Si on changeait d'identité à volonté

Si on changeait d'identité à volonté

Publié par Adil Laboudi

Journal du projet

C’est avec une grande joie que je vous annonce que j’ai été sélectionné pour une résidence artistique à Bracieux, à quelques pas du château de Chambord, dans le cadre de Création en Cours. « Mais Adil, qu’est-ce que Création en Cours ? ». Merci pour ta question, cher lecteur. Je te réponds : c’est un dispositif de soutien aux jeunes artistes. En gros, les ministères de la Culture et de l’Education me mettent à disposition une salle de répétition dans un collège et me filent du temps et de l’argent pour que je puisse faire de la recherche artistique. Autant dire que pour moi qui ai toujours rêvé d’avoir un cadre pour créer un spectacle, je suis aux anges ! Je peux dire à tous ceux qui me demandent « tu es comédien ? Tu fais du one-man-show ? » : et bien oui, j’assume enfin ma gueule de je-ne-peux-que-devenir-comique-comme-Gad-Elmaleh-ou-Jamel-Debouze et je vais créer non pas un one-man-show qui te fera hurler de rire mais un seul-en-scène (ça fait plus « théâtre public »). Comme j’ai plaisir à partager avec toi mes doutes et mes joies, j’ai décidé de te parler de mon projet. A vos marques, prêt…

Métamorphoses

Les derniers événements en France et dans le monde m’ont bousculé. Comme beaucoup d’entre nous, j’imagine : fanatisme, racisme, sexisme, protectionnisme… Toutes ces jolies injures en -isme auxquelles tu peux rajouter homophobie et bêtise m’ont forcé à regarder là où je ne voulais pas voir. Je me pose beaucoup de questions : sur ce sentiment que j’ai parfois de me sentir lié aux actions abominables des uns au nom de ma religion d'origine, sur les stéréotypes que les autres projettent sur ma couleur de peau, mais aussi sur mes motivations intimes à avoir fait telles études ou tel métier, sur les postures auxquelles mon sexe et ma sexualité m’obligent...

Une question en soulevant une autre, j’en arrive même à me poser la question de mon rapport à la langue française. Ma manière de penser et de parler ne sont-ils pas déjà empreints du désir d’être comme tout le monde, de plaire et donc d’être quelqu’un d’autre ? Est-ce que ma peau, mon sexe, ma langue m’appartiennent ? A quel point les choix que j’ai faits dans ma vie m’appartiennent ? Tu l’auras compris : j’aimerais travailler sur l’identité. Nous vivons une période de trouble, c’est entendu, et mon idée n’est pas de créer une énième polémique. J’ai envie d’appréhender nos identités sous l’angle du partage et de l’enrichissement. A terme, je créerai un spectacle où je donnerai vie aux personnages imaginés par mon amie Marie Hudelot dans son somptueux et troublant travail photographique - que je vous conseille vivement d’aller voir (elle a un site et je vous invite même à essayer de retrouver les deux photos où j’ai posé).

Quelle sera notre identité dans 100 ou 200 ans ? Est-il possible d’imaginer un monde où aucune femme ni aucun homme ne seront tenus à leur sexe, leur géographie, leur manière de s’habiller, leur milieu social ? Existera-t-il ce monde où nous serons complètement libres de changer de peau ou de sexe comme on change de vêtement le matin pour aller travailler ? Pourquoi pas se métamorphoser ? Tout de suite, en écrivant ces mots, je pense au film « l’an 01 » et ça me fait kiffer (si tu ne connais pas, tu le trouveras sûrement sur internet, c’est tellement drôle !)

Processus

Je vais impliquer des jeunes dans mon processus créatif. Ca me permettra de prendre de la distance par rapport à l’écriture et à la mise en scène (et oui, comme j’aime faire compliqué, j’envisage d’écrire, de mettre en scène et de jouer mon spectacle). Mon ambition est de créer une sorte de laboratoire des rêves où chacun sera libre de transmettre son histoire aux autres et même de l’échanger. Concrètement, je vais travailler vingt jours à Bracieux, à deux pas de Blois et d’Orléans (bon, on révise sa géo en même temps), avec une classe de CM1/ CM2. Qu’est-ce qu’on va faire ? Et bien, on va lire des textes de théâtre anciens et modernes, allant de la Comedia dell’arte aux textes récents de Wajdi Mouawad (pour les sensibiliser à la question du personnage). On lira aussi des textes simplifiés des Métamorphoses d’Ovide, c’est obligé ! On travaillera à partir d’accessoires qui caractérisent selon eux leur personnalité, on fera parler ces objets comme des marionnettes, puis on se les échangera, on se les réappropriera afin de faire l’épreuve de l’altérité. Enfin, pour chaque personnage, on écrira un monologue qui au final pourra enrichir mon écriture.

Quand je ne serai pas avec les élèves, j’ai le droit à une salle de spectacle à moi tout seul pour faire de la recherche. N’est-ce pas génial ? Et quand je reviendrai à Paris, j'aurai la chance de pouvoir voir le tuteur que je me suis choisi, à savoir Olivier Coulon-Jablonka, qui a mis en scène Pièce d'actualité n°3 : 81, avenue Victor Hugo (si vous ne connaissez pas, dommage, c'était un superbe spectacle http://www.festival-automne.com/edition-2016/olivier-coulon-jablonka-piece-dactualite-n3). Pour finir, comme j’aime vous casser les pieds, j’ai décidé que mon blog deviendra la plateforme sur laquelle je vous tiendrai au courant de l’état d’avancement de mon projet, où je partagerai des témoignages des enfants, des vidéos, des réflexions, etc. Donc abonnez-vous à ma page FB whosaidiwasshakespeare pour avoir plein d’infos sur cette résidence qui s’annonce magique !

Comme disait Shakespeare : sooooo happy !

http://www.adillaboudi.book.fr

Http://www.whosaidiwasshakespeare.com