Grand Rue

12. Gravure & écriture : élaboration de notre récit

Publié par Colin Gravot

Journal du projet

Au cours du mois de mai, neuf journées de gravure et d'écriture nous attendent pour construire pas à pas notre récit commun, afin d'exprimer nos perceptions du village de Villespy. En huit petits groupes, nous nous focalisons chacun·e sur différents quartiers et bâtiments du village.

Nous commençons par une session écriture. Chacun·e est invité·e à écrire sous forme de phrases courtes ses observations, ses ressentis, et ses fictions. J'interviens dans chacun des groupes pour partager mes perceptions, et pour les aider à exprimer les leurs. À l'issue de cette session, nous obtenons huit petits textes, que nous illustrons ensuite par des estampes. Voici un aperçu des étapes de création :

Et voici quelques-unes de nos premières créations, accompagnées d'extraits de textes.

Grand Rue
Estampe de Loryne, Madeline, et Paul

"De part et d'autre de la Grand Rue, des maisons colorées s'alignent paisiblement sous un soleil tiède. Ici, toutes les portes sont différentes. La verdure est présente, timidement : quelques arbres, quelques jardinières, quelques plantes grimpantes qui s'agrippent aux maisons. Une odeur de feuilles mortes et d'essence monte du sol ; on entend des oiseaux, des volets qui claquent, et quelques fantômes qui s'activent mollement derrière les portes fermées [...]."

Place de l'école
Estampe de Ella, Kelvin, et Lou

"Sur cette jolie place légèrement tordue, une fontaine carrée se dresse entre la petite école, qui se tient sage, et la mairie, qui se tient droite. La lumière est vive et rebondit contre les fenêtres et les volets. Le vent apporte du lointain des effluves de frites et de nature qui invitent à la balade. La nuit, les voitures chuchotent et les maisons discutent de leur santé, à voix basse ("je suis fissurée, vous savez, j'ai presque cent ans !") [...]"

Tour horloge
Estampe de Diane, Maxime, et Maxine

"[...] L'humeur de la tour de l'horloge varie constamment au gré de la météo. Ce qu'il advient lorsque l'on passe sous l'arche est tout aussi imprévisible. Parfois, vous êtes transporté dans les nuages. Parfois, cela provoque une pluie de poissons. Parfois, vous êtes foudroyé par un éclair. Et si jamais vous franchissez le seuil de l'arche à midi pile, vous vous téléportez en Italie, mais juste pour le temps du déjeuner."

Rue du four
Estampe de Jade, Emmy, Lorenzo et Tomas

"[...] L'air est frais, un peu trouble et poussiéreux. Si on y prête attention, on peut y déceler des odeurs de fleurs, et parfois même de tomates farcies et de cassoulet. En effet, dans la rue du four, on cuisine beaucoup. On y croise un four vivant qui se déplace de maison en maison pour proposer ses services : cuisson des pizzas, pains gourmands, hamburgers, et plats traditionnels. En fin de journée, les animaux reviennent manger les restes que le four a laissés tomber. À la nuit tombée, les maisons qui étaient fermées en plein jour deviennent de somptueux restaurants ouverts jusqu'à l'aube."

Église
Estampe de Vanessa, Hugo et Natael

"L'église en pierre est vieille et fissurée par endroits. Ses vitraux étroits sont un peu poussiéreux, mais malgré tout lumineux. Elle est couronnée par un grand clocher droit, obscur, et hanté par des oiseaux d'un autre temps.

La délicate cloche de l'église est ancienne, à peu près grosse comme une chaise, et lourde comme une armoire. Il faut la nourrir pour qu'elle se mette à sonner (un grand plat de pâtes fait l'affaire) ; alors, contente de pouvoir manger à sa faim, elle commande à distance l'ouverture de la porte de l'église.

Par temps de tempête, la pluie devient bleue sombre comme la mer en plein ouragan, les vitraux se brisent comme de la braise, les fissures craquent et craquèlent et le cimetière se rempli à ras bord de tristesse."

Maison ancienne
Estampe de Natalka, Fabien et Bastian

"La maison ancienne est gigantesque, plus haute que les bâtiments voisins. Autrefois, cette maison était la porte d'entrée du château aujourd'hui disparu. Elle est faite de pierres, et le crépi forme de jolis motifs sur la façade par endroits.

Il est probable que cette maison joyeuse, avec toutes ses fenêtres de formes différentes, vous fasse rigoler. Son odeur de citron et de cheveux fait pousser les plantes en abondance, attirant coccinelles et gendarmes en quantité. Ses murs épais sont habités par de petits animaux mutants qui se nourrissent de pierre. Et si on mange les feuilles des plantes en pot, on se transforme soi-même en animal. [...]"

Château disparu
Estampe de Ludivine, Ondine, et Mattenzo

"Il y a fort longtemps, au sud du village, se dressait le grand et puissant château de Villespy. On raconte qu'il a été rasé par une armée de soldats. Avant sa destruction, il dominait fièrement le village du haut de ses douze mètres. Ses murs en chêne massif étaient percés d'un millier de fenêtres luxueuses. Un inquiétant donjon en pierre bouillante se dressait au centre du château. Sa porte noire et ses murs rouges abritaient une réserve de lave en fusion. Gare à celui qui s'en approchait, on pouvait s'y brûler sérieusement. Heureusement, il y avait un puits rempli d'eau turquoise juste à côté en cas d'incendie. On raconte que derrière l'une des portes du château, un peuple de loups était coincé, attendant patiemment que quelqu'un l'ouvre."

Lavoir
Estampe de Kilyan, Yanaël et Tim

"L'âge du lavoir divise encore les spécialistes. Certains affirment qu'il a été construit dans l'Antiquité ; d'autres, en 1999. Quoi qu'il en soit, il est aujourd'hui en très bon état. La source qui l'alimente est couverte de mousse d'un vert éclatant. Son eau est acheminée vers un bassin de la taille d'un éléphant, divisé en deux compartiments. L'endroit est paisible, on n'entend qu'un léger bruit de cascade.

Au fond du lavoir, passé minuit, un château sous-marin apparaît au milieu des plantes aquatiques. On le dit habité par un petit diable. Une fois transformé en poisson (il suffit de s'immerger pour que la métamorphose opère), vous pouvez le visiter librement. Il faut simplement veiller à en sortir avant trois heures du matin (heure à laquelle il disparaît à nouveau) ; sinon, vous vous retrouverez coincé jusqu'à la nuit suivante. [...]"