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Tu manges des lettres !!!!

Publié par Gaby Bazin

Journal du projet

Au tableau, j'ai écrit "Idées de titre" et j'ai laissé les élèves inscrire leurs propositions librement au cours de la séance. Ce titre est l'une des nombreuses suggestions relevées en fin de matinée.

Pour cette deuxième semaine, je suis venue chargée de nouveaux livres à montrer aux élèves, de 4 casses de lettres en plomb et de tout le matériel de composition typographique : composteurs, galée, aimants, interlignes, lingots...


Nous faisons l'inventaire de ce nouveau vocabulaire en regardant des vidéos d'archives de l'INA. On y voit de jeunes élèves de l'école Estienne perchés sur des presses, manipulant des feuilles de papier plus grandes qu'eux et composant à toute vitesse — un geste expert auquel les enfants vont s'essayer toute cette semaine.

La tenue du composteur, la manipulation des petites lettres avec des gants, la différenciation du n et du u, du b, du p, du q et du d, ou encore de la virgule et de l'apostrophe, mais aussi la difficulté de composer un texte doublement à l'envers (en miroir et tête en bas) et la perspective de tout faire tomber dans un moment d'inattention, feraient presque suer mes pauvres élèves à grosses gouttes. Mais on persévère, les voisin-es viennent en aide, on apprend erreur après erreur et on se découvre des talents de typographe.

 

"L’enfant qui compose un texte le sent naître sous la main ; il lui donne une vie nouvelle, il le fait sien. Il n’a désormais plus d’intermédiaire dans le processus qui conduit de la pensée ébauchée, puis exprimée, au journal qu’on postera pour les correspondants. Tous les échelons y sont : écriture, mise au point collective, composition, illustration, disposition sur la presse, encrage, tirage, groupage, agrafage.

C’est justement cette continuité artisanale qui constitue l’essentiel de la portée pédagogique de l’imprimerie à l’école. Elle corrige ce qu’a d’irrationnel en éducation cette croyance que d’autres peuvent créer pour nous notre propre culture. Elle nous raccroche aux gestes simples et primitifs, à ceux qui établiront les fondations sur lesquelles nous pourrons alors bâtir solidement."

Je regarde les élèves composer patiemment et les mots de Célestin Freinet ne me semblent pas avoir pris une ride. Là où échouent l'écriture manuscrite et le clavier de l'ordinateur, il n'y a vraiment que la typo qui permette de sentir le texte naître sous la main.

Cette semaine, nous rejouons les scènes hors d'âge qui illustrent les numéros de l'Imprimerie à l'École, ces photos en noir et blanc, floues et jaunies par le temps, montrant des enfants penchés sur des casses. J'en trouve des dizaines en écumant internet, ainsi que des écrits très techniques de Freinet. Il y détaille toutes les subtilités de sa méthode d'imprimerie adaptée aux enfants — décidément, il avait pensé à tout.