérêt d'une telle lecture et d'une analyse rapide du contenu réside dans l'apprentissage des ressorts d'un portrait. Beaucoup d'élèves ont portraituré un-e jeune de leur entourage : onze d'entre eux ont moins de 18 ans. Il me semble nécessaire pour les apprentis photographes de comprendre comment surpasser le côté subjectif doublement présent dans leur travail : premièrement parce qu'ils ont choisi des personnes dont ils se sentent proches (cousin-e-s, sœurs ou ami-e-s), et deuxièmement car ils s'y projettent personnellement, étant dans la même tranche d'âge. Et de surcroit, d'imaginer les informations réellement nécessaires pour présenter son "personnage".
Nous pouvons également comparer la construction du livre, (anticipant un peu notre travail du mois de juin), déjà analysée par Catherine de Smet dans son essai sur la collection. Ainsi, nous nous rendons compte rapidement que les relations texte-images mises en place par le graphiste ne sont pas toujours évidentes à repérer. Bien souvent le texte complète l'image, et vice-versa : par exemple, nous ne pouvons deviner sur quel animal le père d'Achouna tire sur les photographies sans le texte, et, nous n'avons pas imaginé la banquise aussi vallonnée, ce que nous découvrons sur les images. Pourtant il arrive que nous ne voyions pas tout de suite le lien : sur la double-page 18-19, il faut remarquer l'homme qui lance son fouet sur les chiens à l'arrière-plan pour connecter l'image d'Achouna en train de rire avec une autre personne au récit de la conduite d'un attelage.
Les Ateliers Médicis seront fermés au public du 21 décembre au soir au 5 janvier inclus.