Vue de Pesmes, L'Ognon sort de son lit.

#1 De l'eau, de l'encre, et des rencontres.

Publié par Louise Ternat

Nous sommes au tout début de février et pour la première fois de ma vie je pose mes pieds en Franche-Comté.

Le ciel ne cesse de couler, la rivière est sortie de son lit et les champs sont inondés. Cela confère un romantisme à ce paysage inconnu qui se déploie sous mes yeux. 

Nous sommes lundi matin. Arrivée la veille, je découvre aujourd'hui le pôle scolaire de Dammartin-Marpain. Je fais la connaissance de Laurent et de Benoît, les instituteurs de la classe de CM1/CM2, avec laquelle je partagerai mon projet. 

L'équipe est très chaleureuse et l'école est emplie de bonnes ondes. J'ai la chance incroyable d'avoir une salle à ma disposition, au sein de laquelle je réaliserai mes ateliers de l'après-midi avec les enfants. Le reste de la journée, je pourrai y travailler sur mon projet personnel de conte. Il y a d'ailleurs une belle pile de livres sur le bureau : Laurent a emprunté divers ouvrages à la bibliothèque, sur les contes jurassiens et francs-comtois. 

Durant mes semaines jurassiennes, mon planning sera ainsi fait : le lundi après-midi en classe collective, et les mardis, jeudis et vendredis après-midi, ateliers par petits groupes.

Il me tardait de faire la connaissance des enfants et je suis ravie de les avoir enfin devant moi. Ils me tendent leurs petits visages masqués pendant que je présente qui je suis, ce que je fais, et ce que nous allons réaliser ensemble. 

Je leur ai accroché quelques-uns de mes dessins personnels au tableau : mes planches de bande dessinée, mes portraits d'animaux en costumes Renaissance. Je leur montre également mes carnets de croquis. Passées les cinq premières minutes de timidité, les enfants se mettent déjà à me poser plein de questions ! 

Je leur parle ensuite de notre projet artistique. Je leur explique que nous allons travailler sur les chimères légendaires, et que je leur transmettrai durant nos ateliers les techniques plastiques que j'affectionne. Je leur partage également le projet personnel que je réaliserai en parallèle, tout au long de la résidence, et qui fait écho à notre travail commun, à savoir l'écriture et l'illustration de mon propre conte. Cela fait beaucoup d'informations d'un coup mais je sais que j'aurai l'occasion de revenir sur tout cela plus tard.

Allez hop ! On fait un petit jeu. Je leur ai préparé différents visuels de chimères, que je projette au tableau. Les enfants savent déjà ce qu'est une chimère (une créature fantastique hybride), mais sauront-ils deviner de quels fragments chaque créature est composée ?  Cet exercice oral et collectif est très simple, mais c'est surtout l'occasion de leur présenter des créatures inconnues. On commence avec la chimère mythologique, les sirènes (mi-poissons, mais également mi-oiseaux) et le griffon... jusque-là, facile ! Puis je leur montre des créatures japonaises : le Kappa, Ushi-Oni, Amikiri. Il y a aussi le Liéchi issu de la mythologie slave, intéressant pour son hybridation Homme/végétal. 

Vient ensuite la récompense : je leur offre à chacun un carnet de croquis. Chacun reçoit le même, un peu plus grand qu'un A5 et très dense : il possède beaucoup de pages pour ôter la peur de se rater ! Je leur explique l'importance d'un carnet tout au long du processus créatif. Moi aussi j'ai le mien, consacré au conte, et je leur montrerai l'avancée de mes recherches personnelles tout au long de cette résidence. Seules consignes du carnet : ne dessiner que sur notre thématique commune (les créatures, les monstres, les légendes), éviter la gomme et surtout, ne pas déchirer de pages ! Il est important de dédramatiser le carnet.

Cette première séance est riche et il ne nous reste plus que trente minutes ensemble. Je termine avec un petit atelier de dessin ; à présent que chacun a son carnet, nous pouvons l'inaugurer ! 

Là encore, l'exercice est simple, et m'aide à jauger le niveau de dessin des enfants. Je leur distribue un référentiel de diverses créatures ; à eux de puiser dedans, de redessiner au crayon différents fragments (la tête de celui-ci, les jambes de celui-là), afin de recomposer une nouvelle chimère imaginaire.  Le fait d'avoir un support rend tout de suite les dessins des enfants très riches par leurs formes et leur graphisme. 

Je suis heureuse de ce premier échange et très fière de leurs productions. 

 

Le lendemain, ainsi que le jeudi et le vendredi, je retrouve les enfants par groupe de neuf environ, dans la salle d'atelier annexe. Le moment est privilégié et le fait de se retrouver en petit comité nous permet de mieux apprendre à nous connaître. 

Cette semaine, c'est atelier encre de Chine. Les enfants reprennent les dessins réalisés le lundi dans leur carnet, afin de les reproduire en A3 à l'encre et au pinceau. Beaucoup n'ont encore jamais fait d'encre et je suis heureuse de pouvoir leur partager cette technique. 

Il n'est pas évident de reproduire un dessin sous un autre format, et encore moins en modifiant sa technique. Pour autant, les enfants s'en sortent très bien et je suis épatée par leurs dessins !

 

Je repars le vendredi, après l'école. Mon dernier jour s'achève comme le premier a commencé, sous la pluie. L'eau m'aura accompagné durant toute cette semaine, contribuant à la rendre douce et apaisante, et je crois qu'elle m'a porté chance.

 

Atelier Fragments de créatures

Du crayon à l'encre de Chine !