Semaine du 26 avril et semaine du 17 mai
Un mois après les explorations sur leur lieu d'étude, nous proposons aux enfants de réaliser plusieurs exercices de mémoire : un plan du lieu, un dessin-collage de celui-ci et une maquette. De la même manière que nous l'avons fait après avoir découvert la tour, les enfants sollicitent leurs souvenirs pour retrouver les traces du lieu. Représenter en faisant appel à ses souvenirs, c'est aussi choisir des choses marquantes du lieu. En se concentrant sur leur propre mémoire, les enfants en oublient de se copier. Leurs plans parlent déjà de leur vision du lieu dans les choix de ce qui est représenté, la place des choses et leur dimension.
La difficulté d'un exercice défini pour une classe entière est qu'il ne permet pas forcément à chaque enfant de s'exprimer comme il le souhaite. Certains seront plus à l'aise à l'écrit, d'autre plus dans le dessin ou la maquette. Certains élèves attendent une consigne précise, d'autres au contraire s'épanouissent lors d'un exercice libre. Lors de la réalisation du collage, les enfants se trouvent la plupart perdus devant cette technique qu'ils ne connaissent pas, mais surtout que nous n'avons pas pris le temps de présenter suffisamment, ou de la bonne manière. La confusion entre une représentation en plan et en élévation que nous avions observé lors des premiers exercices a désormais disparu : les enfants se sont appropriés ce nouveau mode de représentation. Trouver le temps, la pédagogie adaptée, les outils et exercices qui conviennent nous renvoie à la réflexion de notre propre méthodologie. Nous nous heurtons aussi à la difficulté même de notre objectif : représenter en dessin une sensation n'est évident ni pour nous ni pour les enfants...
Au cours des exercices, les enfants s'efforcent d'explorer l'outil qu'ils ont en main. Pour réaliser le plan, nous leur proposons de travailler avec un feutre noir à double pointe, grosse et fine, identique pour chaque enfant. Sous leurs doigts, le trait se transforme, s'épaissit, s'amenuise, s'arrête et reprend. On sent l'émotion transparaître dans leurs coups de crayon, le geste accompli pour l'obtention de la forme, l'intensité avec laquelle chaque enfant a appuyé ou non sur son crayon. L'excitation, la minutie, la timidité de chacun transparaissent entre les lignes. En maquette, les papiers sont pliés, cornés, troués, découpés, courbés, enroulés, déchirés, froissés. Les techniques d'assemblage, collage et pliage, la manière d'assembler les morceaux de papier colorés sont uniques à chaque enfant. Chacun s'essaye avec joie à ce nouvel exercice pour exprimer ce qu'il souhaite.
L'échelle et la hiérarchie des choses
En faisant ces choix techniques, les enfants expriment ainsi des choses qui apparaissent plus fortement que d'autres. On repère alors des formes de hiérarchie dans les choses dessinées en plan : les choses plus grosses sont souvent moins détaillées, vite dessinées, tandis que des petits détails (herbe, fleurs) sont plus soignées, et correspondent à des choses plus petites aussi dans la réalité. Des masses sombres sont remplies très vite, gribouillées pour signifier le fouillis des haies et des talus, tandis que la minutie d'une multitude de fin petits traits représente un gazon fraichement tondu. De la même manière, les choses les plus grandes sur le lieu, ou ressenties comme les plus grandes, sont représentées avec un trait plus épais, ou en maquette de manière exagérée. Couleurs et matières expriment elles aussi la mémoire du toucher, des reliefs vus et ressentis : l'herbe devient papier froissé, papier en franges qui ondulent dans le vent, petits bâtons collés un à un sur les plans.