9 - Assemblée (écrit par Jessie)

Publié par Romain Darrieu

Journal du projet

Comment nous avons inventé cette scène de l'Assemblée où chaque animal dit ce qu'il a sur le cœur.

Les enfants ont choisi leur animal totem.

Ainsi je dois écrire pour une orque, un éléphant, des abeilles, des pieuvres, des cacatoès, une pie, un aigle, un corbeau, un colibri puis une fourmi, un rat, un anaconda, une grenouille, un caribou, un écureuil, un loup et même un husky - notre seul animal domestique !

Il me faut donc trouver comment faire communiquer ces animaux si différents dans un même espace !

Il s’agit de ne pas faire d’anthropocentrisme, ne pas se servir des animaux comme prétexte pour parler des humains, de la condition humaine.

Tous nos efforts ne nous permettront pas de penser comme des animaux, c’est un juste milieu que j’essaie de trouver.

Des animaux qui s’adressent aux humains pour parler de leur condition animale - du monde animal. Ces derniers se retrouvent de facto avec certaines caractéristiques comportementales humaines inspirées des propositions des enfants. La parole est à mi-chemin entre celle d’un enfant et d’un animal. Ce qui est certain c’est que cela est adressé aux adultes humains !

Sur le plateau, je commence à les diriger avec Romain, pour connaître l’enfant, ses réactions et donc puiser de l’inspiration pour écrire à partir de lui. Le temps étant très court, il faut être sur le qui-vive et cerner les personnalités, bien sûr on tire le trait, on invente, on exagère, ils ne jouent absolument pas leur propre rôle, c’est une fiction, ils sont des animaux. Mais quand Anatole en CM1 nous regarde, Romain et moi, avant de commencer son exposé et nous dit : « Pour ma part je suis prêt. », je sais à cet instant que son personnage La grenouille commencera ainsi. Être à l’affut de ce genre de pépites langagières et en même temps laisser libre cours à sa projection et son désir d’écriture, tel est mon travail à ce moment.

Romain m’a vite informé de la structure qu’il imaginait pour ce spectacle des enfants et après différents échanges, nous nous sommes accordés sur l’écriture d’une unique scène parlée pour l’ensemble des animaux, une assemblée générale sur leurs revendications. Nous composons entre nos désirs artistiques et nos engagements citoyens qui sont donc des tremplins pédagogiques pour les enfants : parler des animaux c’est parler des migrations et de l’urgence climatique.

Nous ne savons pas ce que les enfants seront capables de faire, il leur reste une semaine et demie coupée à moitié par un mois d’intervalle pour apprendre le texte et se l’approprier. Cependant nous ne voulons rien renier de nos exigences et de nos convictions, nous ne donnons pas moins de texte à ceux qui auraient des difficultés en lecture. Nous pensons aux animaux, qui doit revendiquer quoi, et nous sommes persuadés que chacun est capable du meilleur et que tout n’est que question de temps et de méthode. L’intérêt de l’enfant est pour nous absolument central. Nous travaillons avec les enfants comme avec des acteurs avec cette même exigence, l’exigence du texte qui nous est chère, mais avec la joie que les mots soient pour eux des compagnons de route, des joyaux, un mot se prononce comme on veut, le ton qu’on veut, tant qu’on sait ce qu’on dit et pourquoi ! On décortique le sens, les sens, on crie - on parle fort, on oublie la demi-mesure, on cherche la démesure. On a l’œil qui rit, les grenouilles pleureront, les pieuvres deviennent chèvres, le loup reste mystérieux, le husky hurle sa vérité, les rats sont si mignons, les caribous éreintés, les fourmis - même en 2019 - travaillent ! Et nous aussi !