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[Visite] Le Musée-Promenade de Digne.

Publié par Mathilde Soulheban

Journal du projet

J’aurais préféré que nous visitions la réserve géologique plus tôt, mais elle n’était pas encore ouverte. Nous y sommes allés lorsque l’écriture du spectacle de l’atelier était presque achevée. C’était très instructif en attendant, ça m’a beaucoup plu, ça m’a beaucoup inspirée, et les enfants ont aimé jouer dans le sable il me semble.

Il y a, au premier étage du Musée Géologique de Digne, un nautile esseulé qui flotte entre les deux eaux de son aquarium. Vers les escaliers, puis vers le couloir, et vers les escaliers à nouveau. Ennui.

Le récit grandiose du vivant raconté au Musée Géologique de Digne s’échoue sur ce nautile.

La maîtresse me dit qu’il y en avait plusieurs avant, qu’ils ont dû mourir ou être déplacés.

Des ammonites grosses comme des chiens, du vivant fou et profus, des coquilles déroulées, tordues, des mollusques en forme de hameçon à baleine, fossiles, ambres, la miraculeuse réaction chimique entre la mort et le sédiment ; le nautile qui barbote au premier étage.

Au rez-de-chaussée, l’exposition temporaire des serpents de la région met, à hauteur des yeux des enfants, des mues dans des tubes transparents. Ça commence à murmurer, à raconter avec d’infimes variations, la fois où on a rencontré un serpent.

J’ai couru !

Ma mère m’a dit de courir !

J’ai couru chercher ma mère !

On a couru.

Si un serpent vous mord, il faut rester calme, dit la guide, sinon le venin circule plus vite. Les enfants, si un serpent vous mord, il ne faut pas crier, il ne faut pas vous agiter. Il faut être très calme, d’accord ?

Je me rappelle des multiples recommandations que j’ai retenues depuis l’enfance, tout ce que je sais que je dois faire, en cas d’incendie, d’accident, de morsure, d’attentat, de noyade.

Je ne sais pas passer un après-midi toute seule.

Il y a des traces de dent sur certaines ammonites, ça veut dire qu'elles ont été dévorées par les prédateurs de l'époque.

Répliques de répliques de répliques de fossiles, moulages de moulages. La vie échappe.

Un grand dauphin du passé a l’air d’avoir nagé sans grâce.

Bac d’huîtres, animaux tropicaux minuscules dans une pièce qui ressemble à un sous-marin, ou un vaisseau spatial. Les poissons nous passent au-dessus de la tête.

L’après-midi, c’est atelier pratique : s’entraîner à déblayer comme un paléontologue des carrés de fossile en plâtre. La maîtresse, l’AVS et moi assistons à un tourbillon de pelles et de balayettes qui débouche sur des rapports de fouille dessinés à la va-vite. À la fin, la guide demande aux enfants de renverser sur leurs fossiles le sable qu’ils ont mis tant de soin à enlever. Pour les prochains.

Je vois que la vie n’est jamais qu’un mauvais dormeur qui se retourne dans sa propre chaleur.

A. a demandé comment l’ammonite fabriquait sa coquille.

Quand elle grossit, elle comble sa case et construit la suivante.  Si elle vit très longtemps, elle devient énorme, comme une petite voiture. C’est naturel, ça se fait tout seul.

Mais comment ça peut se faire tout seul ?!

Tes os, ils poussent bien tout seuls, tu ne les contrôles pas.

Silence.

Même les os poussent seuls ! Vivre suffit à faire pousser des os. Si on a de la chance, ils se transforment en pierres précieuses.

Sur Youtube, un type casse des ammonites dans un désert canadien. L’intérieur est multicolore. Il faut le voir les fendre au burin. Dans les commentaires, ça s’indigne :

Cette ammonite est restée intacte pendant des millions d’années et toi tu la pètes en deux !

Je connais mon métier, va voir sur mon site comme elles sont belles mes ammonites, je les traites et elles brillent. Elles sont mieux ouvertes là que dans la boue gelée.

Nous quittons le musée, sans rien laisser derrière nous. Nous passons sous la cascade, par le jardin japonais, la promenade qui promet de voir des papillons est fermée en ce moment, ou ce n’est pas notre itinéraire.

Photo souvenir perdue sur le petit pont de bois.

Le nautile au premier étage du Musée Géologique de Digne ne deviendra pas un fossile.

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