À la découverte des contes de Luzel et de leurs possibles

Publié par Camille Le Jeune

Journal du projet

Depuis le 18 janvier 2019, notre première journée ensemble à Saint-Péver, je transmets aux élèves un ou plusieurs contes à chaque rencontre.

Héritages est un projet qui porte en son cœur la transmission. La transmission d'une histoire rapportée par ma grand-mère à propos de sa grand-mère.

Les contes aussi sont de l'ordre du transmis.

J'ai décidé de ne pas lire les histoires aux élèves, mais de les raconter.

J'ai choisi un éventail de contes en cherchant à proposer la plus grande diversité possible parmi les centaines de contes existants collectés par François-Marie Luzel.

Ils se passent tous en Bretagne, ou, si le héros voyage, ont tous pour point de départ la Bretagne. Pour la plupart d'entre eux, on a pu les situer sur une carte, et entendre des noms de communes connues des élèves de Saint-Péver.

 

Les danseurs de nuit, est un dérivé du conte de Cendrillon.

La vache de Saint-Pierre, fait partie des « légendes chrétiennes » avec comme drôle de morale l'apologie de la malhonnêteté.

Crampouès ou les talismans, est l'histoire de l'ascension sociale d'un jeune mendiant, grâce à un tissu magique. La morale est également douteuse car elle prône le vol.

La princesse Marcassa et l'oiseau Drédaine, est un conte fantastique où le héros doit affronter de nombreuses péripéties, pour un heureux dénouement.

Cochenard et Turquin, est un conte fantastique sur l'ascension sociale d'un mendiant. La cruauté et la misère sont très présentes dans ce conte.

Le barbet noir de Roc'h Trévézel, fait partie des contes à faire peur.

Le pêcheur qui vendit son âme au diable, est un conte fantastique où la misère est dépeinte, et le courage du héros mis en valeur.

 

La question de la véracité des histoires est assez fréquente, surtout quand le conte n'est pas ostensiblement fantastique.

J'avais aussi prévenu les élèves qu'avant, du temps où leurs grands-parents avaient leur âge, et même encore avant, les gens aimaient se raconter des histoires dans les campagnes. Et que ces contes nous viennent de ces moments de veillées collectives.

Toute l'intrigue pour nous réside autour du comment ces histoires ont été inventées, la part de vrai, la part d'une inspiration d'un fait ou d'un personnage réel, et la part d'histoires transmises, héritées, et réadaptées.

 

Raconter et non pas lire, c'est donner du vivant au conte et créer une promiscuité entre conteur et spectateur. Ce rapport laisse aussi la place aux questions pendant le conte, à nos étonnements communs parfois sur les choix que font nos personnages.

Les élèves-spectateurs ne sont jamais passifs. C'est la première chose que j'ai apprise en venant à Saint-Péver.

 

Je me suis méfiée de l'écriture et j'ai ainsi choisi de ne pas apprendre par cœur les contes, mais de les transmettre avec mes mots et ceux parfois que j'avais retenus de Luzel, en laissant de côté le passé simple, pour un discours plus direct et plus simple ; plus proche de nous.

Ce choix me permet d'aborder notre rapport à ce qu'on connaît « par cœur» et ce qu'on connaît « avec le cœur», et de donner la possibilité aux élèves d'essayer les deux.

J'ai choisi aussi de ne pas laisser de trace écrite des histoires, pour que les élèves fassent confiance à leur mémoire : parfois, nous ne nous voyons pas pendant trois semaines... !

C'est collectivement, et à chaque fois que l'on se retrouve, qu'ils me racontent le ou les derniers contes entendus.

Ce qui me frappe à chaque rencontre, c'est la multitude de détails qu'ils parviennent à faire resurgir. Certains élèves diront qu'ils ne se souviennent de rien, et d'un coup, en entendant leurs camarades, vont faire apparaître un détail que tous les autres avaient oublié.