Passerelle #6

Passerelle #6

Publié par Alexandra Lucchesi-Frébault

Journal du projet

Le mystère du Roi Gros

Bientôt le point final…mais en attendant, pour tous : des papillons dans le ventre !

Pour circonscrire cette expérience filante et mouvante -celle de la rencontre avec les enfants-, il me tenait à cœur de produire une forme de théâtre en lien avec le Roi Gros et adaptée au public scolaire, à ses possibles, à ses désirs.

Il me semblait primordial de matérialiser l’horizon, d’y impliquer le temps, et l’échéance, et d’offrir un rôle à chacun.

J’ai donc écrit Le mystère du Roi Gros, une pièce de théâtre construite en correspondance avec l’expérience vécue, le cheminement suivi et les propositions de tous.

Comme une métaphore filée de ma présence dans l’école, j’y joue un enquêteur fraîchement débarqué dans la ville après que les hautes instances étatiques m’ont informé d’un phénomène mystérieux : la venue à Vesoul du Roi Gros.

Qui ? Le Roi quoi ? Le Roi Gros ? Mais de qui diable s’agit-il ?!

Ensemble -les rencontrés et moi-même- , nous tâcherons de résoudre cette énigme de taille.

Quelque soit la réponse (rendue publique le 28 juin), elle sera plurielle, bigarrée, riche de souvenirs et forte de tentatives réjouissantes.

Extraits

L’orchestre-dîner

Le majordome, bâillant et mettant le couvert : Oh j’irais bien me coucher moi, je suis si fatigué. Quelle heure est-il au juste ? 20H02 ? Comment, c’est tout ?! Mes pieds sont déjà en compote. Quelle corvée, ce métier. Étendre la nappe, dresser le couvert, disposer les verres, servir des assiettes chaudes qui vous brûlent les doigts…et surtout, surtout, supporter des convives mal élevés qui ne font que manger, manger, manger. Toujours manger. Et quand ils sont rassasiés, ils partent sans se préoccuper de qui va débarrasser leurs déchets. Les pelures de fruits, les morceaux de pains à peine grignotés, les sauces visqueuses à essuyer, ça me connaît. Beurk. Mais le pire dans tout ça, c’est qu’une fois la nuit passée à digérer, il leur vient l’envie de recommencer. L’appétit est féroce : comme une bête sauvage, il revient au galop. Manger, manger, manger. Du moment où l’on naît, et jusqu’à ce que l’on rejoigne la voix lactée, on ne fait que manger. Au fond, sur toute la terre, il n’y a ni race ni peuple, il n’y a que des mangeurs. C’est la seule vérité. Tendant l’oreille, Tiens, qu’est-ce que c’est ? Malheur ! Un troupeau tout entier ! Et les assiettes qui ne sont pas encore mises ! Il part en courant.

Les savants fous

Professeur Schmock : Professeur Schlink, êtes-vous certain de ne pas avoir été suivi ?

Professeur Schlink : Absolument certain. J’ai été plus discret qu’une araignée qui veut se faire oublier quand un aspirateur pointe le bout de son nez.

Professeur Schmuck : Bien. Messieurs, à vos éprouvettes. Il est temps que nous dominions le monde grâce à notre terriblissime invention. Tous les professeurs éclatent d’un rire maléfique.

L’enquêteur, passant la tête par les coulisses : Mon dieu ! C’est affreux !

L’indicateur, passant la tête par les coulisses : Qu’est-ce que je vous avais dit !

Professeur Schmock : Je prends un peu de molécule B377H233-Zip-Zip-99…

Professeur Schlink : Quant à moi, je prends un soupçon de nuage radioactif…

Professeur Schlack : Pour ma part, je prends un morceau de chewing-gum électrique…

Professeur Schmuck : Et pour finir, le clou du spectacle : je prends un flacon de grignotagite aiguë et je le verse avec les autres éléments dans le bac que voici.

Professeur Schmock : Chers confrères, retroussons nos manches : c’est l’heure de touiller !

Tous les professeurs : Touillons ! Touillons ! Touillons !

Professeur Schlink, se penchant au-dessus du bac : Écoutez ! Ça bloblote, ça bubulle !

Professeur Schmock : Ça fait schmock !

Professeur Schlack : Ça fait schlack !

Professeur Schmuck : Ça fait schmuck !

Professeur Schlink : Ça fait schlink ! Ils rient tous les quatre très fort.

Professeur Schlink : Et voilà, après des années d’expérimentations top-secrètes, le Grossirator XXL70 est né !

Professeur Schlack : Longue vie au Grossirator XXL 70 ! Longue vie à notre bébé !

Professeur Schmock : Quiconque boira ce breuvage deviendra gros dans la minute ! Si gros qu’il ne pourra plus bouger de son canapé ! Ni même lever le petit doigt.

Professeur Schmuck : Ce sera alors très facile pour nous de devenir les maîtres du monde ! Personne ne pourra plus nous en empêcher ! Ils rient tous les quatre très fort.

L’émission de télévision

La présentatrice : Vésuliennes, vésuliens, « Tout-sur-Vesoul », votre émission d’information continue, est de retour. Diffusion du jingle de l’émission. Merci de réserver un accueil chaleureux à notre prochaine invitée : Marjorie Cancanade. On applaudit Marjorie ! Le public l’applaudit.

Marjorie Cancanade : Bonjour, bonjour, Vesoul !

La présentatrice : Bonjour mademoiselle Cancanade ! Je suis ravie de vous recevoir.

Marjorie Cancanade : Le plaisir est partagé.

La présentatrice : On m’a rapporté que vous étiez une observatrice hors-pair et que, depuis votre fenêtre, vous étiez à l’affût du moindre courant d’air. Est-ce vrai, mademoiselle Cancanade ?

Marjorie Cancanade : On ne peut plus vrai. D’ailleurs, on m’appelle la commère dans le quartier. C’est dans ma nature de surveiller. D’après ma cartographie généalogique, mon arrière-arrière-arrière-arrière grand-père était un chien de berger.

La présentatrice : En voilà une chose étonnante.

Marjorie Cancanade : Je vais vous livrer le fond de ma pensée. Le monde entier a quelque chose à se reprocher, le monde entier est louche. Aujourd’hui, on ne peut plus être sûr de rien, ni de personne. Je me méfie même de moi-même, c’est vous dire. J’ai toujours un gourdin sur moi pour pouvoir m’assommer en cas de problème.

La présentatrice : Intéressant. Dites-moi, si je vous parle du roi gros, pouvez-vous me dire quelque chose à son sujet ?

Marjorie Cancanade : Bien sûr que oui ! J’ai un dossier gros comme ça sur l’animal. Je suis même la première dans tout Vesoul à l’avoir vu.

La présentatrice : Comme c’est excitant ! Dites- nous tout ! A quoi ressemble-t-il ?

Marjorie Cancanade : Déjà, je peux vous dire avec certitude que c’est un roi.

La présentatrice : Voilà une chose que nous savons déjà…

Marjorie Cancanade : Et qu’il n’est pas mince. Il est même plutôt gros dans son genre.

La présentatrice : Mais encore ? Nous voulons de la nouveauté, du scoop, du sensationnel, Marjorie.

Marjorie Cancanade : Comment ? Mais je viens de vous dire que c’était un roi et qu’il était gros par-dessus le marché et ça ne vous suffit pas ?

La présentatrice : Mais, mais, mais…

Marjorie Cancanade : C’est un monde ça ! On donne ça, et pis, les gens veulent ça ! On va finir cul nu si ça continue. Bruit de réveil. Oups, mon alarme. Permettez ? Je dois nourrir Ursule.

La présentatrice : Faites, faites. Qui est Ursule ?

Marjorie Cancanade : Ursule ? C’est ma tarentule. Elle sort une énorme araignée de son sac. Coucou ma tata, ma ranran, ma tutulle !

La présentatrice : AHHHHH ! Sécurité ! Sécurité ! Elle tombe dans les pommes.

L’homme de la sécurité, dans son téléphone : Allô, allô, les studios ? Problème de plateau, envoyez la météo !

Dans l’estomac du Roi Gros

Une crème glacée : Nom d’une framboise givrée, c’était le meilleur toboggan que j’ai jamais fait de toute ma vie ! A côté, Space Mountain, c’est du pipi de chat !

Une chips, l’aidant à se relever : C’est vrai qu’il n’y a pas meilleure attraction qu’une bonne glissade dans l’œsophage. Chips, enchantée !

Une crème glacée : Crème glacée. Ravie de faire ta connaissance.

Une chips : Ici, c’est burger, et là, c’est bonbon-nounours.

Un bonbon-nounours : Tu veux un câlin ?

Une crème glacée : Et là-bas, qui est-ce ?

Un burger : Oh ne fais pas attention à lui, ce n’est qu’un loser d’ haricot vert.

Une crème glacée : Pouah ! Et qu’est-ce qu’il fiche ici, ce basse-calorie ?

Une chips : Bonne question. Le roi gros a dû l’avaler par inadvertance au cours d’un dîner ou lors d’un buffet chinois à volonté.

Une crème glacée : C’est moi ou il fait drôlement chaud ici ?

Un burger : Tu as peut-être de la fièvre.

Une chips : C’est vrai que tu transpires à grosses gouttes.

Un bonbon-nounours : Tu veux un câlin ?

Une crème glacée : Mais…je fonds ! Je fonds ! Ah ! Au secours !

Un chips : Mais oui, elle a raison ! Quelle horreur ! Elle se désintègre à vue d’oeil !

Une crème glacée, agonisant : Dites à sorbet que…que..le cornet est dans le…

Un burger : Tiens bon, crème glacée ! Tu vas t’en sortir ! Reste avec nous ! Reste avec nous !

Une crème glacée : Dites lui…à Sorbet…le cornet est dans le. Garde. Manger. Ah !

Une chips, regardant sa montre : Heure du décès : 14h33. Cause : engloutissement compulsif..

Un burger : Paix à son âme ! Que le Frigo Suprême lui ouvre grand ses portes car elle fut une bonne crème glacée et elle mérite sa place au frais dans le bac à légumes céleste.

Une chips, un burger, bonbon-nounours, ensemble et communiant : Bon appétit.

Un bonbon-nounours : Bonbon-nounours est triste.

On entend à nouveau un cri. L’enquêteur atterrit parmi les personnages.

L’enquêteur : Aaaaaaah ! Nom d’une citrouille, qu’est-ce que je fabrique ici ?

Une chips : Bienvenue dans l’estomac du roi gros, mon ami !

L’enquêteur : Comment, l’estomac de…C’est impossible ! Oh ça sent le ragoût avarié par ici !

Un bonbon-nounours, à l’enquêteur : Tu veux un câlin ?

Un bruit sourd, qui s’intensifie ; les parois de l’estomac tremblent.

Un burger : Malheur ! Un gargouillis !

Une chips : Tout le monde à terre !