Écrire la recette d’un patrimoine culinaire commun.
“Entre 2 Repas” propose de croiser design graphique, illustration et cuisine pour revisiter et mettre en lumière le patrimoine culinaire alsacien tout en réfléchissant plus largement aux liens et échanges possibles entre voisins.
Ce projet de recherche et création entrera en résidence auprès de l’école primaire de Colroy-la-Roche (Bas-Rhin) avec la classe des CM1-CM2.
En partant des connaissances et des expériences de chacun, la classe formera une “brigade” qui revisitera une recette traditionnelle locale. Au cours de plusieurs ateliers de création, ils parcourront cet univers tout en y mettant leur grain de sel. Leurs recherches seront d'ailleurs mises à l'honneur avec une exposition de travaux graphiques réalisés en classe, à l'occasion du "Printemps de la Forêt", événement festif et culturel organisé le 29 et 30 mai dans la vallée de la Bruche (67). Enfin, la résidence se clôturera avec un Chantier Graphique porté sur la création de nombreux supports graphiques et sensibles pour partager la recette revisitée au plus grand nombre.
Après cette période de confinement où les repas ont manqué de piquant, “Entre 2 Repas” vous propose une salade de diversité qui étonne et détonne : comme un brin de coriandre sur une choucroute, du gingembre dans un bourguignon ou du yuzu dans un pot-au-feu.
L’histoire commence en l’an 2016, dans la ville de Strasbourg, où mon chemin croise celui de Clémence Ollier, une jeune étudiante parisienne au grand coeur et aux grandes idées.
Tous deux designers “multi-casquettes”, nous avons à coeur de développer des projets in situ, au contact de nombreux usagers et à l’échelle locale. En toute évidence, nous allions nos forces et notre créativité. Après un an de travail en collectif, naît notre projet : “Entre 2 Paliers”.
Pendant 9 mois de recherche-projet, d’octobre 2017 à juin 2018, nous questionnons les relations et les échanges possibles entre voisins à l’échelle d’un immeuble. En effet, dans nos sociétés largement urbanisées, le voisinage constitue aujourd’hui notre condition. Dans cette nouvelle ère du voisinage et à l’heure de la mode des communs et du vivre-ensemble, pourrions-nous envisager cette concentration d’individus comme une multiplication de ressources ?
Avec humour, décalage et poésie nous avons décidé de partir à l’assaut des parties communes d’un immeuble strasbourgeois en imaginant des situations inédites et inattendues dans les parties communes. Le projet “Entre 2 Paliers” suggère de nouveaux usages et propose aux habitants d’échanger et de s’entraider grâce à des mises en scène originales, installées palier après palier. Loin de vouloir créer l’utopie d’un bonheur partagé, nos installations suscitent la curiosité des habitants et ouvrent un nouveau dialogue sur la façon d’animer les espaces communs et de partager plus que de simples salutations cordiales entre voisins. En effet, à l’heure où la notion de commun est plus que jamais mise à l’honneur, notamment en ligne grâce à des plateformes de partage, le projet "Entre 2 Paliers" matérialise, dans un contexte urbain actuel, ce désir de lien à échelle locale. On trouve alors dans les parties communes : la recette du plat dont on sent l’odeur ; le nom de la musique que l’on entend jusqu’au 6ème ; chez quel voisin sonner pour trouver la perceuse qu’il vous manque pour finir de monter votre nouvelle table ou encore un grand mur d’expression pour assouvir toutes vos pulsions artistiques.
Dans un désir commun de continuer à nourrir ce projet, j’ai vu cette nouvelle édition de “Création en Cours” comme une bonne occasion pour prolonger mon travail de recherche et de création. En effet, même si je me base sur des réflexions communes, je souhaite ouvrir le sujet à d’autres champs que nous n’avons pas encore pu explorer.
Un domaine qui me tient particulièrement à coeur : la cuisine. Mon intuition est née lors de notre première résidence strasbourgeoise “Entre 2 Paliers” où j’avais été inspiré par la diversité des habitants au sein d’un même immeuble. En effet, plus d’une vingtaine de nationalités et d’origines différentes cohabitaient entre les mêmes murs, soit une grande richesse en termes de cultures et de nourritures. Nous avons d’ailleurs fait le constat que les odeurs de cuisine étaient parfois vécues comme une nuisance par certains habitants. Cependant, si nous partageons l’odeur des plats cuisinés de nos voisins nous pouvons envisager d’en partager les recettes voir de s’asseoir autour d’une table pour cuisiner ensemble et ainsi mieux comprendre et accepter l’Autre.
Développant cette passion depuis plus de 10 ans, je considère comme une chance le fait d’avoir grandi dans un pays au patrimoine culinaire très vaste et ancré culturellement. J’ai également eu l’occasion de beaucoup voyager et d’apprécier tout la diversité qu’offre le monde en terme de textures, couleurs et saveurs ce qui m’inspire au quotidien dans ma pratique de designer comme de cuisinier. Quand je cuisine ou je mange, je place le partage, le plaisir et la santé au centre de mon assiette : le repas a été, est, et restera un moment privilégié d’échange et de sociabilité en famille, entre amis ou voisins en France. C’est un enjeu d’autant plus important qu’il est actuel avec beaucoup les réflexions sur le bien-manger, le local et différents courants de pensées et d’actions qui sont au centre des débats.
Je vous présente donc “Entre 2 Repas”, ramification gustative d’un projet plus large qui tisse des liens entre voisins. Le projet propose une réflexion sur le vivre-ensemble à l’heure des repas. Bien que différemment organisé et ritualisé l’action de cuisiner et de manger est présente dans tous les foyers. Pourquoi ne pas mutualiser tous ces savoirs et toutes ces particularités, en incitant les citoyens à se réunir, cuisiner ensemble et découvrir des saveurs et des histoires afin d’écrire ensemble les recettes d’un patrimoine culinaire commun.
La recette est en elle même un élément extrêmement intéressant d’un point de vue graphique et social. Sur papier ou en ligne, nous pouvons en avoir des milliers à portée de main. Cependant, pour qu’on choisisse de la garder ou de la donner, voire de la transmettre entre les générations, il faut trouver LA bonne recette. Une recette qui visuellement et avec très peu de mots, titille notre curiosité au point de nous donner faim d’un simple coup d’oeil.
Intervenir dans un contexte scolaire avec ce format de résidence longue me permettra de favoriser la collaboration entre les élèves d’une même classe, en proposant un travail par étapes. La classe formera une “brigade” qui revisitera une recette traditionnelle. Au cours de plusieurs ateliers et à l’aide de divers outils de design interactif ils en apprendront plus sur la cuisine mais aussi sur leurs différences. En mutualisant les connaissances et en cultivant la diversité du groupe, la classe élaborera sa recette participative, graphique, sensible et personnelle qui abolira les barrières de la langue et proposera un regard nouveau sur le patrimoine culinaire local qui fait la richesse et la diversité de nos régions.
Nous ne sommes peut-être pas voisins de palier, cependant nous sommes tous des citoyens vivant dans des villes humaines qui ont besoin de notre engagement pour le rester. Il semble ainsi nécessaire de diversifier les rapports entre voisins, y compris entre voisins de classe, pour créer une dynamique collective d’échanges de services, de biens, de conseils, de recettes et de savoir-faire. Prendre le temps de cuisiner ensemble des mots, images et plats serait ici un prétexte pour prendre conscience que le “vivre-ensemble” est d’abord une pratique du quotidien.
Après cette période de confinement où les repas ont manqué de piquant et de convivialité pour certain, je vous propose une salade de diversité qui étonne et détonne : comme un brin de coriandre sur une choucroute, du gingembre dans un bourguignon ou du yuzu dans un pot-au-feu.
Par le(s) artiste(s)
Les Ateliers Médicis seront fermés au public du 21 décembre au soir au 5 janvier inclus.