Sur le plateau, j’essaie de soutenir les improvisations par de la musique, de Tchaïkovski (Ouverture solennelle « 1812 ») et Borodine (Dans les steppes de l’Asie centrale) à Moussorgski (Une nuit sur le mont chauve), des mélodies qui portent l’imaginaire sur le plateau, découvertes lors d’un stage mené par Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil. Lors des ateliers, je vais croiser le travail de jeu avec l’écriture, en m’inspirant de la méthode poétique de Jacques Lecoq, axée sur la sensation. Comme le Petit Chaperon rouge, je propose aux enfants de traverser l’espace hostile de la forêt, truffé de pièges, de rochers, de branches, pareil à un voyage initiatique. Nous explorons l’élément air, sa légèreté et son ondulation, avant de composer une forêt d’arbres pleins de secrets, tableau vivant. Nous interprétons aussi une meute de loups en pleine indigestion, certains ayant mal supporté le corps de la grand-mère. Je découvre peu à peu la façon de guider des enfants sur un plateau, leur manière de se mouvoir, leur spontanéité, leurs regards. Même les plus timides osent. Dans ma pratique, cela opère un déplacement important car je n’ai jusqu’à présent dirigé que des comédiens professionnels. Ici, il faut choisir les bons mots, rythmer, impulser sans cesse l’imaginaire et le mouvement. Nous travaillons aussi sur des monologues intérieurs, méthode inspirée du metteur en scène polonais Krystian Lupa, sur ce qui pourrait se passer dans la tête du Petit Chaperon rouge sur la route qui mène chez la grand-mère. Il y a des chaperons qui sont obnubilés par leur estomac, d’autres qui oublient leur grand-mère et entament la bouteille de vin, bons vivants. D’autres sursautent au moindre bruit, d’autres trouvent le loup très séduisant, charmant avec ses beaux yeux noirs. Certains sont même contrariés d’avoir oublié mascara et vernis à ongles, d’autres, encore, rêvent de devenir de grandes couturières et ont confectionné leurs propres chaperons ! Là encore, je suis frappée par les personnalités, les désirs et les craintes très singuliers que révèlent chaque monologue, chaque enfant.