Depuis quelques temps, nous nous rendons régulièrement à l'Ecole Jules Ferry, dans les Yvelines. C'est une petite école entre ville et campagne, un bâtiment rectangulaire posé sur une cour rectangulaire bordée d'arbres en dehors. Nous travaillons ici avec une classe de CM2, vingt-cinq élèves avec lesquels nous voulons interroger l'espace, leur espace, celui de l'école, leurs circulations, pour arriver à terme à construire un parcours fictionnel, théâtral, qui détourne le quotidien, amène à interroger le corps, le regard et à déplacer le réel.
Nous faisons ici mention de nos premières interventions, celles des rencontres, des premiers échanges, de la découverte de la notion de parcours.
Quand on arrive, on est attendues, les élèves nous regardent, veulent savoir qui nous sommes et pourquoi nous sommes-là.
D'abord eux se présentent et puis nous, nous parlons de nos métiers. Tout de suite les discussions s'enchaînent, la curiosité, on s'interroge, ensemble.
Alison est auteure dramaturge ; elle écrit pour le théâtre, on se demande, ensemble, qu’est ce que le théâtre, qui le fait, où il commence. Les élèves participent, on parle des différents métiers et éléments du théâtre : comédiennes-comédiens, costumières-costumiers, éclairagistes, décors-scénographes, spectatrices-spectateurs. On détourne certains a priori.
Apparaît d’abord ce qu’il y a de plus visible, les travaux les plus visibles… puis les métiers moins exposés : auteurs, régisseurs… et enfin metteur en scène… On parle de lumière, de son, d'espace, de fiction. On se dit que le théâtre c'est peut-être une manière de raconter les choses différemment et qu'il y a beaucoup de manières de le faire.
Raphaële est architecte; elle dessine les immeubles qui les entourent, qui font la ville mais comment ? avec quels outils, quels supports ? avec qui ? pour qui ?… Les élèves discutent des types d’architectures possibles, sur les types d’espaces, intérieurs/extérieurs, sur les types de représentations, on parle ensemble. On leur parle du projet, du fait que nous avons envie d'explorer tout ça, à la fois la fiction et l'espace, qu'il n'y a rien de fixé et que les choses nous allons les faire ensemble en rapprochant ces deux univers vers un spectacle vivant, les rôles se déplacent un peu, vont se déplacer.
La leur. Ici nous sommes invitées, accueillies. Cet espace ils le connaissent par coeur, le parcourent chaque jour, y ont leurs habitudes, leurs recoins et ça nous semble important de partir de là. nous demandons à la classe entière de nous faire visiter leur école. Nous sortons tous de la classe - excitation, brouhaha, hésitation… par où commence-t-on, quel escalier prendre : il y en a deux. Deux escaliers qui bordent deux étages, un couloir etc. Des classes en enfilade. On interroge leurs habitudes, les règles de circulations. L'escalier, toujours le même pour eux. Le volume qui baisse à chaque étage. Certains ne parlent de toute façon pas dans ces couloirs, ils disent on ne parle pas seuls, souvent ils sont seuls dans ces lieux, surtout quand ils montent au 2eme étage, presque jamais. La classe est au premier. Nous descendons par l’autre escalier, presque le même mais à l’autre bout, nous allons jusqu’au RDC. Où pouvons-nous/voulons-nous parler plus haut, crier même ? Dans la cour, dans la classe parfois, à la cantine, dans l’espace ludique… Ils nous racontent ce qu'est l’espace ludique, ce qu’on y fait, par quels chemins on y accède. On leur demande si on a le choix des parcours. Le plus court ils disent. Sous le préau, ils nous racontent que souvent ils n'y restent pas, que ça manque de couleurs. Seulement quand il pleut ils disent. Ils préfèrent la cour.
Pour finir notre visite, nous leurs demandons de se placer là où ils ont leurs habitudes dans la cour. Au centre, les garçons dessinent un grand espace en courant. Sur les côtés, les filles nous montrent les bancs. On se dit que quelque chose se joue-là, déjà. A interroger.
Pour finir cette première phase de rencontre, nous proposons aux élèves deux phases de recherche. Pour la première, nous leur proposons de réaliser un plan de l'école, à leur manière en signifiant par une couleur l'endroit qu'ils préfèrent et pourquoi. Plusieurs types de plans ressortent, nous aident à savoir comment chacun d'eux conçoit l'espace, leur manière de hiérarchiser, de penser l'organisation. Certains font la classe très grande, ne dessinent qu'un escalier ou encore hésitent entre représenter la façade ou tout montrer à plat. Les espaces choisis peuvent aussi être surprenants, beaucoup en mettent deux, la classe, la cour, l'espace ludique majoritairement, sur un plan une toute petite zone coloriée, un sous-sol, anti-terroriste écrit à côté et "parce que je m'y sens en sécurité" comme légende. Là encore, les élèves nous déplacent.
Dans la deuxième partie de cette première phase de recherche, nous proposons aux élèves 5 groupes travaillant chacun sur un espace au travers d’un procédé cut-up : récupérer des sons, des images, des sensations, des couleurs, de l’espace et en faire un texte par montage, une sorte de cartographie du lieu, un portrait au "je" ou au "tu" où il s'agit de donner la parole à l'espace, sa mémoire, ce qu'ils nous voient faire.
Le but de ces premiers temps de recherche est avant tout de prendre du recul sur l'espace, quotidien pour eux, nouveau pour nous, que nous allons investir, de remarquer ce qu'ils n'y ont jamais vu. Un trou dans le mur qui raconte, une manière d'y circuler, s'interroger que le fait qu'un espace est forcément lié à ce que nous y faisons, à notre manière de s'y placer, s'y déplacer.
Les Ateliers Médicis seront fermés au public du 21 décembre au soir au 5 janvier inclus.