Ce projet de création et de transmission porté par l’ensemble « Les Anges Vagabonds » explore la relation entre musique et littérature. Le répertoire français pour harpe et cordes du début du XXème siècle en est une illustration particulièrement pertinente. Notre sélection s’articule autour de deux œuvres composées à partir d'un argument littéraire : « Caplet » E.A. Poe et « Renié » Leconte de Lisle ; ainsi que deux œuvres à l'esthétique symboliste aux titres évocateurs : « Féerie » de Tournier et les « Danses » de Debussy. Soucieux de créer des liens entre les arts, ce projet vise à explorer et transmettre les modes de création et les clés de ces œuvres.
Le projet « Conte(s) Fantastique(s) » se caractérise par la richesse des pièces musicales qui le composent :
« Conte Fantastique » d’André Caplet
« Danses sacré et profane » de Claude Debussy
« Féerie » de Marcel Tournier
« Légende » d’Henriette Renié
Ces oeuvres, manifestations de l’esthétique symboliste française, ont en commun leurs liens avec un argument ainsi qu’un discours très imagé, mystérieux et féerique.
Ces pièces placent la harpe (instrument merveilleux par excellence) au centre du propos. Elles tirent également partie de la richesse des modes de jeu, et des possibilités expressives des cordes, ici en formation quintette.
La diffusion et la promotion d’un tel répertoire nous paraissent être une démarche nécessaire et stimulante. Elle revêt des enjeux variés, selon les pièces du programme.
Tout d’abord, le « Conte Fantastique » de Caplet est une oeuvre complexe et déroutante. Peu jouée, et injustement traitée lors de sa création en 1923 (qui fit scandale), cette pièce s’articule autour de la nouvelle d’Edgar Allan Poe « Le Masque de la mort Rouge ». Parmi les versions laissées par Caplet, nous choisissons de défendre celle où l’argument s’intègre complètement au discours musical par l’intermédiaire d’un récitant. Cette configuration livre à la fois une interaction artistique inspirante ainsi que les clés des mode de création de l’oeuvre.
Ensuite, les « Danses » de Debussy s’insèrent de plein pied dans l’esthétique symboliste héritée du courant littéraire du même nom. Ce dernier, porté par Beaudelaire, Mallarmée ou Maeterlinck, se caractérise par un univers où l’imaginaire est omniprésent et où la réalité semble plus lointaine, plus abstraite. Cette oeuvre, célébrée pour sa qualité, mérite qu’on la questionne, qu’on la nourrisse et qu’on en croise l’exécution par la lecture d’oeuvres littéraires.
Autre pièce du programme, « Féerie » de Tournier est à l’origine écrite pour harpe seule. Cependant, il existe un arrangement réalisé par le compositeur lui-même pour harpe et quintette à cordes. Ce dernier, peu joué et jamais enregistré nous semble digne du plus grand intérêt. En effet, c’est grâce au timbre mêlé des cordes, que cette pièce, curieuse et lyrique, peut le mieux stimuler notre imaginaire et notre créativité.
Dernière pièce du programme, « Légende » d’Henriette Renié, oeuvre virtuose pour harpe seule composée en 1901 d’après le poème « Les Elfes » de Leconte de Lisle est dotée d’une richesse musicale et expressive sans conteste. L’utilisation que fait Renié des timbres, des thèmes et de la virtuosité, repoussant les limites sonores et techniques de l’instrument pose la question de sa dimension orchestrale, tout comme sa dimension illustrative en lien avec le poème de Leconte de Lisle. En effet, l’écriture verticale très fournie, les différents thèmes traités de manière très contrastée, mais surtout la multiplicité de registres laissent à penser que cette pièce suggèrerait une dimension orchestrale équivoque, à l’image des poèmes symphoniques courants à cette époque.
L’arrangement de cette oeuvre pour harpe et cordes a pour ambition d’aller au coeur même de cette pièce, d’en dépasser les limites et d’en créer une vision nouvelle, se positionnant ainsi en suggestion d’interprétation des suggestions musicales de sa compositrice.
Cette démarche de création, de recherche et d’interprétation est donc un souhait fort de l’ensemble Les Anges Vagabonds. Faire vivre ce répertoire et en magnifier l’exécution par l’exploration des porosités artistiques qui l’habitent est notre priorité.
Ainsi, de pièces phares du répertoire pour harpe que sont les Danses de Debussy au Conte Fantastique de Caplet - véritable fresque musicale et littéraire, en passant par l’insolite Féerie de Tournier en version quintette et la création d’un arrangement pour harpe et cordes de Légende de Renié, nous entendons nous positionner en passeurs et défenseurs de cette esthétique envoûtante d’étrangeté.
Somme
Par le(s) artiste(s)