Nos Funérailles est un projet de spectacle de rue. L’espace public doit redevenir un terrain d’action, de jeu et de partage. La réappropriation de ce bien commun est au coeur de mon projet.
Ce spectacle vise à créer une cérémonie et un cortège funèbre tragi-comique. Les rites funéraires sont à l’origine des civilisations. En interrogeant la place de la mort dans l’espace public, je souhaite questionner un des fondements de notre société.
Résolument burlesque, ce projet est imprégné par l’univers du cinéma muet et s’inspire de l’expressionnisme allemand. Je traite le thème de la cérémonie funèbre en créant un événement festif. De la célébration dionysiaque au rituel funéraire, Nos Funérailles est une ode à la vie.
Un cortège funéraire parodique dans l’espace public
Il devient évident pour moi que Nos Funérailles est un spectacle qui prend place dans l’espace public. En instillant de l’imaginaire et du hors-cadre dans une cérémonie mortuaire factice, je revendique le fait d’interroger “à hauteur d’homme” un fondement culturel de notre société. Faire culture ensemble, c’est faire humanité ensemble. L’intention du projet est d’exprimer notre humanité par ce moment intime et collectif que représente une cérémonie mortuaire. Mon geste artistique vise donc à décaler le regard du spectateur en échangeant avec lui une autre vision du monde. Inscrire ce spectacle dans un “lieu public” et dans un “espace commun” revient pour moi à insuffler de nouveaux possibles et à revisiter les modes d’existence dans un territoire, sous le signe de la fête qui rassemble sans distinction d’origines, de confessions ou de classes sociales. Convaincues que l'art est à replacer directement au sein de la Cité, je ne pouvais imaginer créer ce spectacle sans un rapport direct au public. C'est pourquoi le public est invité à suivre l'évolution du spectacle, à se mouvoir avec lui, à aider les personnages dans leur déambulation. Cette déambulation dans l’espace public embarque les spectateurs dans un nouveau rapport à leur lieu de vie en suivant le regard subjectif que moi, artiste, y ai apposé. Qui dit rapport direct lors du spectacle dit expériences d'aller-retour avec le public tout au long de la création. Sans perdre de vue mes motivations initiales, il m’apparaît nécessaire d'entretenir un rapport d'échange et de transmission avec le public. Témoignages, discussions, partage de matériaux sont pour moi autant d'inspiration à explorer. Nos Funérailles prendra la forme d’un spectacle à stations. Imaginé comme une déambulation dans la ville, sorte de parodie de funérailles publiques, le spectacle s’arrêtera dans certains lieux de la Cité pour les mettre en lumière lors d’épisodes de cinéma muet.
Mon envie est de lier la scénographie de cette représentation au voyage physique et sensible que vont faire les spectateurs. C’est donc dans une structure faite d’éléments mobiles que va se dérouler le cadre de l’action. La procession prendra l’aspect d’une véritable parade publique, telle les parades du jour des morts au Mexique. Chacun contribuera dans le long cortège mortuaire à porter le lit funéraire, à arborer le portrait du défunt. Suivant un corbillard d’occasion, tracté par quelques spectateurs et où est juché un musicien maître de cérémonie, les spectateurs participeront activement à l’éloge du défunt du jour dans l’espace public. Par ce travail de scénographie mobile et déambulatoire, j’entends faire du Cinématographe humain un acte de célébration et non une cérémonie larmoyante. Célébration de la vie collective de la Cité, célébration du hors-cadre et de la prise de risque de l’imaginaire, célébration de notre humanité partagée. La vie est une fête, c’est un enterrement qui nous permettra de le conscientiser.
Faire des funérailles une fête collective
A l’heure des productions regorgeant de technicité, l’univers du cinéma muet est instantanément reconnaissable. De Keaton à Chaplin, en passant par Murnau, ce projet est imprégné de ces figures emblématiques des créations artisanales. Les films muets nous transportent dans une autre époque et dans un rapport à l’acte créateur. Alors que nous sommes baignés par les écrans et que la télévision commence à se démoder, je propose de revenir au temps où tout un village se rassemblait pour accueillir un cinématographe ambulant. Mais je veux aller plus loin en impliquant le spectateur dans la création. A la passivité je préfère le mouvement. La multiplication des écrans happe notre attention et parasite nos échanges au quotidien. La communication dématérialisée et indirecte via nos écrans renforce toujours plus la solitude humaine face à l’écran. Mon désir est de créer un événement festif et convivial qui rassemble les gens. La rencontre du cinéma muet et du spectacle vivant cherche notamment à interroger le spectateur sur sa pratique des écrans et à envisager le vivant derrière ceux-ci. Il me tient particulièrement à coeur de rassembler autour d’un événement tragi-comique pour rappeler la festivité du vivre ensemble. Grotesque, sensible et poétique, Le Cinématographe humain est une fausse cérémonie funèbre qui dégénère en un au revoir insensé et loufoque. Cette création présentera des personnages très différents qui sont aussi des archétypes face à la mort. S'ensuit une série de scènes cadencées où les personnages jouent et se déjouent de la mort. Mais jusqu'où peut-on jouer avec la mort ?
A la base de la culture, la mort
Le Spectacle Nos Funérailles est né d'une envie bien précise de parler de la mort pour faire rejaillir la vie. À travers les âges et les civilisations, la mort a toujours fait partie intégrante de la vie du corps social. Aujourd’hui, les zombies envahissent de plus en plus séries, films et littérature. Ils sont à la fois le miroir de l'homme et celui d'une société déséquilibrée. Ce déferlement de morts-vivants emblématise les angoisses humaines. Ce spectacle sépulcral utilise quant à lui le rire pour aborder les tourments de l'homme. De la cérémonie mortuaire aux grandes funérailles nationales, le passage dans l’au-delà est un temps de vie partagé qui s’inscrit dans l’espace public de la Cité. Ce temps peut être vue comme une matrice de l’expression culturelle d’une société. De nombreuses cultures envisagent la mort comme un passage vers un autre espace, un autre état. Cette vision permet alors d'appréhender le moment de la sépulture comme une fête, un moment pour se retrouver et célébrer les défunts. Inspirées de la vision des Navajos qui voient la mort comme une renaissance, des Irlandais pour qui la sépulture se fait au pub et devient un moment de partage et du “Día de muertos” au Mexique lorsque chaque tombe est fleurie et chaque défunt célébré, je prend le parti d'oser parler de la mort, dans sa complexité, son absurdité et son horreur. Parler de la mort c'est choisir de vivre et inviter chacun à entrer dans la danse.
Par le(s) artiste(s)
Par les participants