1. Le commencement (le désert)

1. Le commencement (le désert)

Publié par Manuela Ferry

Journal du projet

La suite de l'histoire de Mô (chapitre 1/5)

Après des jours d'inconnu, Mô arrive par l'ouest sur une langue de terre aride, appelée Kanniyākumari peṇ (« la femme ocre ») dans l'une des plus anciennes langues du Monde.
Le sol est recouvert de sable chaud et fumant, de bauxite et de granit, de monticules rocheux. Le sable est jaune par endroits, plus loin rose foncé ou bien rouge brique, pareil à un tapis de minuscules débris de terre cuite. On raconte qu'une femme, fatiguée et perdue, s'est allongée au milieu de cette île il y a bien des années. Dormant d'un sommeil profond, son corps entier a pris racine, donnant naissance à l'unique arbre ayant jamais poussé sur cette parcelle désertique, cette terre stérile, devenue pour un instant fertile. C'est un arbre éternel, renfermant un feu sacré et perpétuel, auprès duquel chacun peut venir retrouver ses racines.
Encore faut-il le trouver, car il n'est pas visible à l’œil nu.
Pour l'apercevoir, il s'agit de revêtir la figure de l'enfance.

Lorsqu'il s'éloigne du rivage savamment déchiqueté par les flots pour s'approcher de l'intérieur des terres, Mô observe l'île trembler et frémir comme de l'eau qui bout. Les grains dorés dansent frénétiquement et avec grâce sous l'effet de la chaleur et la douceur du vent.
Tout semble à la fois silencieux et prêt à jaillir.
Sous-jacente, une force vibre en sourdine et semble vouloir se déployer au-delà des profondeurs.
Un cœur bat sous le sable et Mô devine qu'il est sur les traces de sa naissance.
Ou de sa renaissance.
Comme un mirage, un masque de feu soudain embrase son visage et confère à sa vision l'empreinte d'un coucher de soleil majestueux.
Sous ses pieds, les pierres roulent, se brisent et se démasquent. Elles dansent en rond autour des cairns, se livrant comme à un rite.
Nues soudain, elles montrent à Mô leur intériorité, leur tendre jeunesse.
Elles l'invitent à se dévoiler à son tour, guidant ses pas vers l'arbre.

Au-dessus, entre sa tête et le ciel, le silence et l'immensité règnent en maîtres.

Mô se met en marche.
Il traverse le désert et sa propre solitude, suivant simplement le cahotement des pierres et le bruissement lointain des racines.