Chaque enfant a écrit et gardé sa version de l'explication du mystère du film

Début mars : Écriture du scénario

Publié par Julien Breda

Journal du projet

Nous abordons la phase d’écriture du scénario à partir de la trame narrative qui s’est construite entre notre proposition de départ et les apports des élèves (idées, images, sensations, discussions).

Nous n’écrivons pas de manière linéaire. Comme nous souhaitons aborder le film comme un objet visuel avant tout, nous préférons écrire de manière fragmentaire pour construire sa cohérence progressivement. Nous écrivons les scènes comme un découpage technique. C’est ainsi que nous abordons dans un premier temps la fin du film qui n’était pas encore clairement définie.

Nous souhaitions que la fin du film souligne le basculement des enfants vers une forme de violence, d’une absence de politique qui complique leurs relations dans le film à la manière de ce que nous avions vu dans "Sa Majesté des Mouches", où les enfants manquent de s’entre-tuer quand les adultes reviennent juste à temps.

C’était travailler sur cette idée philosophique sous-jacente qui oppose toujours nature et culture. Les enfants seraient donc devenus sauvages, ils auraient trouvé une force primitive, animale, tout en perdant un peu ce qui faisaient d’eux des enfants « civilisés ».

Aujourd’hui, c’est bien l’inverse que nous souhaitons écrire. Les élèves nous ont marqué par leurs rapports très concrets à la nature et leurs réflexions sur l’écologie stimulées par l’école et leur institutrice. Un lapin occupe la salle de classe dont les élèves s’occupent à tour de rôle pendant les récréations (nettoyer, remettre de la paille) et certains se revendiquent du véganisme. Il apparaît que la nature est de moins en moins considérée comme une notion qui s’opposerait au progrès et la modernité.

 

Les idées que nous ont transmis les enfants influencent les nôtres

Nous pouvons donc envisager une autre fin, qui esthétiquement et politiquement est plus intéressante pour nous. Les enfants retournent à la nature après avoir tenté de reproduire le monde tel qu’ils le concevaient avec les adultes. Ils quittent progressivement l’école pour se diriger dans une forêt afin de mieux se retrouver, en respectant leurs différences respectives.

Les scènes dans lesquels les enfants tentent de s’organiser n’ont pas beaucoup changées depuis décembre.

En revanche, les différents caractères des personnages imaginés par les enfants nous permettent de trouver des actions spécifiques pour les futurs comédiens. Nous pouvons même déjà imaginer le casting en visualisant tel élève disant telle phrase.

Comme nous ne cherchons pas de réalisme, c’est la manière dont les élèves seront placés symboliquement dans le décor qui racontera un état physique plus qu’un état psychologique.

Débat
A l'image d'une vraie discussion en classe, comment la transposer à l'image

Quelques scènes reposent sur un débat d’idées où les enfants s’organisent autour de certaines valeurs. Nous n’allons pas écrire les dialogues de ces discussions. Les élèves vont improviser à partir d’un canevas, que nous répéterons avant de le filmer en direct. Nous souhaitons ainsi que les élèves soient au plus près de leurs mots, de leur manière de dire et de raconter. Il y aura donc un aspect documentaire dans ces prises.

Impossible après nos premiers ateliers de pas voir que l’architecture de l’école nous a influencé dans l’écriture puisqu’elle devient le décor de nombreuses scènes. L’école devient le centre de ralliement des enfants après s’être rendus compte que les adultes n’étaient plus là. L’école où ils vont tenter de s’organiser, métaphore du politique qui ne demande qu’à l’école de former ses futurs citoyens. Faire jouer les élèves dans leur propre école, c’est aussi une façon esthétique de se réapproprier un espace autrement que pris dans son quotidien.

De manière générale, il y a une absence volontaire de dialogues trop conséquents dans le scénario. D’une part, pour éviter tout réalisme psychologique afin que le film tende vers le mouvement, le geste et la danse dans certaines situations. Deux scènes reposent sur une chorégraphie que nous allons répéter dans les prochains ateliers.

Notre film est expérimental et transversal, le scénario s’équilibre entre des scènes écrites classiquement, d’autres qui reposent sur de l’improvisation, et d’autres encore très chorégraphiées