Première étape de création à Honolulu-Nantes

4-15 mars 2019 : Résidence artistique à Honolulu-Nantes

Publié par Camille Le Jeune

Journal du projet

Du 4 au 15 mars, j'étais en résidence à Honolulu-Nantes où j'ai disposé de la salle de répétition pour deux semaines. J'ai pu, à l'issu de cette résidence, ouvrir mon travail à un public invité et ainsi recueillir les premières impressions. Celles-ci me sont utiles par la suite pour continuer mon travail d'écriture.

 

Après avoir préalablement écrit et appris un premier texte, je suis passée « au plateau », sous les regards de la metteure en scène Marion Thomas, et de l'auteur et metteur en scène Eddy Pallaro de l'Atelier des Fictions, structure qui m'héberge pour ce projet.

En répétant dans l'espace, j'ai pu travailler mon rapport à mon unique partenaire de jeu : un landau.

J'ai choisi de faire coexister l'histoire de Maryvonne, mon arrière-arrière-grand-mère, avec l'esthétique des contes de Luzel et leurs personnages. Ainsi, c'est sous forme d'un conte qui démarre par le traditionnel « Il était une fois » que le personnage de jeune mère que j'interprète raconte à son nouveau-né dans le landau l'histoire de leur aïeule.

 

Contexte

Au fil des répétitions, nous nous sommes aperçus de la force scénique et dramaturgique que pouvait dégager la relation entre une mère et son enfant, et c'est donc cette intimité et ce lien que j'ai souhaité développer davantage sur le plateau du théâtre. Il m'apparaît nécessaire d'installer avant tout cette relation, qui, dans cette fiction, est caractérisée par la grande maladresse d'une femme qui devient mère pour la première fois, et à la fois la grande douceur avec laquelle elle accueille le bébé. L'image parle toute seule ce qui permet d'apporter des moments de silence à ce spectacle qui reposerait sinon essentiellement sur la parole, la transmission orale d'une histoire familiale.

Le moment de la naissance, et cette relation toute neuve entre la nouvelle-mère et son nouveau-né, est donc le contexte, le fil rouge du spectacle.

Première étape de création, Honolulu-Nantes
Première étape de création, Honolulu-Nantes

Le landau sur un plateau nu

L'héritage psychologique est un vaste sujet. Je dois donc faire des choix dans ma manière de l'aborder. Des écrits indiquent que cet héritage se transmet dans le ventre de la mère.

Uniquement en tant qu'auteure et comédienne, je suis partie de cette hypothèse, en imaginant que c'est au moment de sa naissance, quand l'enfant devient un individu, quand il vit sa vie sans être accroché dans le ventre de sa mère, que son héritage s'inscrit en lui.

J'ai donc imaginé que le moment du spectacle se passe à la première minute de la vie du bébé.

Ainsi, l'histoire se passe dans un espace-temps parallèle au nôtre, dans un espace mental.

Le plateau vide convient alors très bien, en ce qu'il n'y a rien de réaliste dans ce décor, ni dans cette rencontre. Et il laisse aussi la place à l'imagination du spectateur de projeter les images que lui évoquent la fiction.

Première étape de création; Honolulu-Nantes

Le conte et la berceuse

Dans sa conférence sur les Berceuses, Federico Garcia Lorca pointe du doigt la cruauté des mots mêlés à la douceur de la mélodie que chantent les femmes pour endormir leurs nourrissons. Même si, de nos jours, je n'ai jamais entendu une mère chanter une berceuse effrayante à son enfant, je me suis intéressée à la question du fait que c'était une pratique dans le passé, - outre les berceuses espagnoles, il en existe aussi en langue française-, et donc lié au sujet de mon spectacle. En poussant les recherches, et en m'éloignant légèrement de la berceuse, je me suis aperçue que de nombreux gwerziou (chants bretons) du XIXè siècle sont également très sombres, bien que pour certains ils soient composés sur des airs joyeux.

Comme le suggère Garcia Lorca, je me suis dit que la chanson, ou la berceuse, pouvait être un pont entre le présent de la fiction -notre présent-, et le passé -le temps de Maryvonne, mon aïeule.

À cette étape de la création, je ne suis pas parvenue à arrêter un choix, ne sachant s'il vaut mieux préférer une chanson en breton (la langue de mon aïeule) et d'en fournir la traduction durant le spectacle, ou chanter une berceuse en français, je pense notamment à Ne pleure pas Jeannette, et permettre ainsi au public non bretonnant d'avoir tout le sens mêlé à l'image sur le plateau et à la mélodie.

 

Par ailleurs, les contes collectés par Luzel étaient transmis en grande partie par les mendiants. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi de mêler l'univers des contes à l'histoire de mon aïeule, qui a peut-être, au cours de sa vie, raconter certains d'entre eux en échange d'un repas et d'un toit.

L'univers des contes (que ce soit ceux, parmi les plus connus, d'Andersen, de Perrault, de Grimm, mais aussi, en ce qui nous concerne, de Luzel) est également souvent cruel, bien que ces histoires soient, pour la plupart, destinées aux enfants.

Le spectacle se passe aujourd'hui, mais invite le passé à s'y faufiler (par l'histoire racontée, et par le vieux landau).

Ce frottement entre passé et présent m'apparaît comme le personnage principal de cette création.

Héritages

Teaser réalisé à la suite de la première étape de création.
Le mot de passe pour accéder à la vidéo est: Maryvonne
(avec un M majuscule)