Il y a un conte russe que j’aimais beaucoup que l’on me raconte enfant, c’est l’histoire de Baba-yaga, littéralement « la femme à la jambe d’os ». Je suis étonnée de voir que peu d’enfants, ici, connaissent cette fable. Baba-yaga, c’est la figure de l’ogresse-sorcière par excellence, celle qui dévore les promeneurs égarés au fond de la Taïga, une immense forêt. Son isba, une petite maison en bois hissée sur des pattes de poules, se met à courir pour rattraper ceux qui tenteraient de lui échapper. Dans le conte, Vassilissa-la-très-belle, une jeune fille envoyée chercher du feu par sa marâtre qui la hait, se retrouve prise au piège, et tente de relever les épreuves que lui impose Baba-yaga pour sauver sa vie.
Cannibale, la Baba-yaga passe son temps à dormir pour oublier sa faim lancinante. Il faut dire que rares sont les personnes qui passent dans sa forêt. Échevelée, cette sorcière-ogresse a l’apparence d’une vieille femme et se déplace à l’aide d’un mortier et d’un pilon, effaçant toute trace de son passage à l’aide d’un balai magique. On raconte aussi que la Baba-yaga possède des pouvoirs de sorcellerie, qu’elle déchaine les éléments naturels et que ses fils sont des serpents. Nous découvrons la version théâtrale de la pièce (écrite par Héloise Martin et Philippe Ferran), la musique de Modeste Mussorgsky (Pictures at an exhibition) ainsi que les illustrations d’Ivan Bilibin de l’édition russe du conte. Mais aussi des photographies plus contemporaines, celles de Francesca Woodman ou d’Estelle Hanana, ainsi que les installations d’arte povera concues par Michel Blazy dans les jardins de Chaumont, un champ de balais ensorcelés. Après ces découvertes, il est temps pour les enfants de passer en scène. Sur la musique de Mussorgski, ils explorent la démarche boiteuse, saccadée, de la Baba yaga, ses colères (elle ronge les troncs d’arbre avec ses dents d’acier pour calmer sa faim) et ses rires stridents. Mais aussi ses incantations à la nature, sa rencontre effrayante avec Vassilissa. Les enfants improvisent (à partir des textes qu’ils ont préalablement écrits) les épreuves que Baba-yaga ordonne à Vassilissa pour rester en vie : trouver un chat à trois têtes polyglotte, ramener 5 œufs d’aigle cachés dans une grotte portugaise, traverser un désert de sel, atteindre le pays du vent et tuer la grande éolienne ( celle qui a le pouvoir de la vitesse), rapporter le Phoenix bleu en moins de trois jours. Ensuite, les baba-yaga annoncent à Vassilissa la manière dont elles vont la cuisiner, détaillant avec sadisme leur recette : la jeune fille sera rôtie dans une sauce à base de crachas de cobras, d’abricots secs et d’herbes sauvages !