Le hameau de Chaucisse

La boîte à récits

Publié par Hortense Faure

Journal du projet

De la même façon que pour développer notre rapport à l’image et notre imagination visuelle avec la boîte à images, j’ai mis en place son pendant « littéraire » : la boîte à récits.

Mon idée de départ pour ce projet à Flumet était de trouver auprès des enfants et des habitants des récits de légendes locales afin de les réadapter cinématographiquement avec les enfants.

Finalement, les récits qui m’ont été partagés, ceux qui m’ont été naturellement transmis ne sont pas tous de l’ordre du légendaire. Je me suis rapidement rendue compte que ce qui faisait histoire commune à Flumet n’était pas lié à des récits imaginaires, mais plutôt à des petits bouts de vie que chacun gardait en mémoire et se racontait au fil des années.

Je n’ai pas assisté à une veillée au coin du feu à proprement parler, mais on m’a conté, ici où là quelques histoires que je qualifie de « documentaires ».

Je remercie le couple Joguet et Jean-Yves, mais aussi Antoinette, la première postière femme de la région, ou Edmond, qui depuis des années se rend à tous les événements qui font vivre Flumet et ses alentours pour les partager à travers son blog très suivi, ou encore Suzanne, 97 ans et mémoire vive de l’Arly,  et beaucoup d’autre, de m’avoir accueillie et d’avoir partagé avec moi leurs aventures ainsi que leurs témoignages.

Grâce à eux, j’ai pu recueillir de nombreuses histoires cocasses, touchantes, joyeuses, mélancoliques ou mystérieuses.

J’ai aussi pu fouiller dans les archives du village de Flumet, et y trouver quelques pépites sur le passé de ses habitants.

Tout ce qui m’a été raconté, ce qui m’a été partagé, ce que j’ai trouvé fait désormais partie de notre boîte à récits ! Ces récits je les ai à mon tour racontés aux élèves, afin qu’ils deviennent « la matière première » de nos légendes à nous.

Les facteurs de la région ont beaucoup d'histoires à nous raconter
Crédit photo, Jean Bernard Mazaens

Les récits d'Edmond

                                   

Un soir de Noël

D'après le dit de Simon Bourgeois 

"C'était autrefois, et en cette nuit de Noël, à la sortie de la messe de minuit une grande foule entourait l'église du village. On discutait un peu avant de prendre le chemin du retour et de temps en temps, des aboiements venus de l'autre rive du Flon interrompaient les conversations qui ne tardaient pas à reprendre. Le froid et l'heure avancée firent que bientôt chacun prit son chemin. Sur celui menant au Passieu, nombreux étaient les fidèles, ceux des maisons le bordant, ceux du hameau et aussi ceux des Rochats où, à l'époque vivaient plus de cent personnes. La troupe qui s'amenuisait au long de la marche faisait halte quand régulièrement les aboiements reprenaient, tristes et plaintifs, au cœur de la nuit, chacun écoutant sans dire un mot. C'est parvenu à la Croix des Sierres, là où ceux des Rochats, ils étaient encore bien quatre vingt, se dispersaient que la Fine à Constant voulut bien répondre aux plus jeunes, curieux et interrogés par ces aboiements inhabituels. Elle leurs conta que bien des années auparavant, à Héry, sur le versant d'en face, vivait un couple sans enfants. Elle, était pieuse et se rendait à la messe de Noël, lui, mécréant et provocateur, partait à la chasse et un soir de Noël, il ne revint pas, ni ses chiens. Et depuis, chaque Noël, c'est eux que l'on entend déchirer le silence de la nuit froide et enneigée."

Edmond Burnet-Fauchez

 

 Le loup Sylvestre

"Il y a au pays de St Nicolas, au-delà de la chapelle du Passieu, sur le chemin qui conduit aux Rochats, un lieu appelé, le Creux au loup. C'était un premier matin d'une nouvelle année, autrefois, du temps de mon arrière-grand-père. Ce matin là donc, Daude, le violoneux, l'un des nombreux violoneux de ce temps, rentrait de la veillée. On l'avait invité près du village, on le savait seul, la-haut dans son chalet et aussi il mettait de la gaîté autour de lui. L'aube se levait déjà quand il pénétra dans la forêt où serpentait la sente qui menait chez lui. Malgré la longue nuit blanche il allait d'un bon pas et s'élevait régulièrement vers le hameau. La neige n'était pas tombée durant les derniers jours et celle restée après le passage du triangle, la semaine de Noël, crissait sous ses souliers ferrés de Tricounis. Et soudain, au détour du sentier, là où au printemps coule un ruisseau né de la fonte des neiges, un loup famélique lui barra le passage. Daude le menaça de sa canne, la bête ne recula pas, bien au contraire et s'approcha, menaçante. Le sac tyrolien de Daude était garni, de cochonnailles, de pain frais et de rissoles, donnés par ses hôtes d'un soir. Il le fit glisser à ses pieds et prudemment jeta vers le loup un morceau de pain qui sitôt qu'il l'eut avalé revint à la charge. Ainsi, tout disparu et la faim du fauve n'étant pas calmée, le violoneux pensa sa dernière heure venue. Le sac, vide et plat, gisait sur le sol. A ses côtés, le violon dans son étui, Daude, avec mille précautions, s'empara de l'instrument et de son archet. Dès les premiers accords le loup s'assit, le violoneux enchaîna, rengaines, complaintes et airs à danser, la bête vint lui lécher les pieds et s'allongea dans la neige. Daude rangea violon et archet dans leur étui, mit son sac à l'épaule et s'engagea sur le chemin, le loup le suivit, tel un chien, jusqu'au chalet, entra à sa suite et se coucha vers le poêle où rougissaient encore quelques braises. Daude l'appela, Sylvestre, et lui confia la garde de sa maison quand il allait faire danser, noces, bals et veillées de nouvelle année.

Edmond Burnet-Fauchez

Quand on observe la montagne à la nuit tombée, cela devient évident qu'elle est le théâtre de nombreux mystères...
Le Gâteau

Deux récits mystérieux

                                                      

La grotte aux trésors

Des habitants de Flumet et de Saint Nicolas croient toujours en l’existence d’une grotte plein de trésor qui se situerait dans les environs de Nant Pareux. D’après eux, la grosse paroi de roche de la grotte ne s’ouvrirait qu’une fois par an… le soir de la consécration, pendant la messe de minuit. Nombreux sont ceux qui ont tenté de trouver l’entrée de celle-ci afin  d’en sortir les trésors, et tant pis pour la messe ! Mais la tâche n’est pas aisée, et même une fois l’entrée trouvée il faut se dépêcher pour ne pas y rester enfermé… Pourtant il y a bien un homme qui est capable d’énumérer tout l’or qu’elle cache dans son obscurité, y serait-il déjà entré ?

 

 La cloche d’or

On a pu entendre certains soirs des habitants de Flumet murmurer au sujet d’une cloche faite en or qui serait enterrée dans les alentours du village… Son existence reste un secret sur lequel il est difficile de se renseigner. Rares sont ceux qui ont eu le privilège d’entendre les plus anciens l’évoquer, alors de là à pouvoir la trouver ! Mais pourquoi garde-t-on ce secret si bien caché ? Il faudrait enquêter…