Le début du spectacle

Le spectacle de Saint-Péver

Publié par Camille Le Jeune

Journal du projet

Comment mêler les contes de Luzel et le théâtre contemporain ?

Comment raconter collectivement un conte, une histoire et partager ensemble un spectacle au public ?

Entre nos improvisations autour des contes de Luzel, la présentation d'objets, le partage de souvenirs de grands-parents, et les anecdotes communes à la classe, l'écriture du spectacle de Saint-Péver s'est faite petit à petit.

Au départ, j'avais songé à ce qu'on ouvre une présentation sous forme de veillée contée, comme celles qui ont été rapportées par Luzel. Mais j'ai craint que ce dispositif ne soit pas assez solide pour que chaque élève puisse intervenir. Dans les veillées, c'est à tour de rôle que chacun prend la parole pour raconter une histoire. J'aurais pu retrouver la part de l'œuvre collective que je souhaitais en proposant des dialogues aux élèves entre deux contes, tout comme font les personnages des veillées de Luzel, mais j'ai préféré opter pour une forme théâtrale plus conventionnelle car elle me semblait proposer davantage de jeu aux élèves, à chacun d'entre eux, et elle les mettait dans une position moins inconfortable que celle où ils auraient été mélangés à leur public, et loin les uns des autres.

 

 

Il était une fois à Saint Péver...

                                                           

 

                                                          Prologue

 

Camille : Messieurs-Dames, le spectacle va commencer. Mais avant, nous vous prions de bien mettre vos téléphones en mode silencieux, s'il vous plaît.

Yanis : Comme vous le savez, on a travaillé autour des contes de Luzel. Et certains d'entre nous ont également écrit leurs propres contes.

Maëlane : Malheureusement, on ne peut pas tout vous raconter ce soir, sinon on serait encore là demain matin !

Camille : Alors, pour ne pas avoir à choisir, on a décidé de faire un tirage au sort.

Nathaël : Dans mon chapeau que voici, on a mis tous les contes qu'on a parcourus entre janvier et aujourd'hui. Et sans plus attendre... « Marguerite et Denise, et la vache enchantée », conte inventé par Swann.

 

Swann lit son conte.

 

Camille: Merci Swann!

Inès : Pour le prochain tirage au sort, je propose de faire participer les gens du public. Ce serait plus juste.

Yanis : Très bonne idée ! Vas-y Inès, prend le chapeau.

 

Inès et Enzo descendent dans le public avec le chapeau, et font tirer un petit papier à une personne au hasard.

 

Inès : C'est l'histoire de Krampouz et les talismans !

Camille : Très bien, tous à vos places !

Yanis : Tonin, tu veux bien t'installer à la table et suivre le texte, au cas où, s'il te plaît ? Merci.

Lilou : Ecoutez tous !

Nathan : Quoi ?

Gwendall : Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

Eden : Oh, elle m'a fait peur...

Yanis : J'entends rien, moi.

Lilou : Haha ! Je vous ai bien eus ! Ça va commencer...

Swann : Ohlala, elle fait la même blague à chaque fois...

Lilou : Chut !

Ecoutez tous, si vous voulez,

et vous entendrez un joli petit conte,

dans lequel il n'y a pas de mensonge,

si ce n'est, peut-être, un mot ou deux.

 

                                                                 Acte I

 

 

Maëlane: Il était une fois un enfant orphelin, et dont on disait qu'il n'était pas arrivé le premier le jour de la distribution de l'intelligence.

Angie : Comme il n'avait ni père ni mère, ni aucun parent qui ne s'intéressait à lui, il mendiait, de porte en porte, dans les fermes et les manoirs du pays.

Lily Rose : Rien ne pouvait lui faire plus plaisir que les bonnes crêpes de sarrasin de nos campagnes de Lannion et de Tréguier, et, pour cette raison, on l'avait surnommé Krampouz.

Tonin : Parce que Krampouz, ça veut dire crêpe en breton.

Inès : Il était très apprécié par les ménagères et les servantes, car il leur rendait une foule de petits services...

Enzo : Comme casser du petit bois, aller prendre de l'eau la fontaine...

Nathan : Parce que ça se passe à une époque où on devait faire du feu dans la cheminée pour se faire à manger. Il n'y avait pas de gaz, pas d'électricité, et pas d'eau courante dans les maisons.

Inès : Oui, et en retour de son coup de main, les ménagères donnaient à Krampouz de bonnes crêpes bien beurrées, et quelquefois même avec un œuf dessus.

Camille : Autour de ses dix-huit ans environ, il était devenu un garçon vigoureux et bien portant mais il continuait de mendier.

Gwendall : Et donc les gens ont commencé à l'accueillir un peu moins bien. Par exemple, ils lui disaient de plus en plus souvent :

Anouk :  Il est grand temps que tu ploies ton corps au travail ; n'as-tu pas honte de continuer de faire ainsi le fainéant, pendant que tout le monde travaille autour de toi ? 

Enzo : Alors un jour, comme plus personne ne veut lui donner à manger, il décide de quitter le pays. Il va donc voir sa douce Marie, sa fiancée, pour lui annoncer sa décision de partir.

Inès : Swann, tu fais Marie. Et Yanis, tu joues Krampouz.

Nathaël : Marie était servante dans une bonne ferme du pays, et elle lui avait donné, de nombreuses fois, en cachette, de bonnes crêpes aux œufs, et des tranches de lard. Ce jour-là, comme elle voit qu'il est bien résolu à partir, elle lui dit :

Swann : Je veux te donner quelque chose pour que tu te souviennes de moi ; je ne suis pas riche, comme tu le sais, et je ne peux pas te faire un riche cadeau. Tiens, voici un morceau de la chemise de ma grand-mère, qui était sorcière.

Nathaël : Krampouz détourne la tête, en faisant un geste de dédain.

Swann: Ne méprise pas mon présent, et ne t'en sépare jamais, car il te sera plus utile que tu ne le penses. Dès que tu voudras manger ou boire, ou que tu désireras quelque chose, n'importe quoi, étends le linge sur une table, sur une pierre ou même tout simplement par terre et dis :

Gwendall : Par la vertu de la chemise de la grand-mère de Marie, je désire que telle ou telle chose soit !

Swann : Et tu verras alors tes souhaits s'accomplirent, sur-le-champ.

Dimitri : Alors Krampouz prend le chiffon et le met dans sa poche. Puis il fait ses adieux à Marie et se met en route, sans trop savoir vers où aller.

Camille : Quand le soir arrive, il commence à avoir vraiment faim. Il est inquiet : il n'avait pas emporté de provisions, il n'avait pas d'argent, et pour être honnête, il n'avait pas trop confiance dans le prétendu talisman de Marie.

Nathaël : Mais pour en avoir le cœur net, il se décide à l'essayer. Il tire alors le bout de chiffon de sa poche, l'étend sur le gazon au bord de la route et dit :

Yanis : Par la vertu de la chemise de la grand-mère de Marie, je désire avoir de quoi manger : du lard, des saucisses, du pain blanc, de bonnes crêpes comme en fait Marie, et aussi une bouteille de bon cidre !

Lilou : Et aussitôt, il voit apparaître devant lui, du lard, des saucisses, des crêpes, du pain blanc et du cidre ! Tout fumants et ayant un aspect des plus appétissants.

Dorian : Krampouz ouvrait tout grand les yeux et la bouche, et il est resté comme ça, immobile d'étonnement, pendant plusieurs minutes.

Stan : Puis, il prend une saucisse, timidement, comme s'il avait peur que ce ne soit pas une vraie saucisse, mais seulement l'apparence d'une saucisse. Il la porte à sa bouche et....

Jonathan : C'était une vraie saucisse, et elle était délicieuse ! Pareil pour le lard, les crêpes, le pain blanc et le cidre ; tout était excellent et il n'avait jamais fait un aussi bon repas.

Maëlane: A la bonne heure,

Anouk : Se dit Krampouz, en pliant le chiffon avec soin et en le remettant dans sa poche,

Maëlane : Voilà un présent comme je les aime, et ma douce Marie est la meilleure et la plus belle fille du monde ! Je peux voyager à présent, sans avoir souci de rien.

Ashley : Et il se remet en route, en chantant et en sifflant tour à tour. Sur le chemin, il rencontre un vieux monsieur qui lui paraissait ivre tellement il titubait et avait du mal à se tenir sur ses jambes.

Tonin : Vous êtes joliment ivre, grand père ! Appuyez-vous sur mon bras, je vais vous aider à avancer un peu.

Eden: Oh non mon garçon, je ne suis pas ivre, je suis plutôt mort de faim. Je n'ai rien dans le ventre depuis plusieurs jours et c'est pour ça que j'ai autant de mal à avancer.

Tonin :  Ne vous inquiétez pas grand père, j'ai de quoi vous aider, vous allez voir !

Tiphaine : Krampouz sort alors le chiffon de sa poche et dit :

Tonin: Par la vertu de la chemise de la grand mère de Marie, je désire... Qu'est-ce qu'il vous ferait plaisir de manger ?

Eden : Euh des patates, de la saucisse, du lard, du bon pain, des bonnes crêpes, du cidre, et du bon vin rouge de Bordeaux...

Tiphaine : Et aussitôt, tout ce que le vieillard venait de demander est arrivé sur le chiffon devant eux. A la fin du repas, une fois qu'ils sont tous les deux bien rassasiés, le vieillard dit à Krampouz :

Nathan : Donne-moi ton chiffon, et en échange, je te donnerai mon bâton.

Yoann : Moi, céder un trésor si précieux ? Jamais, jamais ! Et puis ma douce Marie m'a bien recommandé de ne pas m'en séparer.

Nathan : Mais si tu savais ce que c'est que mon bâton ! Il contient cinq cents compartiments dont chacun renferme un cavalier armé de toutes pièces. Toutes les fois où tu auras besoin d'aide ou de protection...

Stan : Tu n'auras qu'à dire « Bâton, ouvre-toi. Sortez, cavaliers ! » et aussitôt tu verras sortir les cinq cents cavaliers, qui te demanderont : « Qu'y a-t-il pour votre service, maître ? »

Yoann : Est-ce bien vrai ?

Stan : Aussi vrai que ton chiffon nous a donné un excellent repas.

Dorian : Krampouz est séduit à l'idée de pouvoir commander une armée de cinq cents chevaliers, et il échange son chiffon contre le bâton du vieillard. Puis ils partent, chacun de leur côté.

Maëlane : Mais peu après, tout en marchant, Krampouz se dit :

Angie :  J'ai peut-être mal fait de céder ma serviette. Marie m'avait bien recommandé de ne jamais m'en séparer. Je regrette...

Lily Rose : Et je voudrais bien la récupérer. Mais, en même temps, je voudrais bien aussi garder mon bâton, qui peut m'être si utile pour voyager...

Lilou : Oh ! J'ai une idée ! Si le vieillard a dit vrai, je n'ai qu'à envoyer les cinq cents chevaliers chercher ma serviette ! Voyons un peu : Bâton, ouvre toi. Sortez, cavaliers!

Yanis : Il a à peine eu le temps de terminer sa phrase, que cinq cents petites portes se sont ouvertes dans le bâton, et cinq cents cavaliers sont apparus devant lui.

Ashley : Alors, le chef des cavaliers demande à krampouz :

Dimitri : Maître, qu'y a-t-il pour votre service ? Commandez, et comme vous direz, il sera fait.

Jonathan : Krampouz, qui était stupéfait, immobile d'étonnement, les yeux et la bouche grands ouverts, a réussi à balbutier :

Enzo : Allez me chercher mon chiffon, que le vieillard a emporté.

 

(Long silence. Tiphaine, à la table, regarde Nathaël avec insistance.)

 

                                                                     Acte II

 

Nathaël : Ça m'énerve...

Anouk: Moi aussi...

Dorian : Ouais, moi aussi...

Jonathan : Bah quoi? Qu'est-ce qu'il vous arrive ?

Dorian : Cette histoire.. C'est une vieille histoire...

Anouk : ça fait longtemps qu'elle existe !

Tiphaine : Et alors ?

Nathaël : Ben, ce serait bien de raconter une histoire qui se passe aujourd'hui...

Eden : Comment ça ?

Lily Rose : Moi non plus, je ne comprends pas.

Yoann : Expliquez-vous, à la fin !

Anouk : Une histoire qui se passe aujourd'hui, et non pas au XIXè siècle !

Stan : Pourquoi ?

Ashley : C'est important d'avoir des histoires qui ont été inventées il y a longtemps...

Tiphaine : Oui, ça nous permet d'avoir une petite idée de comment les gens vivaient avant nous.

Enzo : Ben oui, c'est vrai ! Tout a tellement changé ! Vous vous rendez compte ? Premier exemple : avant, on ne se déplaçait qu'à cheval, ou en calèche... La galère...

Yanis : Et encore, quand on était assez riche pour en avoir un. Regarde Krampouz... La calèche n'en parlons pas !

Maëlane : Moi, j'adorerais ne me déplacer qu'à cheval, tout le temps...

(silence)

Hugo : Ouais... Mais tu ferais comment pour aller, par exemple, au ski, depuis la Bretagne?

(silence)

Angie : Euh, excusez-moi, c'est peut-être pas le moment de parler de ça, mais... alors, ils faisaient comment les gens, avant, pour aller aux sports d'hiver?

Eden : Ou même en vacances, de façon générale?

Dimitri : Ils ne partaient pas en vacances, ça n'existait pas les vacances.

Eden : Oh !

Angie : Ça n'existait pas ??

Enzo : Oh, l'horreur...

Dimitri : Non, les premiers congés payés sont arrivés autour de 1920, mais pas partout en France, et pas pour tout le monde...

Tonin : C'est quoi les congés payés ?

Stan : C'est quand tu prends des vacances, mais que t'es payé comme si tu travaillais.

Tonin : Ah d'accord... C'est bien !

Stan : Bah oui !

Dimitri : En 1936, il y a eu d'énormes grèves des ouvriers, dans toute la France, pour que tous les travailleurs aient le droit aux congés payés.

Ashley : Oui, parce que certains y avaient déjà droit, mais vraiment très peu de personnes. C'était très injuste.

Tonin : Des énormes grèves dans toute la France... ? C'est marrant, ça me rappelle quelque chose.

Hugo : Et ça a marché ?

Dimitri : Ben oui ! Mais au début les gens avaient seulement droit à deux semaines de vacances, puis trois, puis quatre...

Ashley : Et depuis 1982, c'est cinq semaines !

Inès: Attendez une minute : comment vous savez tout ça, vous ?

 

(haussement d'épaules)

 

Camille : Qu'est-ce qu'il y a ? ça va pas ?

Nathan : Je suis très déçu... Je pensais qu'on allait faire un spectacle, et on ne fait que parler d'histoire et de politique.

Swann : Hey, tous les trois, c'est vous qui avez arrêté le conte. Pourquoi ?

Gwendall : Depuis tout à l'heure, ils essayent de nous le dire, mais personne ne les laisse en placer une !

Camille : Nous vous écoutons!

Nathaël : Merci.

Anouk: On a bien réfléchi, et …

Dorian : C'est bien de connaître les contes, comme ça, qui ont traversé les siècles pour arriver jusqu'à nous...

Anouk : mais nous, on se demande...

Hugo : Qu'est-ce qui va rester de nous ?

Nathaël: Exactement !

Inès: Hum...Je comprends ce que vous voulez dire. Imaginons, si dans cent ans, des gens décident de raconter une histoire, un conte, qui se passe ici, à Saint-Péver, aujourd'hui, en 2019, qu'est-ce qui leur restera ?

Swann: Oh! Il faut qu'on invente un conte qui se passe aujourd'hui !

Stan : Oui, c'est l'idée, je crois.

Lily Rose : Oh oui !! Mais qu'est-ce qu'on va bien pouvoir raconter ?

Yoann : Moi, je veux bien prendre des notes. A partir de maintenant, tout ce qu'on dira, je l'écris, et ce sera une trace de nous pour les gens dans le futur.

Maëlane : Très bien, merci ! Qui veut bien proposer quelque chose ?

Jonathan : Moi, j'ai une idée, attendez !

 

(Il va chercher son carnet et lit l'histoire qu'il a écrit dedans. Le match de France contre Croatie. Le match est fini. Le score est de 4 à 2. 2 buts de Griezman, 1 but de Pogba, 1 but de Mbappé)

 

Tonin : En fait, c'est un but de Griezman, et un but de Mandzukic, marqué contre son camp à la 18è minute.

 

(Silence)

 

Enzo : Au moins, ça parle bien de notre époque.

Lilou : Oui.

Tiphaine : Oui, et peut-être que dans cent ans, le monde aura tellement changé que le foot aura disparu... ?

Tonin : … !!! Ne dis pas n'importe quoi !

Tiphaine : Je ne dis pas n'importe quoi ! C'est une supposition. Tu sais comment sera le monde dans cent ans, toi ?

Enzo : Bon, bon, bon. Ne nous énervons pas, ce n'est pas le moment. Merci pour ta proposition.

Jonathan : Oh, de rien.

Eden : Quelqu'un a une autre idée ?

 

 

                                                               Acte III

 

 

Swann : Peut-être qu'on pourrait couper la poire en deux. Garder une trace du passé, et laisser une trace de notre présent, pour les gens du futur.

Dorian : Oh la la, ça devient compliqué.

Swann : Mais non ! Allez, on essaye.

Il était une fois, dans le petit village costarmoricain de Saint-Péver, au bord de la forêt d'Avaugour, Eden, Jonathan, Stan, Anouk,

Camille : Inès, Tiphaine, Dimitri, Gwendall, Hugo,

Gwendall : Angie, Lily Rose, Enzo, Yoann,

Maëlane : Yanis, Nathaël, Swann, Tonin, Dorian,

Yoann : Ashley, Camille, Nathan, Lilou et Maëlane.

Swann : C'est bon, on a oublié personne ?

Nathaël : C'est bon, mad è.

Tonin : Ils étaient toutes et tous de charmants enfants, polis, sages, et qui ne faisaient jamais de bêtises.

 

(petit silence)

 

Enzo : C'est un peu gros.

Tonin : Presque jamais ?

Enzo: C'est mieux.

Tonin : Donc polis, sages, et qui ne faisaient presque jamais de bêtises.

Anouk : Leurs journées étaient paisibles, rythmées par les leçons entre deux récréations.

Nathan : Ils étaient tous des aventuriers dans l'âme et rêvaient d'aller à la découverte du monde.

Angie : Des aventuriers et des aventurières...

Nathan : Oui.

Dorian : La forêt d'Avaugour, au pied de laquelle ils vivaient et grandissaient, était connue de toute la région pour avoir des arbres magnifiques.

Tiphaine : Le secret de sa beauté était une douce pluie, à l'apparence d'un ordinaire crachin breton, mais qui avait la vertu d'être magique.

Camille : Un jour, comme la douce pluie magique tombait sur Saint-Péver, les enfants jouaient à l'abri, à l'intérieur de l'école.

Lilou : Et voici ce qui arriva :

Jonathan : Cap ou pas cap d'aller dans le coffre à jouets en glissant avec la tête en bas ?

Gwendall : Cap ! (silence) Aaaaaaah !!!

Jonathan : Gwendall ? Gwendall, ça va ? Tu es où ?

Inès : Qu'est-ce qui se passe ?

Jonathan : C'est Gwendall, il vient de glisser dans le coffre à jouets, mais il a disparu dedans !

Dimitri/Tiphaine: Quoi ??

Inès : Mais c'est pas possible !

Ashley/ Yanis : Qu'est-ce qui se passe ?

Tiphaine: C'est Gwendall ! Il vient de disparaître dans le coffre à jouets !

Enzo : Hein ??!!

Stan : Il faut que quelqu'un aille le chercher.

Jonathan : D'accord, j'y vais. (Petit temps) Aaaaaah !!!

Nathaël : Jojo ??!!

Yoann : Vous le voyez, vous ?

Dimitri : Non.

Yanis : Mais comment c'est possible ?

Eden : Qu'est-ce qui se passe ?

Dimitri : Il y a Gwendall et Jonathan qui viennent de disparaître dans le coffre à jouets... !

Eden : Hein ?!

Inès : Bon, je vais voir.

Lily Rose : Non ! Attend !

Inès : Aaaaah !!

Hugo : Elle aussi...

Enzo : Oh la la... Mais qu'est-ce qu'on va dire à Justine ?

Lilou : Justine était la directrice de l'école, et aussi leur maîtresse.

Nathaël : Allez, on y va tous !

Yoann : Et ainsi, les uns après les autres, ils s'élancèrent dans le coffre à jouets.

Stan : Ils se retrouvèrent tous, les uns allongés à côté des autres, dans la forêt d'Avaugour.

Nathan : Psst... ça va ? Rien de cassé ?

Camille : On est où ?

Maëlane : J'ai l'impression qu'on est dans la forêt.

Camille : Mais, comment on a fait pour arriver ici ?

Lily Rose : J'ai un tout petit peu peur. Pas vous ?

Gwendall : Je comprends rien à ce qu'il se passe. Et en plus, je crois que j'ai une bosse.

Ashley : Et ainsi, petit à petit, ils se sont tous relevés. Mais aucun d'entre eux ne pouvait expliquer ce qui leur arrivait.

Tiphaine : Et une fois qu'ils étaient tous et toutes debout :

Stan : Regardez !

Swann : Ils virent une dame habillée avec une blouse grise, assise à un grand bureau. Derrière elle, il y avait un grand tableau noir. Et devant elle, des tables et des chaises. C'était une véritable salle de classe, mais en plein milieu des bois !

Angie : La maîtresse, qu'ils n'avaient jamais vue de leur vie, était penchée au-dessus de son bureau, comme si elle corrigeait des cahiers. Elle ne paraissait ni les avoir vus, ni les avoir entendus.

Jonathan : Nos amis échangèrent alors un rapide regard et s'éloignèrent sur la pointe des pieds.

Lily Rose: Et une fois qu'ils étaient assez loin pour ne pas être entendus :

Tonin : Depuis quand il y a une maîtresse dans la forêt ?

Anouk : Je ne sais pas. Mais si tu veux mon avis, tout ça, c'est franchement bizarre.

Lilou : Ils reconnurent facilement le chemin de la forêt d'Avaugour et se mirent à marcher en direction du bourg, pour retourner à leur école. Quand, tout à coup :

Yanis : Regardez ! Les maisons ont disparu !

Hugo : Oh ! Ça alors !

Angie : Oui, et la route ! Regardez la route !

Nathaël : En effet, la route qu'ils avaient encore empruntée le matin-même pour aller à l'école n'était plus goudronnée. C'était un chemin de terre. Et à la place des nombreuses maisons qu'ils avaient l'habitude de voir chaque jour, il y avait des champs, des arbres, et quelques vaches.

Ashley : De plus en plus étonnés, ils arrivèrent à leur école.

Inès : Mais elle était à peine reconnaissable ! Il n'y avait plus le portail vert, et le bureau de Justine avait disparu.

Camille : Ils entrèrent dans la cour et un homme qu'ils n'avaient jamais vu vint à leur rencontre :

Dorian : Ah ! Vous voilà enfin ! Allez, dépêchez-vous d'entrer ou vous aurez des lignes à recopier.

Yoann : Les enfants se regardèrent les uns les autres, mais n'osèrent pas poser de question.

Nathan : Leur salle de classe aussi avait beaucoup changé. Ils ne reconnaissaient plus rien. Il y avait même un encrier sur chaque table.

Hugo : Regarde la date qui est écrite au tableau ! Vendredi 4 avril 1902 !

Lily Rose : Oh ! Ce n'est pas possible !

Dorian : Silence !

Maëlane : A crié le maître en tapant sur son bureau avec une règle en bois.

Dorian : Depuis quand a-t-on le droit de parler sans demander l'autorisation ?

Anouk : Quand la récréation arriva (enfin!), ils se réunirent tous dans un coin de la cour.

Inès : Il faut qu'on trouve une solution pour retourner en 2019. Je n'ai pas du tout envie de rester coincée ici une minute de plus.

Enzo : Moi non plus ! En plus le maître, il est complètement fou ! Il a accroché mon cahier dans mon dos, tout ça parce que j'ai fait une faute d'orthographe !

Maëlane : Je crois qu'on est tous d'accord. Mais comment faire pour repartir ?

Yanis : A ce moment-là, ils entendirent un bruit qui venaient du buisson à côté. Ils s'en approchèrent et virent...

Lilou: Un renard blanc, qui portait sur son dos une poupée de porcelaine. Il leur dit:

Nathaël : Mes petits amis, je vais vous donner un indice. Si vous voulez retourner d'où vous venez, il faut tout simplement emprunter le même chemin que celui par lequel vous êtes arrivés.

Inès: Il faut retourner dans les bois ?

Nathaël : Je ne peux pas vous en dire davantage, vous devez trouver votre porte de sortie par vous-mêmes.

Angie : Et le renard blanc, avec la poupée sur son dos, disparut dans le buisson.

Eden : Est-ce qu'on ne devrait pas aller demander conseil à la maîtresse de la forêt ?

Enzo : Oh non, on ne sait jamais.

Gwendall : Oh regardez, le renard blanc est dans la cour ! Mais, qu'est-ce qu'il fabrique ?

Ashley : Le renard blanc s'était mis à creuser à toute vitesse un trou dans la cour, avec ses pattes.

Swann : Et d'un coup, un immense jet d'eau sortit de terre. Le renard blanc qui commençait à avoir son pelage tout mouillé s'est tourné vers nos petits camarades. Il leur a fait un clin d'oeil et a disparu.

Maëlane : Bientôt, ils étaient toutes et tous complètement trempés, tout comme la cour de l'école. Le maître est arrivé en courant, en criant et en gesticulant. Il a essayé de boucher l'arrivée d'eau avec ses pieds, ses mains, et avec différents objets. Tout d'un coup, il s'écria :

Yanis : Mais qu'est-ce qu'elle fait là cette poupée en porcelaine ? Elle est complètement trempée ! Qu'est-ce que vous attendez ? Allez vite la ranger dans le coffre à jouets !

Stan : Oh ! Le coffre à jouets !

Eden : Mais bien sûr !

Inès : Nos petits amis se précipitèrent à l'intérieur de l'école, avec la poupée en porcelaine. Très vite, ils trouvèrent le coffre à jouets. Ils hésitèrent, puis, la tête la première, ils entrèrent tour à tour dans le coffre.

Dorian : Une fois ressortis du coffre, ils ont pu reconnaître leur école d'aujourd'hui, avec un immense soulagement. Ils étaient en train de vérifier que tout le monde était bien rentré, quand Justine, leur maîtresse, entra dans la pièce :

Anouk : Mais dites donc, vous êtes trempés ! Je vous avais pourtant demandé de ne pas aller dehors, il pleut. Tiens, mais d'où vient cette poupée ?

Lilou : Du coffre à jouets.

Anouk : Vraiment ? C'est marrant, je ne l'avais jamais vue. Bon allez, la récréation est terminée.

Hugo : Ils retournèrent à leur place. Sur le tableau blanc, il était écrit au feutre bleu : jeudi 4 avril 2019.

Tonin : Ils décidèrent de ne raconter à personne ce qui leur était arrivé, de peur de passer pour des fous.

Swann : Mais pour ne jamais oublier, et pour que plus tard les gens connaissent leur aventure, ils l'écrivirent dans un cahier qu'ils rangèrent, avec la poupée en porcelaine, dans le coffre à jouets.

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                              FIN

 

 

 

 

À propos du spectacle, guide de lecture

J'ai commencé l'écriture en m'inspirant justement de ces veillées contées sur la forme desquelles j'avais fait une croix. J'ai donc écrit un premier texte, inspiré par les différentes énergies et les différents caractères des élèves, mais aussi de leurs différentes remarques et observations que j'avais pu noter depuis janvier. Il s'agit de l'Acte II de ce spectacle en trois actes, même si au moment de l'écriture, j'ignorais encore quelle forme prendrait le tout.

Comme dans les veillées retranscrites (ou romancées) par Luzel, les personnages ne sont pas toujours d'accord les uns avec les autres, entrent en conflit à propos d'un sujet. Là, trois élèves exposent leur mécontentement au reste du groupe sur le choix de raconter au public un texte daté du XIXè, et leur inquiétude sur la trace de leur présent à eux qu'ils pourraient laisser pour l'avenir. Beaucoup d'élèves de la classe pratiquant le football, ce sport a été assez mis en avant dans nos discussions. Il m'a semblé intéressant de pouvoir l'inclure dans le spectacle, pour que ce dernier soit au plus proche des élèves.

Dans le premier acte, ils racontent collectivement le conte de Crampouès et les talismans, que je leur ai raconté en janvier et que nous avions, sous forme d'improvisations, reparcouru depuis.

Puis, l'acte III est essentiellement inspiré des anecdotes que les élèves ont racontées en classe. Suite à la « crise » dans l'acte II, ils décident d'inventer une histoire où chacun d'entre eux existe en tant que personnage. C'est dans ce conte inventé que se cachent ces souvenirs communs.

Tout démarre avec l'anecdote du coffre à jouets. Un élève demande à un autre s'il est « cap » de sauter dans le coffre à jouets la tête la première. Dans la vraie histoire, l'élève a bien sauté mais s'en est tiré avec une grosse bosse. Dans la fiction, il disparaît dans le coffre. Ils y sautent alors tous, les uns après les autres, pour le retrouver. Ils se réveillent au beau milieu de la forêt d'Avaugour, forêt au bord de laquelle se trouve le petit village de Saint-Péver. Là, une maîtresse avec une blouse est installée dans une classe en plein dans les bois. C'était en clin d'œil au nom de famille de leur ancienne institutrice, et qui a fait partie de beaucoup de souvenirs racontés. Puis, en sortant des bois, et en arrivant à leur école, ils s'aperçoivent qu'ils sont en 1902. Ce saut temporel est en lien avec leur sortie scolaire dans une école-musée, sortie qui les a tous beaucoup marqués. J'ai intégré dans le récit les éléments qu'ils avaient évoqués et qui les avaient marqués, tels que les encriers sur les tables, le maître sévère qui a attaché leur cahier dans le dos de certains élèves qui avaient fait trop de fautes d'orthographe... Alors qu'ils cherchent une solution pour retourner dans leur époque, un renard blanc vient à leur rencontre. Le renard blanc est un personnage que nous avons rencontré dans un conte de Luzel intitulé La princesse Marcassa et l'oiseau Drédaine. La poupée en porcelaine qu'il porte sur son dos doit son rôle dans le spectacle à une des élèves qui m'avait parlé de sa poupée en porcelaine (« un peu abîmée, elle a une jambe cassée ») le premier jour que j'avais passé à Saint-Péver, en janvier. La poupée appartenant à son arrière-grand-mère, elle avait fait très rapidement le lien entre cet objet familial, et le thème de mon spectacle Héritages. Puis, survient l'événement de l'inondation de la cour de récréation, qui est également tiré d'une histoire vraie racontée par les élèves. Enfin, le retour au coffre à jouets, dans lequel ils décident de ranger la poupée de porcelaine et leur conte, vient de la remarque d'un élève. J'avais posé la question à la classe de ce qu'ils imaginaient que les gens du futur retiendraient de notre génération, ou par quel support on pourrait leur laisser une trace de nous, de nos modes de vie. L'un d'entre eux avait alors évoqué la proposition de placer dans un coffre des lettres et des objets d'aujourd'hui, témoins de notre époque, que les gens dans le futur pourraient ouvrir et ainsi obtenir des indices sur qui nous étions. Rebondissant sur sa proposition, une élève a alors suggéré que ce soit au travers d'un conte, à l'instar de ceux collectés au XIXè par Luzel, qu'on puisse véhiculer nos traces, des indices sur nos modes de vie.

Acte II, lors de la dispute sur la disparition éventuelle du football dans cent ans
Acte II, dispute sur l'hypothèse de la disparition du football dans cent ans.