Extrait de la dernière répétition; moment où le maître découvre la poupée en porcelaine dans l'acte III

Comme une fleur qui éclot

Publié par Camille Le Jeune

Journal du projet

Au-delà du propos du spectacle, et de présenter au public une forme dérivée et fictionnelle de notre travail ensemble depuis janvier, ce sont les élèves eux-mêmes qui se sont révélés.

Après avoir traversé des improvisations et éprouvé nos connaissances des contes « avec le cœur » au cours de l'année, l'écriture d'un spectacle a nécessairement engendré un apprentissage, cette fois-ci, par cœur.

Avant de leur livrer le texte définitif du spectacle qu'ils allaient porter ensemble, j'avais démarré quelques-unes de nos journées en proposant au groupe un petit texte, l'occasion de travailler la diction et la mémorisation.

Je me suis inspirée de Tiago Rodrigues, dans son spectacle By Heart, où il proposait à des personnes du public de le rejoindre sur scène. Chacun était chargé de mémoriser un vers d'un poème de Shakespeare, et à la fin du spectacle, le poème entier était récité, grâce à chacun des participants.

J'ai proposé le même principe aux enfants, mais avec un texte récité oralement, et non écrit. Les enfants étaient en cercle, comme nous terminions l'échauffement. Je disais un court texte (ou une longue phrase) que je dispatchais ensuite entre quelques élèves. Puis, je recommençais pour que chaque élève ait pu s'exercer. Ainsi, c'est de manière collective qu'ils pouvaient retenir rapidement l'ensemble du texte. À la fin, après l'avoir donc entendu plusieurs fois, certains élèves s'essayaient à le réciter entièrement.

Pour travailler le spectacle, nous sommes d'abord passés par plusieurs lectures collectives. Petit à petit, grâce à ces quelques lectures, les élèves se sont familiarisés au texte et à leur partition. J'ai aménagé quelques temps pour que chacun puisse apprendre ses répliques et venir nous les réciter, à leur institutrice ou à moi. Puis, après quelques journées, nous entamions des italiennes (récitation du texte, sans les déplacements) avant de passer à la mise en espace.

 

Extrait du début de l'acte III, dernière répétition
Extrait du début de l'acte III. Photo prise lors de la dernière répétition.

Prendre confiance

Certains élèves étaient rassurés de garder leur texte avec eux, pendant les italiennes. Sur scène était placée une table sur laquelle il y avait le texte. C'était assumé dans le spectacle que l'élève à la table suivrait le texte et pourrait souffler à ses camarades s'il y avait un trou. Ce n'était pas toujours le même élève à cette place, chacun savait quand c'était à son tour d'y aller, suivant où ils en étaient dans l'histoire. Cependant, jusqu'au matin de la représentation, une élève tenait à garder son texte avec elle. Elle le connaissait pourtant parfaitement bien, mais elle me soutenait qu'elle n'était jamais sûre des moments où elle devait prendre la parole. J'ai réussi à la convaincre de me laisser son texte, et qu'en échange je lui ferai des signes pour lui dire quand ce serait à son tour de parler. À la fin de cette dernière répétition, elle n'a pu que constater comme moi qu'elle n'avait eu besoin d'aucune aide extérieure, qu'elle connaissait non seulement son texte, mais la position de ses répliques par rapport à celles de ses camarades, et ses déplacements dans l'espace. Le soir, quand le public était installé et que nous allions entrer dans la salle, j'ai pu entendre des petites phrases rassurantes entre les élèves :

« De toute façon, les gens ne connaissent pas notre texte. Donc si on se trompe un petit peu, ce n'est pas grave, ils ne le sauront pas. »

C'est ça. Porter une histoire et porter avec nous le public.

Il n'y a eu aucun trou, aucun regard paniqué en ma direction ou celle de leur institutrice pendant la représentation. Et s'il y a eu quelques incidents, (un texte qui a légèrement mordu la réplique précédente, le téléphone d'un spectateur qui sonne, une spectatrice qui décide d'aller aux toilettes pendant la représentation ; Or, les toilettes sont dans les coulisses et c'est justement le moment où les élèves devaient y aller...) comme de véritables comédiens, ils les ont intégrés au spectacle.

J'ai eu l'immense plaisir d'entendre de la part de spectateurs que c'était un spectacle où il y avait beaucoup de joie, où on sentait que les enfants prenaient plaisir et s'amusaient sur scène, et où on les voyait tous. Une mère d'élève, qui s'occupe aussi des enfants à la cantine et à la garderie, m'a dit qu'elle était agréablement surprise de certains enfants, qui semblent d'habitude introvertis ou « dans la lune », de les voir s'amuser à jouer, et bien au clair sur leur partition et leur rôle à interpréter.