Bang Bang est un projet documentaire qui essaye de comprendre l'impact de la violence dans les médias sur des enfants. De la pop culture en passant par les actualités, quelle est la distance critique qu'ont les enfants face à la surconsommation d'images toujours plus sensationnelles ? En comparant les dessins animés qu'ils regardent aux actualités, j'aimerais créer avec les élèves un documentaire animé, basé sur leurs propres dessins et voix, qui analyse leur compréhension du monde actuel et leur interprétation de la violence à la télévision.
Une étude publiée dans le British Medical Journal en 2014 révélait que la plupart des dessins animés pour enfant sont plus violents que la plupart des films pour adultes. Cette étude s'appuie notamment sur une analyse des films Disney, où au moins un tiers des héros font face à la mort tragique d'un de leurs parents. Plus globalement, il n'est pas rare de voir dans les films et séries animées pour jeune public que la violence peut être traitée comme étant l'unique recours pour résoudre un conflit . Qu'elle soit abordée de façon dramatique ou bien comique, c'est bien souvent une violence édulcorée et exubérante qui apparaît à l'écran et dont les conséquences réelles sont rarement exposées. Les enfants dès leur plus jeune âge sont donc habitués à cet étalage de violence banalisée ; bien qu'ils soient conscient de la différence entre la fiction et la réalité, ils n'ont pas toujours la distance critique nécessaire et la possibilité de « digérer » ce qui peut créer chez eux des émotions et comportement négatifs. Mais les enfants ne regardent pas que les programmes qui leur sont destinés. Ils peuvent voir souvent, à leur insu ou non, une partie des informations télévisées. Ils sont donc à priori conscients de l'actualité du monde, de la guerre, du terrorisme, et n'apprécient probablement pas Donald Trump. Ce qui m’intéresse ici, c'est de comprendre à quel point ils connaissent les tenant et les aboutissants de cette réalité qui se rapproche d'eux : quelle est la barrière entre la fiction et le réel ? Leur perception des évènements est-elle manichéenne? En effet, comment expliquer aux élèves que cette violence cartoonesque n'a pas lieu d'être dans le réel quand au même moment, le dictateur Nord-Coréen envoie des missiles en guise de cadeaux ironiques au président des États-Unis d'Amérique ? Comment expliquer qu'il n'existe pas un grand méchant loup quand les politiques et les médias accusent l'islam de tous les maux ? Comment faire comprendre que ceux qui devraient être nos justiciers, veiller sur nous, brutalisent les personnes racisées et les manifestants ? Bang Bang ! se veut être un dialogue sur la violence et la compréhension du monde, à travers le prisme de la pop culture et le regard des enfants, afin de questionner notre propre rapport aux images télévisuelles, notre voyeurisme face au sensationnalisme et la banalisation des discours et des actes de haine dans les médias. Je me suis posée la question de l'impact de la violence auprès des enfants après le récit d'une amie qui travaille avec les enfants d'une école parisienne. Elle me raconta qu'une petite fille dont la maman avait perdu une jambe après avoir été victime des attentats du 13 novembre avait cru un de ses camarades qui lui avait raconté que « la jambe de sa maman allait repousser ». Les enfants parisiens à ce moment là, avant la suite d'attentats qui ont suivi partout en France, ont été propulsé dans une horreur qui était si proche d'eux que la fiction et la réalité s’entremêlaient. Je me suis demandé comment les adultes géraient le récit de cette tragédie auprès des enfants. Cet exemple montre que les enfants peuvent intégrer leur propres croyances et fantasmes lorsque les évènements sont hors de porté, comme cette petite fille qui a pensé que sa maman redeviendrait « comme avant ». J'aimerais travailler en commençant certaines séance à partir d'une séquence vidéo traitant d'un sujet d'actualité sur la violence. Il s'agira dans un premier temps de comprendre les préjugés des enfants face à ce qu'ils regardent, puis d'expliquer clairement cette séquence à l'aide du professeur, à la suite de quoi je souhaite demander aux enfants de faire leurs propres interprétations graphiques (dessins, peinture et collages) et littéraire (poème, discours...) de ce qu'ils ont retenu. Un parallèle sera toujours fait avec les dessins animés qu'ils regardent pour y voir comment la violence peut inspirer les programmes pour enfant. En ajoutant leurs interviews, leurs questionnements et leurs réflexions sur la façon dont ces images peuvent ou non jouer un rôle dans leur vie, puis en animant leurs travaux graphiques et en réunissant les différentes thématiques j'en ferais ainsi un documentaire animé reprenant les codes du cartoon.
Aube
Par le(s) artiste(s)
Par les participants