Marieke Rozé et Vincent Lorgeré sont tous deux plasticiens. Leur pratique de la sculpture et de l'image imprimée les amène à collaborer en duo sur plusieurs projets artistiques depuis 2019. Avec des thématiques poétiques telles que le paysage lunaire ou la cabane, ils invitent les enfants à entrer dans leur univers. Les temps de transmissions qu'ils proposent visent à mettre en avant le processus de création d'une œuvre, les allers-retours entre dessin et volume, de la maquette à l'échelle 1.
Au cours d'une résidence de création à Rennes en 2020, ils démarrent un projet qui associe la sérigraphie à la sculpture en terre crue. Cette année, ils poursuivent cette production dans le cadre d'une résidence de recherche sur la Rade de Brest. Il est question d'un installation de carottages sédimentaires factices provenant des fonds marins de la ville. Des pièces qui imaginent ce que la mer produit comme ruines.
Notre projet pour Création en Cours est la réalisation d'une installation sculpturale qui sera imaginée à partir de l'exploration du territoire du lieu de résidence et de ses archives géologiques. Cette façon d'entamer la création d'une sculpture par l'arpentage du territoire est récurrente dans notre pratique artistique en duo. Plusieurs types de paysages sont déjà venus nourrir nos recherches : de la Presqu'île de Crozon et ses roches sédimentaires à des volcans sous-marins dans l'Océan Pacifique, en passant par les canyons et les plages cristallisées par le sel aux abords de la Mer Morte, ou encore les collines ponctuées d'échafaudages publicitaires vides, de Sao Paulo à Lima.
« Quel fut donc leur désappointement, quand, après avoir parcouru deux milles environ, ils se virent encore une fois arrêtés par la mer sur une pointe assez élevée, faite de roches glissantes. "Nous sommes sur un îlot ! dit Pencroff, et nous l’avons arpenté d’une extrémité à l’autre !" L’observation du marin était juste. Les naufragés avaient été jetés, non sur un continent, pas même sur une île, mais sur un îlot qui ne mesurait pas plus de deux mille en longueur, et dont la largeur était évidemment peu considérable. Cet îlot aride, semé de pierres, sans végétation, refuge désolé de quelques oiseaux de mer, se rattachait-il à un archipel plus important ? »
Extrait de L'île mystérieuse, 1875, Jules Vernes
À quoi ressemble ton île ? Pour démarrer notre travail avec les enfants nous leur demanderons si un tel lieu existe dans leur imaginaire. Comment verraient-ils sa géodésie et voudraient-ils être le/la créateur/ice de cet îlot tranquille ou terrible ? Nous commencerons par réfléchir ensemble aux types de paysages que les élèves aimeraient trouver sur leur territoire idéal. Ils pourraient s'inspirer de paysages réels que présente le territoire de leur région, des environnements qu'ils affectionnent autour de chez eux : rivières, lacs, landes, forêts, montagnes, carrières,... Il pourrait aussi s'agir de paysages totalement fictifs, puisés dans leur imagination. Des zones encore inconnues qu'ils n'auraient jamais explorées, comme des paysages lunaires, extra-terrestres, désertiques ou sous-marins.
Nous évoquerons également la notion d'habitat, à travers la thématique de la cabane. La première cabane est faite avec peu de choses : des draps, une chaise et un manche à balais. Ce type d'abri résiste aux méthodes d’aménagement urbaines. Il est constitué avec les matériaux qui l'entourent et épouse ainsi son environnement au lieu de l'affecter. La cabane valorise l’autonomie à travers l'auto-construction d'espaces dédiés à son propre imaginaire. Le podcast « Nos Cabanes » de l'émission « Les Pieds Sur terre » sur France Culture, présente des témoignages d'enfants et adolescents sur ce rapport à l'habitat.
Après avoir engagé une discussion autour du paysage de l'île et de la cabane, des extraits de textes et des gravures illustrant certains ouvrages littéraires (L'île Mystérieuse et Voyage au centre de la Terre de Jules Vernes, La forêt de Crystal de Ballard, Vendredi ou Les Limes du Pacifique de Michel Fournier) viendront nourrir la réflexion. Nous leur présenterons également nos sculptures en terre crue et nos maquettes d'abris en bambou, ainsi que différentes œuvres d'artistes et d'architectes contemporains (Buckminster Fuller, Michael Rakowitz, Charles Simonds, Etienne Boulanger, Superstudio, Anne et Patrick Poirier).
Premièrement, chaque enfant façonnera un plateau en terre, une surface plane et uniforme, avant de l'agrémenter de volumes et de creux. Puis les participants ajouteront sur leur petit territoire une maquette de mini-architecture qu'ils fabriqueront à l'aide de gabarits et de tiges de bois pré-assemblées que nous fournirons. Ces fondations permettront de donner une échelle, du volume et de la hauteur au paysage modelé.
Une fois que chacun aura crée sa maquette de cabane, les pièces de chaque participant seront agencées, combinées, à la manière d'un puzzle, pour former un territoire imaginaire en expansion, un archipel. L'idée est d'inviter les enfants à travailler collectivement, à mettre leur île en résonnance avec celles des autres, la décloisonner pour ouvrir une fenêtre sur la notion de partage du territoire et de l'altérité. Au lieu de frontières, des liens, des ponts seront modelés entre chaque pièce du puzzle. La mise en commun permettra aux participants d'observer ce que les autres ont fait et d'en savoir un peu plus sur ces lieux qu'ils chérissent.
Cette réalisation en volume constituera une belle base pour un travail de dessin d'observation. Comme support de dessin, nous proposons des transparents noirs à gratter. Il s'agit d'apprendre aux participants qu'ils peuvent utiliser autre chose qu'un stylo ou un feutre. Ces motifs sur transparents pourront faire l'objet de tirage en sérigraphie pour créer des affiches et garder une trace du projet.
Enfin, pour donner une implication au travail de maquette, nous entamerons un atelier de construction de modules en bambou, nommé Hexabri. Nous proposerons au groupe de choisir quelques-uns de leurs prototypes de cabanes pour les construire à l'échelle 1. Ils seront invités à donner une fonction, ou pas, à leur création pour un usage public au sein de l'établissement scolaire (ex : une cabane pour un espace de lecture, une serre à potager,...). Ces fabrications pourront se faire en lien avec des vanniers sur place, afin de lier les productions à un savoir-faire local.
La restitution sera présentée autour d'un événement. Nous proposerons le montage participatif de notre dôme géodésique où les enfants pourront déposer leurs différentes réalisations (maquettes, dessins et affiches sérigraphiées) et réaliser un travail d'accrochage. Nous disposerons les modules en bambou en un archipel autour du dôme et l'événement prendra la forme d'un parcours d'exposition. À l'intérieur de chaque abri, nous pourrons écouter le petit entretien enregistré de l'élève qui l'a créé : il décrira l'île où il imagine sa cabane.
Par le(s) artiste(s)