Premier panier complet

Weekends vannerie

Publié par Mathilde Rouch

Journal du projet

Au bout du fil, le président de l'association Mémoire et patrimoine me dit qu'il prépare un stage de fabrication de paniers. Je le contacte pour en savoir plus sur l'histoire locale et me voici avec une belle surprise : découvrir le tissage de l'osier me servira sans doute pour certains costumes du projet.

La même semaine, une personne à Charantonnay me parle de Colette et Jean-Marie, un couple qui organise aussi des stages de vannerie bénévolement.

Du 19 février au 6 mars, je me retrouve donc à travailler l'osier trois week-ends de suite !

Les deux premiers week-ends sont chez Colette et Jean-Marie, à Saint-Jean-de-Bournay (la ville à côté de Charantonnay, où je suis hébergée chez l'habitant).

Plusieurs maîtres vanniers viennent successivement transmettre leur savoir. Étienne arrive de Lille, et Marie-Claire et Quentin des Cévennes. Ils sont accueillis dans la belle demeure du couple, une grange en pisé imposante, typique de la région.

Les apprentis sont nombreu·x·ses, une vingtaine environ, et l'atmosphère est conviviale : quelques-un·e·s font de la musique pendant que d'autres tissent, puis à midi des grandes tables sont tirées dehors pour un banquet maison et consistant.

Auparavant, c'était un ancien qui organisait ces temps de transmission. À sa mort il y a dix ans, Colette et Jean-Marie ont pris la relève. Les gens arrivent ici par le bouche à oreille car ils tiennent à cette ambiance informelle.

Jean-Marie et d'autres habitants sont allés récupérer l'osier chez un agriculteur du hameau. Une de ses parcelles est un vignoble : les fines branches d'osier servaient autrefois à attacher la vigne, et on peut encore trouver un saule planté à chaque début de rangée.
Panier et poisson d'osier

Je commence par tisser une sorte de poisson pour me familiariser avec la matière. Ce n'est pas très convaincant mais il faut bien débuter... Puis le premier panier prend forme.

Osier et Aripes

Très vite, je fais un parallèle entre l'osier et mes croquis de costumes pour le conte Chasser les Aripes.

Les aripes sont des oiseaux migrateurs imaginaires, inventés autrefois par les habitants pour faire une farce aux citadins de passage.

Conte "Chasser les Aripes" : costumes et idées de fête qui pourraient découler de l'histoire.

L'osier me servira pour les masques des oiseaux : en fonction du modelage des montants, un panier peut se finir en pointe et évoquer un bec.

La fête basée sur ce conte prendra place au milieu de l'hiver. Son déroulé n'est pas encore fixé mais elle donnera sans doute lieu à un grand cache-cache pour retrouver les Aripes dans la ville.

Masques des aripes en osier. Philippe pose sur la deuxième image, avec mon premier test abouti sur la tête. Cet acolyte apprenti-vannier rencontré chez Colette et Jean-Marie m'a bien aidé pour le tissage des cinq masques.

La Grange Chevrotière

Début mars, c'est à la Grange Chevrotière que je me rends pour un stage plus officiel organisé par l'association Mémoire et Patrimoine. Ce bâtiment se situe sur la commune d'Artas, une autre ville limitrophe de Charantonnay.

Les maîtres vannier·e·s sont nombreux et viennent quasiment tou·te·s des alentours. Nous nous répartissons par groupes de deux ou trois et fabriquons un panier chacun·e en une journée. Là encore l'ambiance est sympathique et le repas grandiose et copieux.

Grange chevrotière et panier

Pisé et zone humide

La Grange Chevrotière est un lieu historique d'Artas, c'est une ancienne grange-étable construite en 1860. Elle a été rénovée avec les techniques de constructions traditionnelles de la région, associant bois, pisé, galets et pierres.

Ce type de bâtiment est présent dans tout le Nord-Isère, la partie la plus rurale du département où se succèdent petites villes, bocage, exploitations agricoles, pâturages, forêts et zones humides.

Les grandes bâtisses en pisé de ce territoire, souvent en forme de « L », ont un soubassement de pierres et de galets placés en épis. Ces pierres évitent que l'eau ne remonte par capillarité dans les murs en terre : une infiltration serait fatale avec le temps. Les grandes charpentes en châtaigner servent aussi ce besoin : elles débordent largement des murs et les protègent ainsi des écoulements de pluie. On trouve régulièrement de grands filets accrochés à ces débords pour faire sécher les noix.

Les toitures sont plus ou moins hautes selon les endroits, elles sont un indicateur des micro-climats existants d'une colline à l'autre : plus elles sont pentues, plus il y a de précipitations et de neige.

Le procédé pour monter les murs en pisé est en quelque sorte un ancêtre du béton : on prend une terre forte qui ne renferme qu'une certaine proportion d'argile, et on vient la compacter dans un coffrage à l'aide d'un pilon. Le séchage est rapide et permet de continuer la construction dès le lendemain.

Cette terre était aussi utilisée pour des poteries de toutes sortes et particulièrement pour les tuiles.

Petite mare

On trouve encore des mares à proximité des maisons, témoins de l'emplacement où l'on a prélevé la terre pour le pisé.

Comme évoqué précédemment, les vastes collines du Nord-Isère sont en effet très propices aux zones humides, et donc aux étangs, mares et marécages : des milieux parfaits pour les saules osier ! Tout comme le carex, le jonc massette, et d'autres plantes utilisées en vannerie.

Zone humide Charantonnay
Une zone humide entre Artas et Charantonnay. Plus loin, le marais de Charavoux est une zone protégée où l'on trouve quelques rares espèces d'oiseaux et d'amphibiens.
Cavités dans la molasse
Cavités creusées dans la molasse : elles servaient sans doute de champignonnière, de cave ou bien de stockage.

Cette rétention de l'eau par endroits est due à la molasse hétérogène qui constitue le sol. Pour les géologues, la molasse désigne un mélange de sable, d'argile et de galets, résultat de l'érosion glaciaire des Alpes et du Jura.

Les parties très argileuses retiennent bien l'eau. Mais seulement quelques kilomètres plus loin, d'autres parties sont au contraire très spongieuses.

 

La Mâchecroûte

Cette histoire de mares et de pisé m'évoque le conte de la mâchecroûte. Cette bête qui se cacherait dans les étangs et les serves est connue pour attraper les enfants. A l'occasion d'une fête ou d'une procession, cette figure centrale pourrait être constituée de terre, comme si cet argile au fond de l'eau se trainait à la surface.

Le lien entre eau et argile semble en effet omniprésent sur ce territoire, que ce soit au travers de l'architecture ou des nombreux marécages.

Peut-être une idée à développer après Création en cours... D'autant plus que la Grange Chevrotière propose des formations au pisé pour les scolaires, et l'école d'architecture de Grenoble a un secteur de recherche spécialisée dans les habitats en terre (CraTerre).

Conte de la Mâchecroûte : des idées en vrac d'une procession au bord de l'eau, d'une grande bataille d'eau, de la figure centrale de la mâchecroûte...

Une sortie se profile avec les élèves dans les prochaines semaines. Cette escapade permettra d'en savoir encore d'avantage sur les caractéristiques de ce territoire : petit à petit, nous cernons le génie du lieu.