Je veux créer une radio en ligne sous forme de différents podcasts. Les différents textes, émissions, pièces sonores nous entrainent dans un espace poétique imaginaire inspiré de ce qui m'entoure, d'un quotidien, du paysage.
La Radio « l' idéale » a des voix multiples. Les textes abordent le quotidien, le positif, être négatif, transforment les paysages. À travers des émissions, des interviews, des météos en cascades, on nous révèle un nouvel espace, un nouveau lieu. Un espace poétique, où tout est possible.
La musique est présente, parfois des voix chantent. Les paroles, les voix, nous entraînent dans un monde abstrait où la publicité pourrait presque prétendre au sonnet.
Je veux que cette radio prenne des formes multiples, d'une chanson inventée au jingle entraînant. C'est tout un univers sonore qui se développe, sans limite. Elle s'empare de notre quotidien.
Tous les jours un différent post est proposé, parfois plusieurs.
Pour la promouvoir je réaliserais une série d'affiches composée de phrases extraites des émissions de la radio, des phrases au slogan d'un monde parallèle. Une série réalisée à la main, où chacune est unique, et une autre sous forme d'édition à plusieurs exemplaires.
La question de « l'unique » est très importante dans mon travail plastique notamment car elle est rare dans le monde de l'édition littéraire. Je cherche sans cesse de nouvelle forme pour rendre une phrase unique. C'est une question que je souhaite également développer dans la radio «l' idéale ».
Toute cette expérience de post, toute la vie de la radio deviendra un roman sonore.
« «Je suis prise d’un puissant besoin de marcher, affûter ces idées en pointe pour diviser même les pores. Il pleut des cordes et c’est tant mieux. Je prends comme seul compagnon le Grand Parapluie rouge qui s’invente des motifs au contact de l’eau. C’est sa façon à lui de montrer son émotion, comme nous quand nous rougissons. Nous partons donc tous les deux troublés chacun pour ses raisons propres.
Je marche plutôt vite, en regardant vers le sol, alternant les coups d’œil sur les différends revêtements et sur mes pieds qui se soulèvent sur une ligne droite imaginaire. Après une dizaine de minutes de déambulation au hasard des bétons, j’arrive dans une impasse pavée qui m’est familière. Je m’arrête. La pluie a cessé juste au-dessus de ma tête.
Il se passe quelque chose. Devant moi, dans l’impasse vide d’homme, les oiseaux tombent des toits. Je m’avance doucement, avec vigilance. Que pourraient-ils voir de là-haut qui les perturberait tant ? L’un d’eux tombe et se coince dans mon parapluie fermé. Il est un peu assommé mais se met quand même à paniquer à coup d’ailes. J’essaye de le dégager sans le blesser. Il se débat et plante ses grands yeux jaunes dans les miens. C’est un mâle. Il a tout d’une mésange mais ses plumes sèment le doute. Elles sont d’un noir profond où le regard s’enfonce et le corps s’alourdit. D’un côté à l’autre de son bec s’étend une fine ligne rouge. Elle lui dessine une moustache, encadrée par deux lettres « O ».
Il reprend ses esprits, et s’envole précipitamment. Il laisse derrière lui une plume et un mot égaré qui s’étale dans le parapluie encore plus ému. Quand il s’en aperçoit, il fait aussitôt un demi-tour ultra serré. Mais il est déjà trop tard, je suis à la deuxième phrase de son mot, son paysage secret. Dégoûté il rebrousse chemin en dévoilant une longue langue effilée, ornée de petits crochets et pousse un court cri grave. Je finis lentement son mot sur le parapluie. Je regrette de ne pas avoir une carte pour me rendre dans ce paysage.
Le roi du désert
Le temps s’écoule dans les humeurs du désert Extraversion. Il n’y est pas linéaire. Le désert Extraversion s’étend sur plusieurs milliers de kilomètres enroulés sur eux-mêmes. Le climat y est tendancieux et torride. Le désert Extraversion est bouleversé par des vents chauds bouillants.
Il est chatouillé par des pluies sensibles, curieusement lumineuses. Au sol, le sable finement glacé teinte et vole sur les herbes désespérément enflammées.
Ce désert s’excite la nuit.
Dans le désert Extraversion il n’existe que deux espèces de fleurs. L’une est rose pâle et haute de trois mètres, la fleur est inaccessible. L’autre est grise et pousse vers le cœur en feu, dans la terre elle-même. La fleur est inaccessible.
Trois hommes sanguins habitent le désert Extraversion. Ils ne se voient pas entièrement. Se croisent souvent. Ne se sentent jamais. Ils évoluent parallèlement dans les humeurs du désert Extraversion.
L’un d’eux a le sang vermeil,
L’un d’eux a le sang épais et noir,
L’un d’eux a le sang frais,
Tous ont le sang froid.
L’homme de glace vit avec un corps sous la neige. Sa température corporelle n’atteint jamais zéro degré Celsius.
Ses traits du visage détendus et figés sous-entendent les sourires. Il est continuellement en état de calme.
Sur lui, les vents chauds deviennent des brises glacées... »
« Un héron sort de derrière les écrans. Il est de profil, pour tout le monde.
Il est en deux dimensions.
Il s’avance comme sur le devant d’une scène, en en faisant des tonnes.
C’est un héron cendré géant.
Il chie, puis reprend sa marche. Ses pas sont longs et légers, la patte droite traînant légèrement. Il sépare l’espace en deux, d’une ligne humide. Il s’arrête une fois arrivé au bout.
Il rentre sa tête. Devient 3D. Il guette le sol, observant un cours d’eau.
Personne n’ose bouger. Un deuxième héron arrive. Il bombe le torse tellement haut qu’il ne voit pas la merde de l’autre. Il marche dedans. Et comme si de rien il recouvre la première ligne en traînant sa patte souillée.
Les deux hérons sont maintenant côte à côte, dans la même position. Ils fixent une tache sur la moquette.
Les hérons se nourrissent de petits batraciens et dans de rares cas de vi… Un oiseau crie au micro. C’est un paon imitateur amateur « Héon, Héwon, Héwon, Héwron… »
Les deux hérons se regardent, ils se marrent. On entend un bruit significatif de bagarre, plusieurs battements d’ailes et de queues. Un autre oiseau a pris la place au micro. Virant le paon et son bazar. Il se fait de la place, nettoie une portion d’espace pour sa prise de parole. Des bruits de feuilles parviennent dans la salle.
Les hérons sont en mouvements, ils s’étirent. Ils démarrent leur marche de la même patte. Ils avancent ensemble dans une chorégraphie empruntée aux rythmes ardéidés.
Ils s’envolent et disparaissent derrière les écrans.
L’oiseau se racle la gorge, ça résonne.
Des plumes s’échauffent.
Un court silence.
« 59, 59, 59 »
puis il brait pour le plaisir/la frime. »
Sarthe
Par le(s) artiste(s)