Robinson, baie de chiconi, Mayotte, 2021

Robinson

Publié par Lika Guillemot

Journal du projet
Arts visuels Danse Installation Théâtre, Cirque, Arts de rue, Arts plastiques, Arts numériques, Photographie.

L'histoire de Robinson s'inspire d'une histoire vraie, celle d'Alexandre Selkirk, marin écossais qui, suite à une dispute avec son capitaine, fut abandonné sur une île déserte du Pacifique durant quatre ans avant d'être recueilli par un navire et ramené en Grande-Bretagne.

Le mythe de Robinson Crusoé, raconté par Daniel Defoe, donne l'origine à une série de robinsonnades, ce qui est devenu un genre littéraire en soi-même, mais également cinématographique. L'île de Robinson devient ainsi le théâtre de beaucoup de robinsonnades, qui vont jusqu'à la science-fiction et à des films post-apocalyptiques.

Selon Marcel Schwob, « deux des incidents les plus terrifiants en littérature sont la découverte par Robinson de l'empreinte d'un pied inconnu dans le sable de son île, et la stupeur du Dr. Jekyll, reconnaissant, à son réveil, que sa propre main, étendue sur le drap de son lit, est devenue la main velue de Mr. Hyde. »1

L'histoire de Robinson s'inspire d'une histoire vraie, celle d'Alexandre Selkirk, marin écossais qui, suite à une dispute avec son capitaine, fut abandonné sur une île déserte du Pacifique durant quatre ans avant d'être recueilli par un navire et ramené en Grande-Bretagne.

Le mythe de Robinson Crusoé, raconté par Daniel Defoe, donne l'origine à une série de robinsonnades, ce qui est devenu un genre littéraire en soi-même, mais également cinématographique. L'île de Robinson devient ainsi le théâtre de beaucoup de robinsonnades, qui vont jusqu'à la science-fiction et à des films post-apocalyptiques.

Dans l'histoire de Robinson Crusoé, Robinson est un héros qui n'est pas un surhomme dans le sens nietzschéen. Il est plutôt quelqu'un qui se raconte, et qui, à la manière de l'autobiographie et de l'autofiction et à travers l'expérience elle-même, effectue une transformation, une mutation, une métamorphose.

Robinson est ainsi celui qui vit une expérience initiatique à travers la solitude et l'isolement. Comme l'a dit Jean-Pierre Naugrette, « passés les huit premières mois d'abattement, de mélancolie et de terreur, le marin écossais avait, semble-t-il, repris le dessus au point de regretter, une fois revenu dans le monde des hommes, la tranquillité de sa solitude »2.

Robinson ne veut pas quitter l'île car il retrouve sur le bateau la méchanceté des gens qui reflète ce qui se passe dans le monde civilisé. Il exprime l'idée que la bonté n'est pas dans l'innée ni dans l'acquis, mais est une affaire de personne, car il s'agit plutôt d'une quête spirituelle et de l'acceptation de la différence. Et pour cela même il ne veut pas quitter son île, car en acceptant la différence, Robinson ne veut plus retourner à sa culture et ne voit plus d'intérêt de s'enrichir ou de dominer un autre peuple. Suite à une catastrophe, Robinson ouvre ses yeux et retrouve la sagesse.

Il appelle ainsi son île « Speranza », ce qui veut dire l'espérance, car il s'est décidé à ne plus jamais se laisser aller au désespoir.

Selon Naugrette, Robinson fait de son naufrage l'image d'une renaissance à soi-même, d'une redécouverte spirituelle. Pour lui, Defoe isole son marin sur une île, prenant l'étymologie du mot « île » (isola) au pied de la lettre pour transformer le voyage maritime en expérience initiatique et statique.

Dans la narrative de Defoe, Robinson se trompe de neuf mois dans ces comptes du retour, ce qui corresponde aux neuf mois de la gestation qui manque, « dans un contexte symbolique où la naissance est conçue sur le mode du naufrage, et où le naufrage est une métaphore de la vie humaine.3 (…) La naissance de cette nouvelle identité se fait dans la douleur : le même mot anglais (labour), omniprésent dans le roman, renvoie aussi bien au labeur, aux efforts, au travail manuel difficile, qu'au travail d'accouchement. 4»

Cette arrivée de Robinson dans l'île est vue comme une nouvelle naissance, une expérience de la solitude, certes, mais également le dédoublement des identités par la découverte de la différence. Robinson est celui qui, entre jeu et réalité, s'invente des identités, qui se crée des personnages tel un enfant qui se déguise, qui réalise un dédoublement de son identité. Car Robinson prend connaissance du Divers, de quelque chose qui n'est pas soi-même.

En adoptant une méthode expérimentale et en ayant lui-même comme objet d'expérimentation et d'observation, Robinson fait déjà figure d'anthropologue. En s'expérimentant, il réalise qu'il est en train de devenir un autre.

Virginia Woolf insistait sur le « sens de perspective » dans Robinson, et que cette perspective est restreinte et réduite à l'essentiel, comme une « simple jarre en terre »5.

Dans notre performance/action Robinson, il découvre, par et à travers l'immobilité et la contemplation dues à son naufrage et déterrement, la montagne qui a toujours été face à lui.

1.Marcel Schwob, « Robert-Louis Stevenson », Spicilège, Paris, Mercure de France, 1896 ; repris dans Schwob-Stevenson : Correspondances, Paris, Allia, 1992, p. 82-83.

2.Jean-Pierre NAUGRETTE, « Présentation », in Robinson Crusoé, Daniel DEFOE, Édition de Jean-Pierre Naugrette, Traduction de Petrus Borel revue par Jean-Pierre-Naugrette, Paris, Librairie Générale Française, 2003, p. 9.

3.Voir Otto Rank, Le Mythe de la naissance du héros, Payot, 1983. Cité par NAUGRETTE, idem, p. 13.

4.NAUGRETTE, ibid., p. 13.

5.NAUGRETTE, Ibid., p. 16.

 

   

Robinson, baie de chiconi, Mayotte, 2021