Notre projet Traverse est porteur d’une dynamique interdisciplinaire, convoquant la vidéo, la danse et le paysage. Son intention première est de mettre en place une méthode de travail et d’échange sur nos idées et pratiques artistiques ; notamment concernant la question du corps et du mouvement. Le point de départ : comment les lieux changent-ils la réception d’une même chorégraphie ? Notre idée est de mettre en oeuvre l’interprétation de la même phrase chorégraphique dans différents lieux et d’observer comment le paysage en modifie la perception. Dans un même temps, la chorégraphie fait comprendre le lieu, l’espace, le paysage.
Concrètement, nous voudrions écrire une chorégraphie qui sera interprétée et filmée dans différents endroits. Le motif chorégraphique se déroule et suit son cours, tandis que les lieux défilent. Ils ne sont pas destinés à la danse. Elle s’y invite. Nous considérons la danse comme un acte fort d’appropriation du corps et de sa kinésphère, du territoire. Pour l’instant nous prévoyons de travailler dans la région Occitanie. Nous travaillerons sur le franchissement, pour cela nous filmerons en lisière, à la frontière entre les lieux. La phrase chorégraphique qui se joue dans chaque lieu dessine un fil conducteur et rassemble tous les sites en une « expérience de traversée paysagère ». Faisant écho à cette notion de traversée nous serons amenées à travailler sur des lieux qui comportent en eux-mêmes de forts enjeux de franchissement, tels que les rivières, les infrastructures de transport jusqu’à un simple grillage ou même à un mur de bâtiment. Perçues d'ordinaire comme des obstacles, les frontières physiques ont aussi la qualité de structurer la dynamique de l'espace, de façonner le territoire. Tout en lui conférant sa forme connue, familière, les frontières nous suggèrent, tantôt avec douceur tantôt avec radicalité, comment habiter ce territoire. Leur impact se manifeste sur les comportements humains ; elles emportent le corps et dans son sillage, la danse. « Le paysage c'est l'endroit où le ciel et la terre se touchent », selon le paysagiste Michel Corajoud. À cet endroit, le relief, les cours d'eau, l'agriculture, l'architecture composent le paysage. La danse, comme l’architecture, c’est créer, faire apparaitre et disparaître des espaces. Les endroits choisis peuvent déclencher des sensations diverses pour les observateurs, alors que l’écriture chorégraphique reste identique. Dès lors que la danseuse rencontre le lieu, on peut s’interroger : l’écriture chorégraphique est-elle vraiment identique? Le corps interagit avec le lieu : il est contraint de s’adapter à ses caractéristiques physiques : sol, matériau, pente, volume…Confronter la danse au lieu amène le territoire à révéler ses qualités propres, intrinsèques. La danse renouvelle le lien entre l’homme et son corps. Et ce qui danse en premier, c’est l’écoute de son corps, du lieu, de son imaginaire. Il s’agit de créer à partir de l’environnement immédiat et de soi pour travailler sur la perméabilité des corps; le corps qui entraine son entourage dans la danse. Qu’est-ce qu’apprendre un fragment architectural comme une phrase chorégraphique ? Comment interpréter le paysage dans le mouvement corporel ? Comment danser le paysage intérieur en extérieur? La danse reposera donc sur une partition écrite à partir de la contrainte du franchissement. Comment le corps peut-il s'affranchir par la danse? Sa liberté de se mouvoir dans un espace qui n'est pas dédié à la danse représente un acte fort d'appropriation en soi. Il s'agira alors de créer un dialogue entre les paysages, les horizons et les corps. Au montage vidéo, nous appliquons la contrainte d’une chorégraphie qui se déroule en continuité dans plusieurs plans filmés. Nos références regroupent le film Les Disparates de Boris Charmatz, les Early Works d’Anne Teresa De Keersmaeker, l’essai Walkscapes de Francesco Careri, ainsi que les textes de Michel Corajoud et de Gilles Clément. Ce projet de recherche vise la production d’un court métrage qui peut être présenté sous la forme d’une installation vidéo et d’une exposition itinérante.
Tarn-et-Garonne
Par le(s) artiste(s)