Nos belles têtes de patates.

Bande de patates

Publié par Nina Deux

Journal du projet

Où on a joué avec la nourriture.

(cet article et les suivants sont la transcription et l'adaptation de mon journal papier rédigé tout au long de la résidence)

Vendredi 14 février 2020

Avec mon arrivée vient l’heure d’un premier atelier artistique, effectué en classe avec l’assistance d’Anne, qui m’aide après les premières explications à diriger les élèves pendant que je mène les premiers entretiens avec les élèves dans notre studio-placard.

Cet atelier, c’est l’occasion de découvrir les élèves dans un contexte de classe, de mesurer leurs capacités d’observation et d’attention, et de leur présenter une des idées principales du projet : jouer avec la nourriture !

Pour ça, j’ai apporté mon sujet, à la fois quotidien et oublié, improbable et pourtant emblématique : un filet de patates.

Pour explorer la multiplicité des représentations possibles, on commence par regarder, toucher, goûter, sentir la patate que nous avons tous devant nous. Comment décrire sa couleur ? Est-elle jaune comme le jaune de notre boîte de feutres ? Comment décrire une forme qui n’est pas nommée dans nos cours de géométrie ? Bosselée, rugueuse, pointillée, pelée… Comment décrire le goût d’un petit morceau de pomme de terre sans l’appeler « goût de patate crue » ?

On va en profiter pour réfléchir ensemble à tous les mots du goût et de l’odeur, de la texture, des adjectifs parfois abstraits quand on ne les compare pas à des exemples pratiques : « piquant », c’est l’épicé du piment, l’acide du citron, pourquoi on dit « piquant » comme peut l’être une épingle ?  Une texture craquante, est-ce que c’est la sensation d’une pomme qu’on croque ou de la mie de pain qui croustille ?

Un exemple de description sensorielle.

Maintenant qu’on a analysé notre pomme de terre sous tous les angles, on va la dessiner, d’abord au stylo noir, rien de plus simple, en se concentrant sur la forme que l’on voit en face de nous, sur l’emplacement et la taille de ses petites bosses et la forme de ses yeux. Pour le deuxième dessin, c’est cette fois aux crayons de couleur que l’on travaille, avec interdiction d’utiliser le noir : aucun n’objet n’a de contours noirs dans la vie !  Ici, on va se concentrer sur le mélange des couleurs pour obtenir les nuances observées sur notre pomme de terre, et les plus grands vont même suggérer le volume grâce à des ombrages.

 

Dans leur cahier d’art, recueil de leurs productions visuelles et poétiques magnifiquement mis en œuvre par leur maîtresse, les élèves ont maintenant deux dessins différents du même sujet, l’un plus stylisé, l’autre plus réaliste. Je leur explique que le choix de la technique permet à l’artiste d’accentuer ce qu’il souhaite exprimer dans son dessin : un dessin au trait mettra en valeur la forme, un dessin plus réaliste permettra de rendre compte de la texture d’un objet.

Pour terminer notre atelier, on va transformer notre sujet en matériau de travail : on coupe notre pomme de terre en deux, et à l’aide d’un calame en roseau, creuser chaque moitié pour obtenir un tampon gravé. Une moitié devient le visage d’un personnage, l’autre est laissée à l’imagination des élèves. Au final, une fois recouvertes de peinture et imprimées, ces pommes de terre deviendront une belle bande de patates !