Nous sommes le 13 mars 2020, l'école va fermer. Les enfants font leurs sacs sans trop savoir quoi emporter. Ils y mettent aussi un appareil photo jetable.
Au mois de mars 2020, je mène des ateliers photos avec les enfants de la classe (lire l'article 7. Photographier (seul.e)). Je voulais que certains des ateliers puissent être réalisés sans moi et en dehors de l'école. Je donne à chaque enfant un appareil photo jetable. Deux semaines pour prendre 25 photos et une liste de consignes de photos à prendre (portrait, auto-portrait, photos libres, photos de personnes et de lieux qui comptent et racontent quelque chose de soi), le but étant toujours de créer de la matière pour nos portraits filmés.
Les enfants, à la lecture des consignes, notent déjà un problème de taille : "Comment je vais faire pour prendre en photo des personnes que j'aime puisque certains sont dans la classe et que l'école ferme ?".
Nous devons nous revoir le mois suivant, découvrir ensemble les 25 photos et continuer les ateliers jusqu'à réaliser les portraits filmés.
Deux mois après, lorsque les enfants retournent en classe, Richard, l'instituteur, m'envoie les appareils photos jetables. Je peux, enfin, faire développer les photos prises par les enfants pendant le confinement.
Mais nous sommes mi-juin et il est maintenant trop tard pour réaliser tous les ateliers que j'avais prévus avec eux.
Il n'est cependant pas question de ne pas revenir, au moins une fois, pour trouver une fin à tous ces moments passés ensemble. Je retourne à Saint-Sauveur pour les deux derniers jours d'école avant les vacances d'été.
J'apporte une photo imprimée à chaque enfant ainsi que la pellicule de leur appareil photo.
Nous découvrons les photos de chacun.e par groupe de 4.
Avec photo à l'appui, les enfants se racontent plus intimement à leurs ami.e.s. Un peu de chez eux et de ce qu'ils sont en dehors de l'école venait d'y entrer : leurs parents, leurs chambres, leurs jouets, leurs animaux...
Les enfants sont pour la plupart heureux de parler d'eux-mêmes en image, d'expliquer ce qu'on ne voyait pas, ou pas bien, ce qui était en dehors du cadre. Les autres pendant ce temps là commentent, comparent, questionnent, rigolent.
Je décide d'enregistrer leurs échanges pendant le visionnage des images en guise de test dans l'idée de pouvoir faire de même l'année suivante au moment des visionnages des portraits filmés.
Je profite de la dernière récréation pour filmer les enfants, assis face caméra, sur un fond uni, pour avoir de la matière pour réaliser des tests pendant l'été.
Nous sommes le dernier jour de l'année. Il reste un appareil photo jetable, on se le passe dans la cour, on prend des photos encore pour garder des souvenirs de l'année passée. Les sacs sont remplis à ras bord. Il est temps de quitter à nouveau l'école. Les enfants passent en sixième, moi je sais déjà que je redouble, je serai de retour en septembre : même école, mêmes institutrice et instituteur, même projet et d'autres enfants.