« On leur a bien dit qu'il fallait se lever et de dire bonjour lorsque la secrétaire d’Etat arrivera », me précise Laura, la maîtresse, à propos de ses élèves de CM1-CM2, avant de me faire entrer dans la classe. Et je me dis qu'ils sont surement autant intimidés que moi par la situation.
Au premier coup d’oeil dans cette salle, je retombe dans ma période Harry Potter: faux mur en brique, panneau de Harry, Hermione et Ron à taille humaine, baguettes magiques qui traînent sur le bureau de chaque enfant… Pour me donner du courage, je me dis que nous nous préparons à recevoir le ministère de la magie, et que s’il m’arrive de faire une boulette, je pourrais toujours invoquer le sortilège d’amnésie.
Lors des présentations, mes doutes se confirment: je devine des enfants à l’imagination sans limite, mais focalisés sur ce qui s’apprête à se passer. Peu après la récréation, l’un d’eux se tourne vers la fenêtre: « Ils arrivent! »
Et voilà qu’une vingtaine de personnes, journalistes et maires compris, débarquent dans la salle, au moment où j’affiche sur l’écran géant le tableau de Hans Holbein, Les Ambassadeurs. A ma grande surprise, les enfants font face à leur timidité et ne laissent pas mes questions sans réponse: ça y est, nous sommes devenus des complices! Adultes comme enfants découvrent les secrets de ce tableau, dans lequel les objets racontent des histoires. Et surtout, ils résolvent ensemble le mystère de l'anamorphose cachée dans cette toile...
« Le monsieur, il est habillé comme sur le tableau »
C'est que les personnages de cette peinture sont des représentants de leur pays eux aussi. Mais au cours de la résidence, ce seront les enfants les personnages de notre histoire.
Donc, même si nous partageons la même excitation à se retrouver dans le journal local, qu'on achètera certainement tous la semaine prochaine, après le départ du cortège, il est temps de se mettre au travail!
De retour à l’école, je sors de mon sac ma lentille magique: l'optique sera au centre de notre travail, et tous les enfants s'approprieront ses spécificités pour composer des images. Chacun leur tour, ils se font tirer le portrait derrière ce filtre déformant.
Puis ils sont chargés de prendre des photos en choisissant un objet à déformer et un point de vue. Des équipes se constituent pour atteindre les recoins les plus improbables de la classe, pendant que les autres se mettent à écrire.
Ils ont une mission: choisir un objet fétiche et raconter l’histoire de cet objet, qu’ils ramèneront lors de notre prochaine rencontre.
Jean a justement trouvé une pièce de Napoléon en creusant avec son père dans le jardin il n’y a pas longtemps.
« Je peux écrire sur mon cheval? »
« Oui, mais je veux que tu trouves un moyen de m’en parler parler à travers un objet. »
« C’est comme si mon piano était vivant » Pauline a déjà rempli une page de son carnet, et elle est impatiente de passer à la phase dessin.
« Comment tu dessinerais le fait que ton piano soit vivant? » Et la voilà partie dans des premiers croquis.
En attendant la rentrée prochaine, pas question de les laisser seuls dans cette quête d’objets! En rencontrant leurs parents, je me donne pour objectif de les impliquer eux aussi dans cette recherche de trésors oubliés dans les greniers, ou bien à remonter le temps jusqu’à des souvenirs de vacances, des récits de famille.