Isabelle aux mille visages

15 février : J'ai toujours aimé errer, sous le costume égalitaire des bédouins

Publié par Pauline Murris

Journal du projet

15 février.

C’est le moment de passer aux choses sérieuses : cesser le grommelot, parler en français.

Maintenant que les enfants ont éprouvé certaines situations dans leurs corps, on peut passer à l’improvisation parlée.

Désormais, les joueurs évolueront dans « l’espace de jeu » (un grand carré délimité au gaffe noir), et les spectateurs resteront à l’extérieur, assis sur des chaises disposés pour former un public.

Nous apportons 5 éléments de costumes très simples, à forte dimension symbolique : un fez, une casquette de policier(e), 3 longs cheich colorés. Ainsi que deux accessoires : un petit enregistreur et un carnet de notes.

Les enfants sont ravis, et il y a comme un parfum de nouveau départ.

L’enjeu de la situation proposée est simple mais puissant : Isabelle Eberhardt, grimée en Mahmoud Saadi, débarque dans un petit village du Sahara pour interroger ses villageois. A l’aide d’un petit enregistreur et d’un carnet de notes, Mahmoud Saadi poursuit un travail de reporter et cherche à connaître la population locale. De leur côté, les villageois se prêtent au jeu et lui racontent la vie dans le désert. Jusqu’au moment où un policier arrive et met Isabelle en état d’arrestation. Il l’accuse d’être une espionne et lui reproche son vagabondage abusif. Isabelle se défend, le supplie de lui accorder sa liberté.

L’arrivée d’un(e) étranger(e), le travail d’enquête du journaliste/reporter, le rapport qu’entretiennent les forces de l’ordre avec la liberté et le vagabondage, la défense d’Isabelle Eberhardt… on creuse on creuse on creuse autant qu’on peut dans ces sujets qui nous sont chers.

Chacun personnage est joué sans distinction de genre, ce qui crée des situations de jeu intéressantes pour notre histoire (confusion entre le masculin/féminin de la part des joueurs, suspicion liée au genre…). C’est très beau de voir Isabelle incarné tantôt par un petit garçon, tantôt par une petite fille.

On expérimente différentes façons d’aborder la scène : leur souffler des idées, des phrases de textes, chuchoter à chaque personnage un enjeu secret qui ressurgira pendant la scène. On parvient à diriger les enfants sans qu’ils perdent en concentration grâce à un code volé au cinéma : « silence ça tourne », « pause », « action ».

Le jour suivant, après le traditionnel échauffement, le travail reste concentré sur cette grosse scène inépuisable : elle offre la possibilité de travailler dans le détail, de jouer des émotions fortes (la colère du policier, le sentiment d’injustice d’Isabelle Eberhardt, la défiance/confiance/peur chez les villageois), on invente différents dénouements. Les rôles tournent, les enfants prennent du plaisir à la répétition, au fait de creuser, approfondir. Sans le savoir, ils travaillent l’écoute, la présence au plateau et apprennent à « servir la scène ».