Cours de kayak

SEMAINE 2 - Un marin et des kayaks

Publié par Juliette Chartier

Cinéma et audiovisuel Documentaire sonore

Nous retrouvons les enfants lors d’une séance un peu spéciale : l’initiation au kayak de mer !

Philippe, l’instituteur, nous propose d’enregistrer ces séances, auxquelles les enfants vont participer tout au long de l’année. 

Cela nous intéresse de relater cette expérience, un peu à côté de leur apprentissage en classe. Raconter au son, quelque chose de l’enfance, de l’épanouissement. Qu’est-ce-que c’est que grandir ?

Cela dit aussi beaucoup de leur rapport à l’eau : ielles semblent très à l’aise dans cet environnement que pourtant ielles connaissent peu. Leur enthousiasme et leur joie fait plaisir à voir. 

Pour cette séance nous enregistrons l’avant et l’après et restons sur le rivage lors de leur initiation au kayak pour enregistrer les sons environnants. La semaine prochaine, il est prévu que nous montions à notre tour dans un bateau pour suivre au plus près les enfants, leur donner l’enregistreur, protégé par une housse waterproof, pour qu’iels relatent leurs aventures.

Pour nous c’est aussi très réjouissant de les rencontrer sans masque sur le visage.

(Faire des ateliers en tant de COVID est plutôt perturbant ; lorsque nous croisons les enfants dans la rue hors de l’enceinte de l’établissement scolaire, on ne les reconnaît pas forcément.)

Le lendemain, nous revenons à l’école. C’est drôle de voir ce que les enfants ont retenu de la session de février ensemble. La première chose qu’iels nous demandent : Lorine tu peux nous refaire écouter le son du chien bizarre ? - nous leur avions fait écouter le son du brame du cerf, lors de l’introduction au paysage sonore...

Aujourd’hui, les enfants ont invité Charles, marin tout juste à la retraite. Avec Philippe iels ont préparé en amont des questions à lui poser, précieusement notées sur le carnet sonore que nous avions fabriqué ensemble en février. Pour les préparer, Philippe leur a fait visionner deux films sur l’univers de la pêche, univers très éloigné d’elleux, qui les fascinent néanmoins complètement.  

Les questions fusent. 

“Est-ce que tu as déjà eu peur de mourir ? “ 

“Est-ce que tu as été fier d’être marin ? “

“Est-ce que ta famille te manquait ? Combien de fois par mois tu voyais tes enfants ? “

“Est-ce que c’était un rêve d’enfant d’être marin ? “

“Est-ce que tu dormais sur des lits superposés?”

"Combien de temps durait ta pause déjeuner ? “

Charles raconte sa vie de marin, passé par tous les postes sur un bateau, de cantinier à capitaine. La parole est assez difficile, Charles est intimidé. Exercice compliqué lorsque l'on a pas l’habitude de parler devant une classe. Pourtant les élèves sont très attentif.ve.s et l’entretien dure plus d’une heure.

Rencontre avec le marin
Rencontre avec le marin

Questions des enfants pour le marin

Nous nous posons la question de comment relier ce travail d’interview sonore à leur imaginaire personnel lié à l’océan. C’est dans leurs questions que le lien se fait spontanément : iels posent beaucoup de questions autour du rapport à la vie à terre, à la famille, comme si iels se mettaient à la place des enfants de ce marin, souffrant de ne pas voir leur père durant de longs mois. Cela fait aussi le pont avec notre projet de création : les enfants, comme les femmes de marins, sont les terriens de l’arrière, celleux qui restent. 

Nous leur proposons de monter le témoignage du marin ensemble et qu’iels choisissent des sons pour habiller son récit. Cela constituera la deuxième pastille de notre balade. 

Initiation au montage

Le vendredi, nous arrivons avec un premier montage des sons de la dernière session à leur faire écouter. La dernière fois, nous avions enregistré leurs souvenirs, dans le petit bois derrière l’école. Iels nous ont raconté leurs anecdotes d’enfants et leur relation avec ce lieu. 

J’avais pêché au moins dix têtards avec une bouteille en plastique parce que je voulais voir ce que ça faisait d’avoir des têtards mais après ça me semblait mieux de les relâcher là où ils habitaient.

On avait trouvé un renard mort et on a voulu l’enterrer comme si c’était une personne

Leur faire écouter ces sons suscitent un grand enthousiasme. C'est toujours drôle de s’entendre après coup. Celleux qui n’avaient pas voulu raconter leurs souvenirs ont maintenant envie de se prêter au jeu en entendant les autres. 

Nous commençons le difficile exercice d’initiation au montage. Nous les prenons par binôme et travaillons quasi individuellement avec chacun·e pour lister et chercher les sons qui viendront donner du corps à ce paysage sonore, mêlé des souvenirs de chacun·e.

Initiation au montage

Cette semaine a été troublée par une nouvelle annonce du gouvernement en temps de Covid. Les écoles avancent leurs vacances d’une semaine. Nos ateliers de la semaine prochaine n’auront pas lieu. Nous sommes déçues, les enfants aussi. Ce rythme imposé par la pandémie rend tout incertain et nous naviguons à vue.

Comment maintenir le lien sur une longue période d’absence ? Ce que nous devions mettre en place les jours suivants, portées par le dynamisme de cette deuxième semaine de travail ensemble, va être reporté plus d’un mois plus tard. C’est long et il faut à chaque fois se réadapter les un·e·s aux autres. Nous partons en leur laissant un enregistreur afin qu’iels puissent continuer à prendre des sons de leur quotidien dès que l’école reprend (notamment la prochaine session kayak que nous allons rater, les phasmes dans l’aquarium de la classe qui continuent leurs vie sans se soucier d’une quelconque pandémie mondiale..) 

La prochaine session sera beaucoup plus longue du fait du décalage lié au Covid. Nous resterons trois semaines avec elleux. C’est bien. 

Entre temps, de mi-avril à mi-mai, nous monterons de notre côté leurs créations avec leurs indications et nous leur enverrons des propositions pour qu’iels valident les deux premières créations. 

Nous partons de l’école avec en tête leur dernière question lancée à la grille du portail : 

"Eh on peut voir vos visages sans masques ? On s’en souvient déjà plus ! Revenez vite !"

Drôle de période. 

La cour de récré vidée des élèves