L'étalon

Projet Coring

Publié par Marieke Rozé

Journal du projet
Arts plastiques Installation Sculpture Sérigraphie, Construction

Nous entamons cette résidence avec l'intention de poursuivre notre projet artistique nommé « Coring », entamé avant notre départ pour La Réunion.

Ce projet, débuté en Mai 2021, se nourrit de discussions sur les rapports entre art et science, notamment avec les géologues sédimentologistes marins Axel Ehrhold et Bernard Dennielou ainsi que l'ingénieure Angélique Roubi à l’IFREMER de Brest. Nous les avons rencontrés le 10 Juin 2021 au sein de leur institut afin de les questionner sur leur méthodologie de travail.

            "Lors de notre passage, nous découvrons non seulement leur laboratoire mais également la carothèque de l'IFREMER - où sont stockées de nombreuses carottes de vase maintenues à une température de 4°C -, ainsi que le bureau d'analyse de celles-ci. Lorsqu'ils nous présentent leur laboratoire, certains objets ne sont que brièvement abordés par les sédimentologues car, pour eux, ce sont de simples instruments de mesure sont sans grand intérêt : utilisés en radiographie, ils servent à calibrer la machine avant l'analyse des carottes sédimentaires. Les scientifiques les nomment « étalons ». A dire vrai, leur usage reste encore obscur à nos yeux. Bien que leur largeur et leur longueur diffère d'un étalon à l'autre, leurs formes sont identiques et sont comparables à de petites Tours de Babel, comme la Grande Mosquée de Samara. Seulement, ici on remarque que les différents étages cylindriques aux diamètres de plus en plus fins en partant de la base, organisés de manière pyramidale, sont très nettement délimités tout du long.

La visite terminée, nous demandons aux scientifiques d'Ifremer s'il serait possible de faire analyser notre future sculpture de carotte factice dans le scanner à rayon X de leur institut. Ils acceptent. Seulement, nous n'avons pas droit à l'erreur : nous devons bien maîtriser le matériau que l'on introduira au cœur de notre sculpture afin qu'il soit bien visible sur les radiographies de l'analyse. C'est comme cela que nous nous sommes mis à réaliser notre propre étalon, composé des mêmes matériaux qui seront introduits dans la future carotte. Cette première sculpture, l’«étalon », est composé de coquillages concassés (huîtres, Saint-Jacques, ormeaux,...) piégés dans de la cire, matériau maigre en densité, afin de voir ce qui apparaît le mieux au rayon X. L'observation des valeurs produites par ces matériaux nous permettra, par la suite, de créer le contenu de notre future carotte."

Extrait de notre journal de bord, Brest, 2021.

 

Pour réaliser notre « étalon », nous avons sculpté dans de l'argile une copie de cet objet de laboratoire, puis nous réalisé le moulage de cette sculpture avec du plâtre. Dans le moule en plâtre obtenu, nous avons coulé de la cire et introduit quelques coquillages à l'intérieur afin de réaliser un premier tirage de la sculpture « étalon ».

En Janvier 2022, juste avant de partir à la Réunion, ce premier prototype a été transporté à Brest pour être analysé dans le scanner à rayon X de l’hôpital Morvan, grâce à la collaboration du physicien médical Mathieu Pavoine. Grâce au logiciel Syngo.via, nous avons obtenu la radiographie de notre sculpture qui montre les diverses densités des matériaux (cire et coquillages divers) qu'elle contient. Cette expérimentation, plutôt concluante à nos yeux, nous motive à créer d'autres tirages de la sculpture avec des matériaux différents. 

             Nous avons repris la production de nouvelles pièces pour Coring seulement une fois que les ateliers de transmission avec les élèves à la Réunion se sont terminés, à notre retour en Bretagne en mai. Nous réalisons une série de tirages de sérigraphie en bichromie à partir de la radiographie de notre sculpture L'Etalon. Puis, nous sculptons plusieurs objets représentant des éléments subaquatiques que nous pourrions introduire à l'intérieur de la future carotte afin de voir comment ils apparaissent au scanner. Ainsi, nous pourrons bientôt réaliser un réel étalonnage et amorcer un travail de récit autour d'une archéologie-fiction sous-marine. L'idée du peigne ancien, comme un faux artefact retrouvé au fond de l'océan, est alors évoquée. Cet objet mystérieux retrouvé par le carottage pourrait suggérer le mythe d'une ville engloutie sous les eaux, tel celui de la cité d'Ys en Bretagne. Le peigne pourrait aussi rappeler ces légendes autour des sirènes aux longues chevelures souvent aperçues de dos par les marins.