Photo de la cour de récréation

1 · Premières rencontres, premières questions

Publié par Loeiz Perreux

Journal du projet

En janvier 2020, je rencontre les enfants de la classe de CM2 de l'école Jacqueline Maignan à Saint-Sauveur-le-Vicomte, au cœur de la Manche.

Je viens avec l'idée de mener des ateliers pour recueillir de la matière (écrits, dessins, photos) créée par les enfants eux-mêmes afin de réaliser leurs portraits rêvés.

Chaque atelier sera l'occasion d'explorer l'imaginaire de chacun.e, lui donner un moyen de l'exprimer et collecter tout cela. Ici, ils auront le droit d'être tout autre, ou tout différent, ailleurs.

Je rencontre d'abord Saint-Sauveur. Nous sommes sur un passage, une grande route pour rejoindre Cherbourg. Il y a la mairie, un fleuriste, deux tabacs, trois boulangeries. La poissonnerie a fermé, la boucherie ne va pas tarder aussi. La mer est à quinze minutes sur notre gauche, sur notre droite et au dessus de nous.

Je rencontre la classe, commence par un atelier d'écriture. Je pose des questions, j'essaye de trouver des idées pour réussir à rencontrer les enfants personnellement, à 25. Je leur demande ce qu'ils aiment et détestent. J'invente huit questions auxquelles ils répondront pendant les deux semaines précédant ma prochaine venue. J'essaye de formuler les questions pour les inviter à répondre en imaginant, en inventant, en se sentant libre de répondre en dehors du réel (lire l'article 3. Écrire).

Je leur demande par exemple : « Un portail magique apparaît dans la cour. En passant à travers tu es transporté.e quelque part. Où vas-tu ? A quoi ça ressemble ? »

Lorsque je reviens, je m'installe dans mon gîte à Saint-Sauveur et je lis toutes leurs réponses. Je me rends compte alors des difficultés que je vais rencontrer.

Issu d'un atelier d'écriture en classe.

Ce n'est pas évident pour tout le monde d'abord de parler de soi, de se raconter. Plus encore, se raconter loin de la réalité, s'imaginer autrement, est pour beaucoup une aventure ardue. En lisant leurs textes, je vois aussi que l'ailleurs n'est jamais très loin. Lorsqu'ils peuvent se transporter où ils veulent et très librement, ils vont souvent dans un parc d'attraction qui se trouve à quinze minutes en voitures. Parfois, les réponses se ressemblent. L'imaginaire au sein d'une même classe d’âge vivant presque au même endroit est aussi conditionné par une culture commune. Enfin, je réalise à quel point l'écrit est un outil difficile qui peut être paralysant. Je peux comprendre, ce n'est pas non plus mon médium préféré.

Je réalise finalement que mes ateliers ont de multiples fonctions. D'une part, de transmettre aux enfants mon envie de créer, de raconter en image, de développer son imaginaire, de prendre confiance pour parler de soi et peut-être aussi d'apprendre à se connaître. D'autre part, de glaner et de collecter au passage des informations sur eux dans le but de faire leur portrait.

Je m'aperçois aussi que mon projet doit s'ouvrir un peu plus sur l'intime pour laisser de la place aux enfants, pour qui une invitation à se raconter en imaginant n'est pas un exercice facile.

Avant que le confinement ne vienne stopper notre progression, j'ai eu le temps de mener des ateliers de dessin et de photos (lire l'article 5. Dessiner ou 6. Photographier). J'ai cherché aussi à donner à chacun.e la possibilité de trouver l'outil le plus adapté pour se raconter avec le moins d'encombre et le plus de plaisir.

Créations réalisées lors d'un atelier à l'école mêlant photo et dessin.

Les créations des enfants pendant ces ateliers ont été pleines de propositions graphiques ou formelles dont je pourrai m'inspirer pour la forme finale des portraits filmés. Je ne pensais pas au départ pouvoir les impliquer autant dans ma recherche. Je vais pouvoir intégrer leurs idées et continuellement faire bouger le projet. Comme je l'espérais, je ne serai pas si seul pendant ce temps de création. Nous allons créer, ensemble, des portraits sensibles, rêvés ou intimes, de chaque enfant de la classe.

Photo prise à l'appareil photo jetable en classe.