Je suis journaliste et je voudrais vous poser quelques questions

19 février : l'aventure, c'est s'inventorier au plus profond de soi

Publié par Pauline Murris

Journal du projet

Mardi 19 février.

Journée consacrée aux « interviews », ces moments si précieux, pour nous comme pour eux.

Le rituel est important : muni de l’enregistreur pro, l’un de nous deux va chercher un(e) enfant en classe, lui chuchote à l’oreille qu’il voudrait s’entretenir avec lui/elle. L’enfant est vouvoyé et tout de suite remercié de bien vouloir accorder cet entretien pendant son temps de travail.

Nous nous dirigeons vers un petit endroit calme (cour ou bibliothèque).

Sur le chemin, surtout, on met en condition, sans jamais sortir du jeu.

« Merci beaucoup de m’accorder cette interview, je sais que vous êtes un(e) très grand(e) voyageur(se). Je suis journaliste et je voulais vous poser quelques questions ».

A de très rares exceptions près, les enfants sont immédiatement pris au jeu et répondent extrêmement sérieusement, avec un grand sourire intérieur.

Une fois installés, l’enregistreur posé entre l’interviewé et l’interviewer, l’entretien peut commencer.

« Je vais tout d’abord vous demander de vous présenter, de me dire qui vous êtes, en quelques mots, et ensuite de me raconter un de vos voyages, ou alors un souvenir de voyage. Surtout, n’hésitez pas à me faire part des rencontres que vous avez faites. Quand vous êtes prêt(e), faites-moi signe, je lance l’enregistrement ».

Avec la solennité que le dispositif leur inspire, les enfants répondent sans ciller.  

Souvent, la réponse à la question est assez factuelle, réaliste, certains se perdent dans les détails de leur voyage, d’autres revivent avec joie un voyage fait avec leur famille.

Puis vient la seconde question, celle qui nous intéresse le plus.

« Merci beaucoup pour ce récit passionnant.

Maintenant, j’aimerais vous demander autre chose. Pourriez-vous me raconter le voyage de vos rêves, mais comme si vous l’aviez déjà vécu ? Commencez par vous présenter, mais cette fois, peut-être que vous avez un autre prénom, peut-être que vous n’avez pas 10 ans, peut-être que vous n’êtes pas en CM2, peut-être que vous êtes un aventurier.

Surtout, faites-moi rêver ».

Et là, on embarque pour le grand voyage. Les yeux brillent. La solennité est la même, mais l’invention est totale. On sent la jubilation de l’intérieur et c’est merveilleux.

Les questions s’enchaînent, selon les réponses des enfants :

« Pour vous, qu’est-ce que l’aventure ? »

« Si vous deviez faire passer un message à tous les enfants de la terre, qu’est ce que ça serait ? »

« Je sais que vous avez fait des rencontres extraordinaires pendant votre voyage, pourriez-vous me raconter l’une d’elle ? »

Chaque interview a duré entre 10 et 30 minutes, et les 35 enfants sont passés (sur plusieurs journées bien sûr). Nous avons donc des heures d’enregistrements, bouleversantes, hilarantes, regorgeant de fantaisie, très intimes malgré le caractère fictionnel de la plupart des voyages racontés.

Smeralda nous a raconté comment elle avait découvert que sa logeuse Japonaise était en réalité Isabelle Eberhardt.

Loan, au bord des larmes, a voulu transmettre un message à Bobby, un aigle royal rencontré dans les Pyrénées, mort quelques temps après leur rencontre.

Cassandra, d’une grande timidité, m’a raconté les voyages qu’elle avait été amenée à faire du temps où elle était présidente de la république.  

Pedro a déclaré que pour lui, "l'aventure, c'est s'inventorier au plus profond de soi".

Ce dispositif nous offert de vrais grands moments de théâtre. Les enfants ont trouvé cet endroit de l’invention pure et de la vérité.

« Ce que l’on fait n’est pas sérieux, mais il faut le faire sérieusement ».