«Si depuis 500 millions d’années la Terre a connu cinq grandes phases d’extinctions d’espèces, la sixième – en cours – est bien plus rapide et l’homme y est pour beaucoup», Le Monde. "Projection sauvage" s’appuie sur cette réalité pour proposer un projet d’affiches imaginant des situations naturelles à l’inverse de cette extinction, des situations utopiques où la végétation et les animaux reprendraient leurs droits. Ce projet, in situ, s’intéresse à l’environnement autour de l’école en s’inspirant du caractère patrimonial des lieux. Soucieuses des enjeux écologiques mais aussi de notre environnement graphique, l’affiche nous permet de développer notre pratique artistique tout en faisant passer un message sociétal, sans céder aux émotions primaires, comme la peur, que peut utiliser la publicité pour attirer l’attention sur le sujet. Pour nous, la place de l’affiche, avant d’avoir été détournée et/ou réutilisée par les artistes dans d’autres contextes, est avant tout dans la rue. Nous voulons questionner les principes de communication en nous interrogeant sur ce que peuvent être les formes possibles qui permettent de sensibiliser le grand public. Les images seront composées de photos ainsi que de dessins et accompagnées par des textes courts provenant d’un travail d’écriture mené avec les enfants. Nous souhaitons travailler, si possible, non seulement avec l’équipe pédagogique mais aussi avec la municipalité afin de réfléchir à des moyens d’exposition dans la ville. Une édition documentant la démarche et le travail sera produite en parallèle du projet. Un jeu d’aller-retour entre notre travail en duo et celui des enfants sera mis en place. Nous leur apporterons notre savoir-faire technique et culturel et nous pourrons nous nourrir de leur vision du projet. Nous souhaitons les initier à la composition d’image, à la photographie, à la reliure et à la sérigraphie, en ayant comme objectif principal de leur donner les outils pour apprendre à s’exprimer, à être auteur.
«Si depuis 500 millions d’années la Terre a connu cinq grandes phases d’extinctions d’espèces, la sixième – en cours – est bien plus rapide et l’Homme y est pour beaucoup», Le Monde, 2 novembre 2016.
Projection sauvage s’appuie sur cette réalité pour proposer un projet d’affiches sur l’environnement autour du collège ou de l’école, en imaginant des situations naturelles à l’inverse de cette extinction, des situations utopiques où la nature reprendrait ses droits.
Il nous semble que raconter une histoire est un bon moyen de rencontrer un public large. De plus, c’est un très bon stimuli de création pour les enfants. Pour contraster avec cette réalité, nous proposons donc de partir sur une histoire utopique où les espèces animales et végétales que l’on connaît évoluent, se transforment, dégénèrent et envahissent l’espace urbain. D’anciens types de plantes refont surface, longent les murs, apparaissent entre les fissures du bitume, remplacent les forêts connues, s’animent dans des endroits incongrus. Et c’est sans compter sur l’arrivée massive de nouvelles espèces animales qui va avec ce renouvellement végétal, tous ces animaux en pagaille reprennent leurs droits et se créent de nouveaux territoires.
En s’inspirant du caractère patrimonial du lieu, nous souhaitons imaginer, à travers le médium de l’affiche, en conciliant «message de communication» et expression artistique, une situation utopique de l’environnement autour de l’école ou du collège. C’est une manière pour nous de réfléchir aux enjeux écologiques contemporains sans céder aux émotions primaires, comme parfois la peur, que peuvent utiliser la publicité pour attirer l’attention sur le sujet. Au contraire, nous voudrions questionner les principes de communication, nous interroger sur ce que sont les formes possibles aujourd’hui qui, sans plagier les moyens de communications publicitaires, permettent de créer des affiches attirantes pour un grand public.
Nous nous demandons s’il est possible, par des formes «esthétisantes», par des paysages de nature fantasmée, un peu à la manière du Douanier Rousseau, de parler d’un sujet actuel qui nous semble préoccupant et d’interpeller sur des questions d’écologie.
Dans le roman de Rick Bass, "Le ciel, les étoiles, le monde sauvage", l’ours et le trappeur ne font qu’un. Cet écrivain écologiste convaincu, cherche dans ses romans à convaincre davantage par la beauté que par l’injonction en nous entraînant dans des univers sauvages et merveilleux. Il nous persuade ainsi de l’importance d’une conscience écologique en nous rapprochant au plus proche de la nature et en nous la rendant si intime qu’on ne peut y être insensible.
Nous aimerions aussi nous inspirer de la manière dont Jérome Bosch multiplie les micro-narrations et crée des représentations surréalistes du monde végétal et animal. Il nous fascine par ses scènes de nature stupéfiantes, hallucinatoires et hypnotiques. Ces images fantasmées et métamorphiques permettent au spectateur de s’immerger totalement dans son monde fantastique. Nous pensons qu’une bonne piste pour notre projet peut être un axe de création porté sur l’étrange, sur le mystère, un peu à la manière d’Eugène Gabritschevsky et de ses créatures insaisissables. Aussi, le décalage que Walton Ford produit entre représentations naturalistes impeccables et humour grinçant dans ses peintures nous plait beaucoup, ainsi que la précision qu’Albertus Seba donne aux représentations de son cabinet de curiosités.
Un lien étroit entre hommes et animaux est visible tout au long de l’histoire de l’art. Les animaux intriguent les hommes car ils peuvent être perçus, d’après Miguel Branco, plasticien portugais, comme «ce que l’on ne pourra jamais être, ce que l’on ne pourra jamais comprendre». Il rajoute dans un article paru dans Connaissances des Arts que «l’animal est autre absolu, une présence cryptée». Cette vision du monde animal nous intéresse car elle questionne le fait que, depuis toujours, les humains cherchent à s’identifier aux animaux. Ou à l’inverse, les artistes ont souvent personnifier les animaux. Dans cette lignée, la représentation animale semble être encore aujourd’hui un moyen de création à explorer.
Il nous parait aussi important d’accompagner ces visuels par du texte. Nous envisageons pour cela de commencer le projet par un travail d’écriture avec les enfants, en binôme avec leur instituteur ou professeur, afin de réfléchir ensemble aux enjeux écologiques de "Projection sauvage". Nous nous chargeons par la suite de mettre en forme graphiquement leurs discours par de la composition typographique. Ces affiches permettent de faire la médiation entre la parole des enfants et le public extérieur.
Dans plusieurs de nos projets passés, nous avons expérimenté des principes participatifs car nous aimons particulièrement le fait de travailler avec des interlocuteurs variés. Dans cette lignée, nous aimerions que "Projection sauvage" se construise en lien étroit avec l’équipe pédagogique qui pourra profiter de cette occasion pour développer, par exemple, des sujets en biologie sur l’écologie. Il est important pour nous que notre travail et la production des enfants se mêlent à certains moments du processus. En effet nous souhaitons apporter techniques, cultures et ressentis de nos expériences aux enfants mais nous aimerions aussi que les échanges créés avec eux permettent d’enrichir notre propre production. De plus, nous souhaiterions aussi développer un dialogue avec l’équipe municipale ce qui nous permettrait d’approfondir des recherches patrimoniales afin de nourrir notre projet. Nous pourrions aussi réfléchir avec eux, si possible, à des endroits d’accrochage de nos affiches dans la rue.
Le fait que nous proposions ce projet en duo et non chacune de notre coté s’inscrit dans cette même démarche créative collaborative. Nous avons remarqué que notre pratique se nourrissait de ce travail en commun, que le fait d’être à deux plutôt que seules permettait d’améliorer notre sens critique et de nous renouveler d’autant plus dans nos choix formels. Nous voudrions transmettre ce goût de l’échange aux enfants, car pour nous, l’école aujourd’hui doit être le premier endroit où l’on apprend le «vivre ensemble», le «travailler ensemble».
Cela rejoint le fait que l’une comme l’autre, nous avons abordé ces questions de dispositifs créatifs participatifs et interactifs lors de l’écriture de nos mémoires durant nos études aux Beaux-arts de Rennes.
Dans son mémoire "Expériences de lecture pour un lecteur-acteur, du livre papier au livre connecté", Julie s’intéresse aux objets éditoriaux sollicitant la participation du lecteur. Des objets proposant des espaces participatifs, au même sens que les œuvres en mouvement dans le livre "L’œuvre ouverte" de Umberto Eco. Ses objets d’études vont du livre papier aux objets de lecture connectés, à la fois physiques et numériques. Elle a ainsi étudié les expériences d’interaction qu’il peut y avoir pour le lecteur à travers ces objets. Riche de cette réflexion, elle pense aujourd’hui que l’avenir de ce type de lecture interactive réside dans la création de nouveaux dispositifs qui sortent de la forme du livre papier.
Jeanne a, de son côté, écrit un mémoire s’intitulant "Échapper à l’emprise du logo grâce aux identités visuelles relationnelles ?" où elle aborde la question des identités visuelles relationnelles, c’est à dire génératives, interactives et participatives. Elle cherche à décrypter si ces principes sont réellement applicables dans ce contexte d’identités visuelles où s’ils ne sont utilisés que de manière superficielle pour des besoins marketing. Il semble, en conclusion du mémoire, que si l’on veut explorer des principes relationnels en création, il est plus aisé de se placer dans un contexte hors commande et de produire des principes participatifs dans le cadre de créations artistiques.
Dans notre travail, il nous semble intéressant de chercher à questionner, à redéfinir la barrière entre initiés et non-initiés. Comme le dit Annick Lantenois, théoricienne du design graphique, dans son livre "Le Vertige du funambule" : «participer, contribuer, accompagner : le choix de ces verbes n’est pas anodin. Il s’agirait de concevoir des projets où la subjectivité des choix du designer ne soit plus le seul référent, ne détermine plus la seule forme à donner aux dispositifs. Cela suppose d’accepter de sortir du statut que la culture dite «savante» assigne au designer graphique, celui d’artiste ou d’auteur quasi-exclusif des projets.»
De plus, le sujet d’étude de "Projection sauvage" nous tient à cœur car il aborde des questions d’écologie. Sensibles depuis longtemps aux alternatives possibles en matière de consommation biologique et de proximité, Jeanne a confectionné une série d’affiches pour le Marché Éphémère de l’AMAP de la ville d’Arcueil en 2015 et 2016. Elle a aussi réalisé un reportage écrit et photographique en 2014, sous forme de journal, chez des exploitants agricoles bio avec qui elle a abordé de nombreuses questions sur l’organisation du travail, la gestion financière et surtout la vie au sein d’une exploitation. Pour sa part, Julie a réalisé des supports graphiques pour Rennes des bois, association rennaise proposant des alternatives pour
un mode de vie durable et responsable, au sein duquel elle est bénévole depuis 2014.
Eure-et-Loir
Par le(s) artiste(s)