Fidèles à nos habitudes, nous avons d'abord lu plusieurs extraits du chapitre 3 dans lequel nous racontons comment se déroule la mutinerie sur Le Pont Blanc. Ce chapitre marque la fin d'un premier cycle et le suivant débutera par une ellipse de deux ans. Nous avons donc questionné les élèves sur le sens d'une ellipse et son intérêt dans l'histoire. Nous les avons mis en condition, il fallait imaginer que ce quatrième atelier se déroulait donc deux ans après le précédent.
L'écrivain du navire (personnage créé par une élève) propose donc aux villageois d'écrire un message et de le jeter à la mer dans l'espoir qu'il rencontre un jour un destinataire. Dans ces circonstances, qu'a-t-on envie de faire parvenir à un parfait inconnu? Quelle trace laisse-t-on ?
Les élèves se sont livrés à cet exercice (dont nous présenterons le résultat lors de la restitution sous forme de messages dans des bouteilles) et les productions ont été très diverses. Beaucoup ont privilégié un appel au secours, d'autres ont préféré raconter simplement leur quotidien ou bien ont adressé leur message à une personne particulière. La question de la trace a été très bien comprise par les élèves et nous avons été satisfaits de constater que chacun s'était approprié la consigne.
Les exercices d'écriture étant souvent individuels, nous voulions pour cette séance tenter une approche collective de l'écriture. Nous avons distribué à chaque élève trois cartes contenant chacune un mot et les avons prévenu que chaque carte avait un double. Il s'agissait donc d'une histoire en relais : lorsqu'un élève réussit à placer son mot dans l'histoire, celui qui possède son double prend sa place et poursuit la narration. Cependant, personne n'est parvenu à appliquer la règle principale de ce jeu : on ne gagne pas en se débarrassant de ses cartes mais en racontant une bonne histoire. Aucun détour n'a été pris pour se rattraper lorsque la narration devenait peu claire et au final, l'histoire s'est quelque peu perdue en cours de route. Cependant, les élèves ont apprécié l'exercice et le manque de temps nous a empêché de faire une nouvelle tentative. L'écriture collective nous paraissait être une pratique importante à traiter et nous avons tenté de l'aborder différemment le lendemain.
Nous avons repris l'écriture collective en essayant de retirer la dimension ludique mise en place la veille. Nous avons abandonné le système des cartes à jouer et avons demandé aux élèves de nous donner chacun un mot selon ce qu'on leur demandait (nom, verbe, adjectif), nous avons noté ces mots au tableau et la consigne était la même : tenter de les insérer dans la narration sans pour autant sacrifier celle-ci.
La base de l'histoire était la suivante : Le Pont Blanc rencontre un bateau pirate qui, étrangement, agite un drapeau blanc. Ils sont accueillis sur le navire et une soirée est organisée en leur honneur.
Nous avons été surpris par le résultat de cet exercice : ce qui avait posé de grandes difficultés la veille semblait subitement acquis. Les élèves se moquaient de placer tous les mots de la liste, ils se laissaient aller à raconter de petits détails de cette soirée, à construire posément leurs phrases et à s'écouter les uns les autres pour rebondir sur la phrase du voisin. Cet exercice était selon nous une réussite dont le résultat est à lire ici :
Enfin, nous leur avons proposé un nouvel exercice de mime. Nous avons délimité un espace dans la cour qui serait celui du Pont Blanc et les élèves devaient y pénétrer un par un et y trouver leur place. Ils sont parvenus à s'accaparer l'espace, à interagir en silence avec les autres, à bouger, créer de nouveaux groupes, s'isoler. Nous avons répété l'exercice trois fois et les élèves trouvaient chaque fois de nouvelles manières d'occuper l'espace. Lors d'interviews réalisées durant le dernier atelier de mai, tous ont désigné cet exercice comme étant leur préféré. Une fois le mime terminé, certains élèves sont venus nous voir pour nous demander de modifier leur fiche personnage car ils s'apercevaient qu'ils peinaient à trouver une place sur ce faux navire, ce que nous avons perçu comme la preuve que leur implication dans la narration s'approfondissait et se complexifiait.