Les barrières-covid remplacées par une corde tendue à bout de bras

La "milice du covid"

Publié par Adèle Vanhée

Arts plastiques Sociologie Théâtre Scénographie, Philosophie, Arts du jeu

Lors du premier atelier de notre deuxième semaine de présence à l'école, nous parlons avec les enfants des règles de la cour. Très vite nous nous retrouvons à discuter des barrières qui séparent la cour en deux afin que les classes ne se mélangent pas pendant la récréation. C'est une nouvelle règle liée au contexte sanitaire qui vient se superposer aux règles habituelles. Nous essayons d'identifier ensemble qui l'a décidée : M. Bailly le directeur de l'école ? M. Castex le Premier ministre ? M. Véran le ministre de la santé ? Ou le Covid lui-même ?

Les enfants me racontent comment ces barrières ont modifié le fonctionnement de l'école. Ils·elles se plaignent notamment de la partie de cour qui leur a été attribuée : la plus petite surface, sous le préau. Certain·s rétorquent que c'est quand même avantageux quand il pleut, d'autres que c'est juste parce qu'ils·elles s'en lassent et qu'ils·elles préféraient alterner de temps en temps. Un dialogue s'installe sur les alternatives possible à cette contrainte qui leur est imposée.

Les barrières-covid remplacées par une corde tendue à bout de bras

Le jour suivant, récréation du matin.

Les barrières ne sont plus là. À la place, costumées en CRS à paillette, en médecins de l'espace, nous tenons une corde à bout de bras. Nous nous mettons à tourner lentement, en suivant les limites de la cour. Les enfants se déplacent en même temps que nous. Certain·e·s le font inconsciemment, tout en continuant de jouer ; d'autres, intrigué·e·s, passent au contraire leur récréation à nous observer. A mi-parcours, les classes ont échangé leurs espaces. Chaque classe réagit différemment. Ce n'est qu'à ce moment- là par exemple, lorsque la situation est symétriquement inversée, que les CP réalisent ce qu'il s'est passé. Ils·elles se mettent à courir dans tous les sens, trop heureux·ses de retrouver une partie de cour qui leur était inaccessible depuis plusieurs mois ! La règle est à la fois détournée et respectée : les élèves réinvestissent toute la cour mais restent séparé·e·s.

la "milice du covid"

Suite à cette intervention, nous échangeons avec les différentes classes sur la notion de règle implicite. Pourquoi n'ont-ils·elles pas passé la corde alors qu'aucune règle en ce sens n'avait été édictée ? Pourquoi n'étaient-ils·elles pas plutôt resté·e·s de leur côté de la cour comme leur demandent les maîtres et maîtresses habituellement ? Quels indices spatiaux et symboles d'autorité avions-nous mis en place pour les faire obéir inconsciemment à notre nouvelle règle ?