Comment repenser un projet en période de confinement ?

Publié par Pauline Fremaux

Changement de travail en raison du confinement, vers des techniques abordables seule, chez moi, pour la durée de cette suspension.

  1. Annonce de confinement qui s'est précipitée : le dernier contact avec la Fédération des Enfants Déracinés des DROM est triste, et travailler ensemble cette année ne sera pas possible, suite aux difficultés qui s'accumulent. Dans l'impossibilité d'organiser matériellement les tables rondes imaginées, je dois repenser le projet à partir de ses bases. J'avais commencé depuis le début de la résidence, de longues lectures qui croisaient l'histoire locale, axée sur le travail (maçonnerie, liées au début de l'industrie hydraulique, textile), et l'importance de l'eau dans la région, et en parallèle lu plusieurs études sur les mouvements indépendantistes réunionnais, le PCR, et la déportation d'enfants réunionnais par le gouvernement de Michel Debré, dans les années 1960 à 1980 dans les régions rurales de métropole, particulièrement dans la Creuse.

  2. Le confinement ne permet donc pas ce travail, et je continue mes lectures, souvent interrompues par les recherches d'une manière de travailler adaptée, et d'un projet réalisable en cette période, quitte à remettre à plus tard les réalisations concrètes du projet pensé initialement. Souhaitant dès le début approcher la question des savoirs formels et informels, dont les savoirs domestiques, notamment dans l'usage du textile, et comprendre ou imaginer dans un premier temps un moyen de questionner des femmes de la région à propos de leurs activités, lorsqu'elles sont seules, du temps qui leur reste ou non après le travail, que leur laisse/leur prend leur éventuelle famille, je décide d'approfondir ces questions textiles, et de faire des recherches sur les diverses techniques de fil. Je m'intéresse alors aux différents types de broderie, car cela nécessite peu de matériel, et à ce qui en fait des techniques socialement situées, en tout cas jusqu'à la fin du 19e. Les articles que je lis sont beaux, et même si la thématique n'est plus directement actuelle (après la 2ème révolution industrielle, le paysage textile français a beaucoup changé, des métiers ont disparu ou se sont mécanisés, et les pays du Sud ont vu la délocalisation s'accentuer, et encourager la formation d'un prolétariat en grande partie féminin, alloué au travail du textile à très bas salaire), elle m'intéresse. Les textes font régulièrement appel à des contes, car le motif des aiguilles et des épingles intervenant tôt dans l'éducation des jeunes filles, y est très fréquent : je ne l'avais pas remarqué. J'aimerais bien sûr pouvoir aussi penser et lire à propos de la situation actuelle de l'industrie du textile. J'imagine les histoires que se racontent les femmes dans les ateliers de textile au nord de la France et vers la Manche, et puis dans les manufactures. C'est une fable, car le bruit assourdissant des machines doit empêcher tout échange, et celui là être proscrit pour éviter la déconcentration. Je marche avec mes mythes, un peu facile. Pourtant, je voudrais me servir de ces analyses historiques, qui alternent de manière magnifique et ambiguë des mouvements diffusant, amples, vers le haut, et des mouvements de repli, de contrainte, de regard baissé. On peut y lire à la fois toute l'ambiguïté de ces professions ou tâches enseignées au départ dans un but de coercition, mais qui évidemment s'enrichissent jusqu'à une certaine réappropriation. Et donc : comment se confondent la question de l'écriture/ son apprentissage, et celle de la broderie/son apprentissage, chez les femmes jusqu'au 19ème ?  Cette histoire de l'acquisition conjointe de l'écriture et de la broderie (qui prépare au mariage ou au couvent, mais sûrement pas à la rêverie ni à la tranquillité), me rappelle la manière de se dérouler dans l'attention aux détails des textes de nombreuses femmes écrivaines, et poètes. Comme des fils qui percent à jour une face puis l'autre, je trace les relations entre ces textes dans des sortes de dialogues fictifs qui me permettent de connecter ces impressions avec mes envies de départ. 

passages de textes
Ensemble de textes de A. Clampitt, V.Woolf, M.Foucault, G.Steiner, Marlène Albert-Llorca, Jean-Pierre Jourdan, etc...
miroir gravé d'un visage et d'une lettre.
Miroir gravé, essai pour un ensemble de portraits figurant sur une structure en bois.
visages gravés sur calque.
dessins pour les gravures sur miroir, portraits d'actrices, activistes, chanteuses, linguistes.
plans de sculpture composée de tablettes de bois contrecollées, qui reposent les unes sur les autres.
plans pour structure composée de tablettes de bois marouflées d'images, textes, ou contrecollées de miroirs. S'y retrouvent divers types de représentations.
dessins de mains abécédaires
Dessin de Brigitte parent issu de "computus com mémento", Anianus, et l'un des dessins originaux.