Suzanne, jouée par Lucie, et l'appel de la montagne

Suzanne, la lune et les contrebandiers

Publié par Hortense Faure

Journal du projet

Une légende d'Ange, Lucie, Louna, Romane, Rémy, Anna et Kimberley

Ange, Lucie, Louna, Romane, Rémy, Anna et Kimberley ont décidé de s’intéresser à trois récits :

Le premier est le récit « historique » des douaniers. Un petit filou nommé Mabou pour échapper et narguer un des douaniers lui a promis de passer devant lui avec des produits de contrebandes sans que celui-ci s’en aperçoive. Quelques jours plus tard il passe devant le douanier et ses collègues, tous le fouillent avec minutie, mais ne trouvent rien sur lui, rien dans ses poches, rien dans son sac, rien sous son chapeau, alors à regret ils le laissent passer... Mais ne voilà pas que quelques mètres plus loin, le jeune gaillard tire sur une ficelle qu’il avait attachée au pied, et récupère un gros sac plein de sucre ! Il s’était servi de la neige haute pour cacher ses produits de contrebande ! Les pauvres douaniers n’y ont vu que du feu !

Le second récit c’est celui de Suzanne. Au-dessus de Saint-Nicolas, il y a à peine quelques décennies, Suzanne était la seule du hameau à avoir le téléphone chez elle, si bien qu’elle devenait un peu la messagère attitrée. Quand les voisins attendaient un appel important ils guettaient la maison de Suzanne pour voir si elle y était, et parfois alors qu’ils ne s’y attendaient pas celle-ci venait frapper chez eux car ils avaient reçu un appel. Suzanne prenait les messages des uns et des autres, elle faisait presque la secrétaire ! Mais elle ne choisissait pas toujours les nouvelles qu’elle transmettait à ses chers voisins... Quand elle frappait vite, ils observaient quelle expression était marquée sur son visage, et alors ils savaient si elle leur apportait une bonne ou une mauvaise nouvelle...

Le dernier récit est celui d’une légende, d'après le dit de Simon Bourgeois :


C'était autrefois, et en cette nuit de Noël, à la sortie de la messe de minuit une grande foule entourait l'église du village. On discutait un peu avant de prendre le chemin du retour et de temps en temps, des aboiements venus de l'autre rive du Flon interrompaient les conversations qui ne tardaient pas à reprendre. Le froid et l'heure avancée firent que bientôt chacun prit son chemin. Sur celui menant au Passieu, nombreux étaient les fidèles, ceux des maisons le bordant, ceux du hameau et aussi ceux des Rochats où, à l'époque vivaient plus de cent personnes. La troupe qui s'amenuisait au long de la marche faisait halte quand régulièrement les aboiements reprenaient, tristes et plaintifs, au cœur de la nuit, chacun écoutant sans dire un mot. C'est parvenus à la Croix des Sierres, là où ceux des Rochats, ils étaient encore bien quatre vingt, se dispersaient que la Fine à Constant voulut bien répondre aux plus jeunes, curieux et interrogés par ces aboiements inhabituels. Elle leurs conta que bien des années auparavant, à Héry, sur le versant d'en face, vivait un couple sans enfants. Elle, était pieuse et se rendait à la messe de Noël, lui, mécréant et provocateur, partait à la chasse et un soir de Noël, il ne revint pas, ni ses chiens. Et depuis, chaque Noël, c'est eux que l'on entend déchirer le silence de la nuit froide et enneigée.

Un texte d’Edmond Burnet-Fauchez

Les trois récits sont bien différents, aussi les enfants avaient à cœur d’écrire une histoire d’action sur les contrebandiers. Ainsi, le personnage de Suzanne a été l’occasion d’inventer un personnage féminin, qui aurait eu un rôle important pour le village. La légende de Noël pour sa part nous a aidé à donner malgré tout un caractère légendaire et mystérieux à notre histoire.

C’est la légende pour laquelle nous nous sommes le plus « éloignés » des récits de départ. Mais grâce à nos échange autour de l’écriture du récit, nous avons réussi à comprendre l’importance d’inventer un personnage de femme qui romprait avec les stéréotypes habituels du seul personnage fort masculin. Je suis fière que les enfants aient très vite eu cette envie de parler d’une femme, qui peu à peu deviendrait un symbole de force et de rébellion pour le village de Flumet, et qui de surcroît puiserait ce pouvoir dans celui de la nature qui l’entoure…

Suzanne, la lune et les contrebandiers

Suzanne a grandi sur les flancs de la vallée de l’Arly. Petite elle passait des journées solitaires à observer de loin la montagne imposante. Ses parents travaillaient beaucoup à la ferme, et n’avaient guère le temps pour s’occuper d’elle…

Alors quand elle eut l’âge d’échapper à la surveillance de ses parents elle profita de sa liberté pour découvrir enfin la montagne qui l’avait si longtemps fascinée.

Comme une évidence, Suzanne s’était tournée vers Mère Nature…  A force d’errer dans les chemins, sur les sentiers, dans les champs et les forêts, elle avait appris à connaitre la montagne sur le bout des doigts. Aucun recoin, aucune grotte, aucun tronc n’avait de secret pour elle. Elle était une petite sauvage, mais surtout, elle était libre.

Elle avait fini par inventer un petit rituel bien à elle. Chaque soir de pleine lune, Suzanne faisait offrande à Mère Nature, alors elle lui demandait conseil et la priait de bien vouloir lui transmettre la grande force de son pouvoir. La Nature était devenue une mère protectrice, et les montagnes des sœurs auprès desquelles elle puisait sa force incroyable.

Pourtant, cette vie solitaire finit par parfois lui peser, et plus elle grandissait plus elle rêvait de grandes aventures…

Un jour alors qu’elle avait une dizaine d’années et que, comme à son habitude elle sillonnait la vallée de l’Arly, elle tomba sur un grand homme portant des sacs pleins et à l’air paniqué… Mais la petite Suzanne n’en fut pas effrayée. Elle comprit qu’il s’agissait d’un contrebandier.

Sans un mot elle lui fit signe de la suivre. Les silhouettes des douaniers se rapprochant dangereusement l’homme ne se fit pas prier pour lui emboiter le pas.

Ensemble, ils dévalèrent un sentier escarpé et caché par les arbres. Une fois en sécurité l’homme lui tapa sur l’épaule et humblement lui dit « merci petite ».

C’est comme ça que Suzanne est devenue, dès son plus jeune âge, une précieuse aide pour les contrebandiers. Guidée par sa grande agilité et par sa parfaite connaissance de la montagne elle mit en place un système codé avec eux. Elle laissait des rubans flotter dans la montagne pour leur indiquer si les douaniers rodaient : ruban blanc la voie était libre, ruban rouge danger !

Très vite Suzanne devint l’une des leurs, et même la plus efficace, la plus courageuse et la plus agile de tous les contrebandiers. Ils finirent tous par la respecter, si bien que la petite Suzanne, dont la force et le courage lui avaient été transmis par la montagne imposante de son enfance, devint la cheffe des contrebandiers.

Mais attention, Suzanne prenait sa tâche très au sérieux, c’était une rebelle, voire une révoltée ! Elle soutenait la cause des contrebandiers, et était certaine que leur tâche était juste, car grâce à eux les plus pauvres du village de Flumet pouvaient subsister grâce aux vivres de peu de coût dont elle et ses camardes les approvisionnaient régulièrement. Elle voulait changer le monde !

Pourtant, elle restait un être mystérieux pour ses camarades et pour les gens du village. Tous les soirs de pleine lune, sous une lumière blafarde, ils la voyaient partir seule dans la montagne… Alors ils entendaient une espèce de chant envoûtant qui provenait de la direction que Suzanne avait prise.

Suzanne a disparu, et le temps des douaniers et des contrebandiers avec elle, pourtant les soirs de pleine lune les habitants de Flumet, s’ils tendent l’oreille, pourront entendre cette même musique mystérieuse qu’au temps de Suzanne émaner des montagnes…