7 - Vie

Publié par Romain Darrieu

Journal du projet

Comment nous avons inventé cette scène de la Vie où chaque animal montre l'un de ses talents cachés.

Lors de ma première venue à Subles, certains choix d’animaux par les élèves furent spontanés (l’orque, le caribou, le panda, le panda roux, l’anaconda, la grenouille, l’aigle, le colibri, de ceux-là nous n’avions pas parlé avec Marie lors de notre présentation) et d’autres plus aiguillés. J’ai, disons, appuyé la candidature de certains animaux et j’en ai assez rapidement exclu d’autres (les animaux domestiques et de compagnie notamment, à part le husky). Pourquoi voulais-je certains animaux plus que d’autres ? Non pas qu’il y en ait de moins intéressants, simplement de certains je connaissais certaines capacités que je voulais mettre en avant. Ainsi peut-être si je n’avais pas parlé de pieuvres, de fourmis, d’abeilles, de cacatoès, de pie, de corbeau, de loup, d’écureuil, d’éléphant, de rat, peut-être ces espèces n’auraient pas été représentées. C’est aussi cela qui est intéressant : voir comment ces élèves se sont emparés de ces animaux qu’ils ont moins choisi, comment on s’empare d’un sujet qui à priori nous attire moins, et se rendre compte en y passant du temps qu’il est en réalité passionnant ! Et voir quelques semaines plus tard que tous les enfants, y compris ceux des autres classes, s’évertuent maintenant à sauver fourmis et gendarmes qui habitent leur cour de récréation…

Pour revenir aux caractéristiques de ces animaux, c’est de cela que je suis parti pour créer la scène qui s’est d’abord intitulée « Le Congrès » et maintenant « La Vie ». Saviez-vous par exemple que les cacatoès sont capables de déverrouiller des mécanismes complexes et ce sans avoir observer d’humains le faire au préalable ? Saviez-vous que le rat était doué d’empathie ? Que les abeilles communiquent en dansant ? Que les corbeaux construisent des outils ? Que les pies et les éléphants peuvent se reconnaître en tant qu’individu dans un miroir ? Qu’ils ont donc conscience d’eux-mêmes ?

J’ai demandé à chaque élève de préparer un petit numéro libre (avec ou sans parole, avec ou sans accessoire, etc) pour montrer et mettre en valeur une caractéristique de leur animal. A certains j’ai imposé un thème : la fourmi peut porter jusqu’à 7 fois son poids, l’orque est capable de se géolocaliser, la mémoire de l’écureuil et de l’éléphant, numéro d’équilibriste pour la grenouille, les cacatoès déverrouillent des mécanismes, le corbeau et la pie construisent des outils, etc. A d’autres j’ai dit : trouvez par vous-mêmes. Les enfants m’ont montré leurs travaux, nous les avons retravaillés, parfois nous avons changé de direction, et de fil en aiguille chaque élève avait un petit morceau de « Vie ». La deuxième étape a été de les assembler, ce qui a permis à tous de se confronter pour la première fois à la mise en scène dans ce qu’elle a de plus technique et parfois de plus méticuleux : « Tu entres par-là, tu sors par ici. », « Tu entres après elle, tu sors après lui. », « Tu viens te positionner ici, puis là. », etc. Une fois l’ensemble mis en place, il n’y a plus qu’à répéter, et le plus difficile : garder une précision de la mise en scène tout en étant en jeu dans son numéro. Et même parfois ajouter de nouvelles propositions, comme par exemple l’idée que tous les animaux présents font un petit bond à chaque pas que pose l’éléphant…

C’est une scène entièrement muette avec laquelle je voulais créer une sorte de trouble : nous voyons des enfants faire des choses qui paraissent relativement simples pour la plupart, ils semblent le faire naturellement, nous savons qu’ils sont des animaux mais ils les jouent de façon très subtile si bien que l’on pourrait oublier qu’il s’agit d’animaux. A la fin de cette scène, une banderole est lâchée, une citation y est peinte :

« Quand un animal fait quelque chose, nous appelons cela instinct ; si nous faisons la même chose pour la même raison, nous appelons cela intelligence. », Willy Cuppy.