Intersection(s)

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Publié par Naomi Melville

Journal du projet

J’ai rencontré Gwladys Gambie, une autre artiste du programme Création en Cours, dès la fin du mois de février. Gwladys est martiniquaise, elle a 29 ans. Son travail porte sur la représentation du corps féminin noir, et je vous suggère d’y jeter un œil. Derrière la représentation de figures hybrides, anthropomorphes et naturelles à la fois, elle joue sur beaucoup d’éléments de langage, de vocabulaire propre au créole martiniquais, et cela ne peut que m’intéresser. Je souligne l’adjectif martiniquais, car Gwladys me le confirme : elle ressent un certain nombre de différences culturelles ici, par rapport à la Martinique, alors bien que ce soient deux anciennes colonies entièrement françaises, conquises à une époque relativement similaires, soumises aux mêmes problématiques (et problèmes) post-coloniaux. Je vous laisse donc imaginer ce dont je n’ai pu moi-même découvrir le centième : la richesse et la variété des attitudes, des senteurs, des cultures, des mentalités, des mets, des propos, des Petites Antilles, notamment celles ayant pris leur indépendance ou étant gouvernées par deux pays différents (je pense à Saint-Martin, mi-française, mi-néerlandaise). Je me suis mise à dessiner en partie parce que j’ai vu Gwladys le faire ; parce qu’étant sa pratique principale, elle y consacrait une grande partie du temps alloué à sa résidence ; parce qu’elle le faisait avec beaucoup plus de liberté que moi avant de partir, et parce que cette liberté, je me suis rapidement sentie plus libre de la prendre.

Ainsi, il y a eu des croisements, des rencontres, parfois pour parler travail, parfois pour travailler ensemble, pour discuter de sujets plus ou moins sérieux. Dans tous les cas, lorsque nous nous sommes montrés nos travaux en cours d’évolution, nous y avons trouvé des similarités, alors qu’initialement, ils sont très éloignés. C’est donc ensemble que nous avons proposé à la DAC Guadeloupe d’organiser une restitution finale, aussi parce qu’il s’agissait de marquer la fin de ce temps de travail, d’organiser les éléments produits et de les rendre montrables : c’est important.

Après plusieurs propositions et recherches engagées par la DAC, le lieu qui s’est révélé le plus approprié et disponible a été la Maison du Patrimoine. C’est une vieille maison créole restaurée, qui permet d’avoir un aperçu de ce qu’a pu être la ville de Basse-Terre dans des années plus heureuses. J’en profite pour faire une parenthèse. La ville de Basse-Terre, ancienne capitale économique, demeurant la capitale administrative, a été désertée suite à un violent cyclone en (1994 ?), et surtout, suite à l’éruption de cendres de la Soufrière, le volcan se trouvant au-dessus de la ville, en 1976. La population avait alors été évacuée durant plusieurs mois à Pointe-à-Pitre. Bien que cette dernière soit également pauvre et que certains de ses quartiers soient infréquentables à pied de jour comme de nuit, Pointe-à-Pitre, de part sa localisation – entre les deux îles de la Guadeloupe – et sa proximité avec la plus touristique et la plus jeune, celle de Grande-Terre, demeure plus attractive pour les jeunes. Basse-Terre abrite de nombreuses grandes maisons créoles entièrement en ruine, leur propriétaires étant décédés et les descendants de ceux-ci n’ayant pas été retrouvés, ou n’étant pas en mesure de reprendre la propriété. La maison du patrimoine a été restaurée dans le but de montrer ce que pouvait être une de ces maisons habitées et entretenues, et vaut à la ville le titre de Ville d’Art et d’Histoire. Bleue de l’extérieur, charpente apparentes caractéristiques des maisons créoles, avec un jardin intérieur et des murs épais préservant la fraîcheur, je vous en présente quelques photographies, habitée par notre exposition.