Première rencontre : le 4 février 2020

Publié par Suzanne Dubois

Cercle de discussion

Le 4 février 2020, nous avons rencontré les enfants de la classe de Christelle Martin à l’école de Le Fouilloux pour la première fois. Nous sommes arrivées - Elena Sandoz et Suzanne Dubois - un peu en avance. Nous en avons profité pour découvrir le travail que la maîtresse entamait avec les enfants sur la nouvelle de Jean Giono L’Homme qui plantait des arbres. Ils étaient en train de lister les mots qui leur évoquaient des sons. Des mots en rapport avec l'ouïe.

« La petite cuillère dans la tasse de café! ». Je mets un point d’exclamation, mais dans cette classe, à notre plus grande surprise, quand ils s’exclament, ils chuchotent, attendant l’autorisation de Christelle Martin pour déployer leurs voix. Ce chuchotement est plein de vie. Il fourmille d’oreilles en oreilles, comme une rumeur qui se répand au passage du vent dans les feuilles d’un arbre.

- Comment on appelle ce bruit du vent dans les feuilles ? Demande Christelle Martin.

« Le bruit du vent dans les feuilles ! »

« Un bruissement ! » 

« L’eau qui bout, ça fait du bruit aussi. »

Et voilà que les mots s’ajoutent. Et qu’ils font discuter, et que déjà maintenant nous voyons à quel point cette nouvelle est riche et les enfants auront plein de choses à nous apprendre à son sujet. Arrivent les mots liés à l’odorat. Nous n’avons pas tous la même sensibilité à ce sens, certains mots interpellent les uns, d’autres les autres. Il y a les odeurs qui sont dites et les odeurs qui arrivent d'elles-mêmes. Alors la maîtresse arbitre tout ça, elle essaie de s’en tenir aux mots écrit. Elle n’a déjà plus de place sur son tableau. Elle ne manque pas de rappeler à l’une d’elle qu’elle a raison de dire qu’elle entend le bêlement des moutons quand le troupeau est mentionné bien que ce ne soit pas écrit. Et nous, nous savourons de voir à quel point cette nouvelle leur évoque tellement de "vivants".

La séance est levée, c’est l’heure de manger, ils y vont calmement. Il y a trois niveaux dans cette classe, CE2, CM1 et CM2. Christelle Martin sait ce qui est évident pour les uns et pour les autres. Elle navigue merveilleusement d’un niveau à l’autre chacun y trouvant son compte en travaillant sur le même objet.

L’après-midi nous retrouvons les enfants dans la salle de motricité.

Il s’agira d’abord de s’exprimer avec son corps alors nous avons décidé de commencer par un petit échauffement corporel qui engage aussi la voix, suivi d’un voyage imaginaire.  Après avoir découvert plein de sensations que nous explorerons d’avantage en mars, quand nous aurons du temps, nous nous mettons en cercle pour discuter.
 

Echauffement

En cercle, nous discutons : de la nouvelle, d’Elzéard Bouffier et des arbres. Ils sont curieux. Ils veulent tout savoir sur les capacités d’un arbre.

« Est-ce qu’un arbre peut pousser sans graines ? »

Alors oui, il existe des colonies d’arbres qui font comme des boutures. Et nous répondons inlassablement lorsque nous pouvons répondre. Et peu à peu nous cherchons à mener la conversation sur Elzéard ; qui est-il ? Que savons-nous de cet homme ? A quoi fait-il penser ? Comment pouvait être son passé ? Et nous commençons à mener une grande enquête. Et chacun cherche la vérité. La vérité de qui ? D’Elzéard ? De l’histoire ? De ce que l’histoire veut bien nous raconter ? Et nous surenchérissons toujours essayant de découvrir tout ce que ce personnage peut bien remuer :

« - Peut-être qu’Elzéard a planté tous les arbres de la terre.

- Il a dû voir son père planter des glands.

- Sa mère ? Non, à la cuisine.

- Elzéard doit être un dieu parce qu’il est puissant.

- L'arbre dans la cour... ça peut être lui. C’est vrai, il date de la guerre !

- Elzéard, enfant, il devait avoir des amis et être sage.

- Il devait faire des bêtises.

- Peut-être que son père pour le punir, il l'emmenait dans la forêt.

- Je sais ! Il a failli tomber, il s'est rattrapé à un arbre qu'il n'avait pas vu et depuis il plante des arbres.

- Petit, il plantait des petites plantes et grands, il a planté des arbres.

- Il avait la tête dans les nuages à l'école parce qu'il pensait à planter des arbres.

- Il vivait à la ville et il voyait qu'on utilisait beaucoup d'arbres pour le charbon.

- Peut-être qu'il a assassiné sa femme et son fils.

- Il y a eu le covid-19 sur sa femme et son fils.

- Sa femme s'est tuée avec son enfant.

- Un matin, la femme et l'enfant sont partis et ils sont morts. Empoisonnés. »

 

Voilà où nous mène notre enquête, j’ai bien sur oublié plein d’hypothèses que nous tâcherons de raviver car le passé d’Elzéard nous intéresse.

À la fin de cette journée nous leur demandons de nous écrire à quoi ils rêvaient, ce qu’ils imaginaient faire dans la balade artistique.

Vous découvrirez, dans le prochain article, à quoi ils rêvent.