Que peut-on encore espérer de l’horizon #2

Que peut-on encore espérer de l’horizon #2

Publié par Liis Lillo

Journal du projet

Une Chorégraphie Hors Sol

« L’architecture est une fiction comme une autre. Le tout est de savoir quelle histoire elle nous raconte ».

Perrine Kervran sur «LSD la série documentaire», France Culture

À l’image de l’architecture, les lieux nous racontent des histoires. Avec les enfants, dans la cour de l’école, leurs réponses nous avaient soufflé à quel point les lieux sont liés à l’expérience, aux personnes, au souvenir.

C’est ce que le corps dansant vient questionner  dans notre projet. Il y résonne d’une étrange manière. La chorégraphie faite des mêmes mouvements répétés, peut paraître «hors-sol» : elle semble reproductible, presque à l’identique, n’importe où. Elle serait toujours appropriée, quel que soit le contexte, et pourtant ne raconte jamais la même chose selon le lieu.

Les mouvements tranchent ou s’alignent au hasard des lignes de la composition de ce décor, dessinent la cohérence éphémère d’un ici et maintenant, qui s’évanouit sur le passage de la danse.

La confrontation des images filmées avec la cartographie opère une rencontre profonde de la danse avec le site. La cartographie ancienne étire la temporalité de la vidéo, fait durer le caractère instantané de l’image. Elle met en perspective la trajectoire du corps avec celle du lieu, dont le temps est tellement long qu’on ne peut se résoudre à le filmer, et nous amène à nous questionner sur le sol qui nous porte, sur les horizons qu’architecture et paysage proposent, et sur la mémoire du lieu.

 

Répétitive, la danse évoque une boucle temporelle, un déphasage en miroir de ce temps et puis d’un autre, où tout est à ce point différent
que l’on ne reconnaît plus le lieu. Est-ce d’ailleurs le même ? On ne peut y répondre, mais on peut dire d’un endroit qu’il possède son propre espace, son propre temps. Sa trajectoire unique, singulière, repose sur une rencontre entre l’humain qui l’habite et la géographie, et sur l’évolution commune et hasardeuse de cette relation. Nul besoin de remonter jusqu’à des âges immémoriaux ; certaines transformations spectaculaires, chirurgicales, explosives du lieu témoignent de l’instabilité d’un paysage. Et cette instabilité se prolonge d’année en année, de siècle en siècle.

Continuelle instabilité qui exhibe la fragilité de ce que l’on pense éternel, danse qui s’éternise dans une boucle litanique, consentant à quelques prières sourdes, entre la terre et le ciel : mais que peut-on bien espérer encore de l’horizon ?