L'histoire du cinéma commence par le travail
Pemière semaine à Seyne-les-Alpes avec Mme Michel et ses élèves de CM1-CM2, du 19 au 23 février 2018. On débute en abordant le cinéma par ses techniques, ses métiers, ses lieux : une photographie de Raoul Coutard à la prise de vue sur le tournage du Mépris, la salle remise à neuf de l’Eden Théâtre à La Ciotat.
Et puis on revient en images sur l’invention multi-située du cinéma, à la fin du XIXème siècle ; un art qui se caractérise dès ses débuts par un certain rapport au réel, filmé, saisi sur le vif, mis en scène, et qui pose donc d’emblée la question du duo documentaire-fiction. Le sujet du travail et l’industrie sont présents aux origines et l’on montre La Sortie de l’usine Lumière à Lyon (1895), L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat (1896) ou les inventions de Thomas Edison. Les enfants écoutent, regardent, réagissent à ces images qu’ils voient pour la première fois. Ils sont nés au XXIème siècle numérique mais la pellicule leur parle, et ni le muet ni le noir et blanc ne leur font peur ! S’ils ne connaissent pas encore Buster Keaton, ils savent déjà ce qu’est le burlesque et seules les fractions leur restent encore un peu obscures… On ne fait pas ici référence au ratio d’image 4/3 mais aux “quatre tiers” du dosage du picon-citron-curaçao “de la maison”, que César (Raimu) enseigne à Marius dans le film éponyme de 1931, écrit par Marcel Pagnol et qui nous sert à introduire le cinéma parlé.
Marius: “Et ça fait quatre tiers.” César : “Et alors ?” Marius : “Et ben dans un verre, y a que trois tiers.” César : “Mais imbécile, ça dépend de la grosseur des tiers !” Marius : “Et non ça dépend pas…” César : “Pourquoi ça dépend pas ?” Marius : “Et ben c’est de l’arithmétique ça…” César : “Oui, mais ne cherche pas… l’arithmétique… ne cherche pas à détourner la conversation n’est-ce pas…”
On en vient peu à peu à notre projet et à celui que l’on souhaite mettre en œuvre avec les élèves de Seyne : filmer le travail. On y vient en visionnant une série de cinq films courts d’Harun Farocki, réalisés pour la télévision publique allemande à destination des enfants dans les années 1970. On fait ainsi le lien entre notre intervention et une actualité artistique importante : l’exposition Empathie, qui reprend des œuvres de l’artiste disparu en 2014, sur le travail, à la Friche la Belle de Mai (Marseille), et la rétrospective qui lui est consacrée au Centre Pompidou (Paris).
Dans les films de Farocki, on suit les enfants Olaf et Tanja qui, portant des briques, nous expliquent le travail à la chaîne et la mécanisation. On retrouve ces procédés à l’œuvre dans une usine de chocolat, comme un écho réaliste à la fabrique fantastique décrite par Roald Dahl dans son célèbre roman. La petite Dieter, qui achète une bouteille de limonade produite par son père, ouvrier dans une usine de la ville, nous fait découvrir le cycle de l’argent. Les enfants prennent des notes et réalisent un schéma sur le parcours de la pièce de 50 pfennigs dépensée par Dieter (voir photos du diaporama).
Ethan, regardant un film de Farocki sur le travail s’exclame : « Ils ont du courage eux, ils travaillent… Mais eux ils sont payés ! Nous aussi on travaille… eh oui ça fait mal au bras d’écrire ! »
La classe du vendredi est assurée par Mme Labourdette, collègue de Mme Michel en charge de l’enseignement de l’histoire et de la géographie. Nous évoquons le contexte de la naissance du cinéma, celui de l’industrialisation et on regarde Les Temps Modernes, de Chaplin (1936). C’est, pour la plupart des enfants, le premier Charlot qu’ils voient. Ils rient et comprennent beaucoup. Ils voudraient en voir d’autres.
La semaine se conclut, le courant est bien passé et nous serons heureux de les retrouver bientôt pour commencer à travailler sur leur projet de film. Pour la prochaine fois, nous leur demandons de préparer un texte descriptif d’un travail, d’un métier qui les intéresse tout particulièrement.
