Exploration des liens entre littérature et paysage
Comment transformer un récit en forme abstraite? Les personnages d'une histoire peuvent-ils devenir une île?
Pour ma seconde semaine de résidence avec les élèves, j'ai choisi d'approfondir les liens qu'entretiennent la littérature et les arts visuels. Ils rechignent un peu au travail du texte, j'avais déjà remarqué cela lors de nos premiers ateliers. Mais je tiens vraiment à pouvoir leur faire apprécier la littérature, qu'ils se placent en tant que lecteur ou écrivain.
De la phrase à l'image
L'atelier du mardi consistait à la fabrication d’une affiche relatant un très court texte. Leur affiche devait délivrer un message - un récit fictionnel composé d'une ou deux phrases - à partir de formes géométriques simples et colorées. Dans un premier temps, nous avons lu ensemble toutes les propositions textuelles (elles étaient au nombre de cinq) et nous les avons décortiquées: combien de personnages l'histoire contient-elle? Que s'y passe-t-il? Où se trouve-t-on? À quel moment de la journée? Une fois tous ces éléments dégagés, ils se sont ensuite lancés dans la réalisation de leurs images, d'abord au brouillon puis dans la production finale.
L'exercice n'a pas été une mince affaire pour les élèves qui avaient tendance à vouloir représenter les éléments de l'histoire de manière figurative. Nous avions au préalable visionné des images des mouvements de l'Expressionnisme abstrait et du Suprématisme afin d'étudier les formes abstraites et leur utilisation dans la peinture. Je leur demandais donc de se rattacher à ce que nous avions vu avant d'entamer l'atelier et de ce qu'il pouvait ressentir en voyant une forme ou une couleur et de le transposer au contexte du récit choisi pour l'exercice. Il s'agissait également de s'approprier l'espace du support qui pouvait également être très significatif dans son utilisation (espacement de formes découpées, choix de l'orientation du format, etc.).
À la fin de la matinée, chacun d'entre eux avait fini son affiche. Nous avons pu remarquer de grandes différences dans la traduction visuelle entre les élèves ayant fait le même choix de texte. L'exercice, malgré les difficultés représentées par l'impossibilité de représenter le récit manière figurative, a été très bien accueilli par le groupe.
De la formation de la Terre jusqu'aux îles personnifiées
Pour continuer sur notre lancée, il me paraissait important d'expliquer aux élèves les liens que j'entretiens entre évolution du paysage, construction de la mémoire et littérature. J'ai donc choisi d'entrer dans le sujet par le biais d'un documentaire sur la formation de la Terre. Ainsi, à travers l'explication de la dérive des continents, du mouvement perpétuel des plaques tectoniques sous nos pieds, de la mémoire géologique contenue dans le paysage, nous avons pu aborder la relation entre la géologie ma pratique artistique. Une fois cette phase théorique terminée, nous avons entamés une seconde phrase de production.
Des personnages de roman comme autant d'îles d'un même archipel
Qu'ont en commun les personnages de L'écume de jours de Boris Vian et ceux de Pour un oui ou pour un non de Nathalie Sarraute? Tous sont des îles. Des entités reliées au reste de la société par l'eau qui les entoure, qui définit leurs contours et les séparent autant qu'elle les rattache aux autres.
D'après un extrait du roman de Boris Vian et un autre de la pièce de théâtre de Nathalie Sarraute, les élèves ont construit un archipel d'îles. En analysant le texte, comme pour le précédent atelier, nous en avons tirés des caractéristiques qui ont permis la construction de ce paysage fait d'argile peinte et d'un sol/fond en carton et papiers colorés.
Les élèves ont pris beaucoup de plaisir à aboutir ces textes en volume. Nous avions créé un répertoire de formes géologiques qui pouvaient dégager un sens particulier (la presqu'île, le volcan, l'isthme, etc.) afin de préciser la géomorphologie des îles représentant leurs personnages.
Au fil de ces semaines avec eux, nous précisons notre sujet en abordant petit à petit toutes les facettes qui le composent.
Prochaine étape: en mai, nous nous pencherons sur des exercices de rédaction textuelle et différents moyens de présenter un récit au sein d'une exposition!
