Pique-nique dans les champs

Le pays des collines

Publié par Mathilde Rouch

Journal du projet

Un kilomètre à pieds, ça use, ça use ! Un kilomètre à pieds, ça use les souliers !

La troupe des 27, accompagnée de quelques parents, se lance dans une grande escapade. Le jeudi 3 mars, nous arpentons les collines entre Charantonnay et Artas. Au programme : la montée entre les châtaigniers, l'étang des grenouilles, la pierre du diable, pique-nique, le marais de Charavoux et le hameau des Grottes.

La balade permet aux élèves d'en apprendre plus sur leurs paysages de proximité : Yvan Ciesla, un spécialiste en élagage d'arbres, fait de nombreuses explications à la classe tout au long de la marche. Sa grande connaissance de la flore et faune locale pique la curiosité des élèves et donne une autre vision de ces collines.

Une fois dans les bois, nous faisons une petite pause pour écouter les oiseaux. Yvan reconnaît tous leurs chants. Quelques élèves commencent à récolter des feuilles, des mousses, des chatons (pollen), qui serviront pour la prochaine séance.

Nous entendons ou observons des sittelles, des mésanges, une alouette, des rouge-gorges et rouge-queues, des grives, des pics (verts ou épeiches), des buses, des faucons crécerelles, des merles, des faisans, et même un vol de cormoran en forme de V.

La position géographique du Nord-Isère, entre les Alpes et le Massif Central, est un sillon stratégique pour les oiseaux migrateurs. Ils peuvent ainsi contourner Lyon tout en se reposant et en se restaurant dans les étangs. Au printemps, il est courant de voir des vols de cigognes, de cormorans ou de grues cendrées.

Les zones humides à proximité de Charantonnay, comme le marais de Charavoux ou celui de Montjoux, accueillent également des espèces rares, tels que le héron pourpré et le blongios nain. Ils hébergent aussi des amphibiens peu fréquents, comme le sonneur à ventre jaune.

Yvan ajoute que sur la commune de Charantonnay et ses alentours, on trouve plusieurs chouettes hulottes et un couple de hiboux grands-ducs.

La pierre coupée en deux
La Pierre du Diable ou Pierre-Grand

Après notre passage vers cette petite zone humide sauvage et une grande traversée des champs, nous finissons la matinée à la Pierre du Diable – ou Pierre-Grand.

La Pierre dans la forêt

Les élèves attendaient ce moment avec impatience pour pouvoir sortir le pique-nique !

Un des contes sur lesquels nous travaillons explique l'origine de la Pierre :

Conte de Pierre-Grand

Après s'être goulûment et bruyamment rassasiés, les élèves récupèrent un appareil photo numérique par groupe de trois. L'idée est de prendre des détails du paysage en photo pour entamer un travail plastique à la prochaine séance.

Des moraines aux collines

Nous profitons également de cette longue pause pour évoquer l'histoire géologique de ce lieu. Car si l'on met de côté le conte, comment ce grand bloc erratique, cette « Pierre du Diable », a bien pu arriver là ?

Pour cela, remontons dans le temps et regardons à plus grande échelle. La zone géographique qui nous concerne est celle du Nord-Isère, appelée aussi Bas-Dauphiné ou parfois Terres Froides. Une région de collines molassiques façonnées par l'érosion glaciaire.

Département de l'isère

La période géologique du quaternaire (qui commence il y a environ – 2,58 Millions d'années), est caractérisée par plusieurs périodes de glaciation. À ce moment-là, les Alpes françaises étaient recouvertes par le glacier du Rhône, qui s'arrêtait plus ou moins au niveau de Lyon.

Carte du glacier

Les « langues » du bout du glacier poussaient les roches et la terre à la façon d'un bulldozer. Ces amas poussés formaient des « moraines ».

Schéma moraines

Durant les différentes périodes de glaciation, le glacier avançait et reculait successivement, créant toujours plus de moraines. À la dernière période glaciaire, il y a 15 000 ans, l'érosion de la glace et des eaux de fonte creusa encore plus ce terrain tendre de molasse, d'où les collines douces du paysage actuel des Terres Froides.

Cela explique également la présence de larges vallées surdimensionnées par rapport aux chétifs cours d'eau qui les traversent, telles que la plaine de la Bièvre ou celle de la Bourbre.

Les reliefs du Bas-Dauphiné. Source : Géoportail.

Et la Pierre du Diable ? Comme vous l'avez sans doute deviné, elle a été transportée par le glacier.

En reculant et en s'écoulant, il abandonne les bouts de roches arrachées aux montagnes alpines.

 

Le retour par les Grottes et la forêt

La balade et les explications permettent aux élèves de faire un lien entre le territoire et les croyances locales découvertes en classe : les marais rappellent la créature de la mâchecroûte, le passage à la Pierre du diable - ou Pierre-Grand - évoque le lancer de Gargantua...

Yvan montre du doigt le marais
La classe au-dessus du marais

Sur le retour, nous passons au-dessus du marais de Charavoux, puis traversons le hameau des Grottes.

Les cavités réveillent le souvenir du Nuiton...

Le conte du Nuiton et le hameau des Grottes, avec ses cavités creusées dans la molasse.

Nous faisons un crochet par une grande bosse d'herbe qui n'est autre qu'un château d'eau, et en profitons pour faire trente minutes de dessin d'observation. C'est la première fois que les élèves en font en classe cette année, et le principe de retranscrire sur la feuille ce que l’œil voit n'est pas si évident à comprendre. Chacun·e choisit son arbre et je passe donner quelques conseils.

Nous revenons par la forêt, où Yvan s'arrête devant un magnifique chêne. La forêt de la région est assez abondante et diversifiée : on y trouve beaucoup de châtaigniers, des charmes, des hêtres, des robiniers, des érables, des noisetiers, des noyers, quelques merisiers. Le châtaigner était d'ailleurs une essence favorable pour la fabrication du charbon de bois, d'où la présence de nombreux « hommes des bois », des charbonniers, qui ont donné leurs noms à quelques lieux.

On trouve aussi quelques mûriers, trace du XIXème siècle où la soie se développe dans la région Lyonnaise. Le ver à soie, ou bombyx, se nourrit en effet des feuilles de cet arbre, qui a donc été planté en abondance autour de Lyon et dans le sud de la France.

Mais l'activité textile de la région était déjà bien présente avant l'arrivée de la soie : le chanvre y était récolté pour la confection de voiles de marine, particulièrement à Saint-Jean de Bournay et ses environs. La ville fut même rebaptisée « Toile à Voile » pendant un temps après la révolution française.

À 16h, en arrivant à l'école, les enfants chantent toujours. La journée aura été énergique, accompagnée par le soleil qui était heureusement au rendez-vous !

Par la suite, j'ai poussé plus loin mes recherches sur Charantonnay et ses alentours, et notamment sur les Terres Froides. Deux documents courts et bien écrits résument les caractéristiques et les délimitations de cette région naturelle.

1. Document général : https://www.isere.gouv.fr/content/download/31059/234091/file/terres%20froides.pdf

2. Les limites des Terres Froides : https://sac4b5786bec34827.jimcontent.com/download/version/1506013172/module/10881675295/name/ahppv_limites_des_terres_froides_p_carre_3.pdf