Le début des ateliers de pratique avec les élèves m'a permis d'explorer une nouvelle partie de la création. Les discussions avec les enfants et les adultes que j'ai rencontré à Caligny sont fertiles et m'apportent autant des idées pour la suite du travail que la confirmation de la nécessité de ce projet.
J'ai rencontré les deux classes de primaire de l'école de Caligny. La présentation de ma démarche m'a d'abord demandé un effort d'adaptation pour que les enfants comprennent. Quel meilleur test que celui d'expliquer mon projet à un enfant de 8 ans ?
Je parle des raisons qui me poussent à persévérer dans ce travail, de la composition de mes images. La photo est une affaire de choix et de patience. Je crois qu'ils commencent à le comprendre
Une des classes a pris un temps pour commenter sans moi – avec leur professeur – certaines de mes images. J'ai ensuite rejoint la salle pour écouter leur lecture d'une des photos de la série : un petit enclos habité par quelques vaches, au milieu des pavillons d'un lotissement tout neuf, à peine terminé, et situé aux abords de la ville de Caen. Elle a fonctionné avec eux et j'en suis content, ils ont tout de suite compris ce qui se joue à cet endroit.
Pour les temps de pratique, j'ai décidé que l'on travaillerai sur la biodiversité qui subsiste en marge de l'exploitation des sols, à la frontière des zones domestiquées : je ramène donc des plantes qui poussent au bord des champs, sur les butes et dans les fossés qui bordent les routes que j'emprunte lorsque je sillonne la plaine.
Une discussion avec l'adjoint aux aménagement de la mairie de Caligny a propos du « remembrement » m'a conforté dans mes choix concernant la direction artistique de la résidence. « Les géomètres étaient payés au mètre de haies arraché ! » m'a-t-il lâché, alors que je comprenais qu'il était plus passionné par le sujet que je ne pouvais l'espérer. Nous avons discuté pendant une demi heure de la géographie locale et de l'histoire de l'agriculture dans la région.
Les élèves ont découvert la technique du photogramme en utilisant des morceaux de ces plantes pour se composer des auto-portraits. Nous les avons réalisés avec du cyanotype, un procédé ancien de photographie, dont le nom vient de sa couleur bleu liée à l’oxydation des particules de fer qui compose cette chimie. En deux jours pendant lesquels les groupes se sont succédé, ils ont pu constater la façon avec laquelle les conditions atmosphériques influent sur le moment d'exposition de l'image aux rayons UV. Bien que certains aient pu être déçus des résultats non-conformes à ce qu'ils imaginaient, tout le monde est content d'avoir participé et de pouvoir continuer à travailler avec cette technique la semaine suivante.
Pour la deuxième session d'atelier, j'ai préparé de grandes surfaces de papier afin que les élèves travaillent en groupe sur de grands formats. Les plantes sont alors utilisées pour ce qu'elles sont et permettent de constituer des micro-paysages. Les enfants ont d'abord suivi la consigne avant de spontanément ajouter des éléments imaginaires. Ces fantaisies tirent cet exercice de photo vers de petites fictions, qui, misent côte à côte, fabriquent un panorama fantasmagorique des bords de route.
Ces grands formats réalisés avec les groupes m'ont motivé à retourner seul dans la salle d'atelier la semaine suivante. Je m’arrête à nouveau dans la plaine pour cueillir des plantes. J'ai ainsi commencé deux ensembles : un recueil de la biodiversité des bords de champs et un herbier des plantes cultivés.
