Dans le cadre de mon travail de cette année, j'ai commencé à élaborer un projet d'édifice en polystyrène de récupération que j'ai nommé « Polytumulus », sorte de ruine hermétique/abri post-atomique présentant divers objets étranges et peintures votives, le tout prenant la forme d'un sanctuaire fictif à une religion futuriste oubliée . Ce projet s'inspire pour l'essentiel de recherches sur les environnements crées par les artistes dits singuliers, et ma fascination pour cette volonté de se créer un univers à sa sa propre (dé)mesure imaginaire. Création en Cours, et le projet du « Palais Idéal » seraient pour moi l'occasion de poursuivre le développement de cet édifice et son contenu. Dans un même temps, l'atelier avec les enfants serait pour moi un moyen m'enrichir à leur contact, et pourquoi pas de puiser dans les formes ainsi produites. Je travaillerai donc à mon édifice en même temps qu'avec eux sur le leur, dans une évolution parallèle qui s'alimenterait mutuellement.
J'aimerai organiser un atelier à fréquence mensuelle avec les enfants. Ces ateliers par petits groupes aboutiraient à la construction final d'une sorte grand palais idéal et de son jardin merveilleux, constitués des rêves et aspirations mis en images et en volumes par les élèves, en s'inspirant notamment du travail de plusieurs créateurs des arts bruts et singuliers.
En partant essentiellement d'un matériau de récupération présent partout en abondance, le polystyrène, et que j'ai récemment utilisé de manière massive et diverse dans mon travail, je souhaiterai donc réaliser avec eux, étape après étape, ce palais qui sera donc constitué de l'ensemble des peintures, sculptures et objets oniriques qu'ils auront créé lors des différents ateliers. Je souhaite également élaborer avec eux un tapis pour le sol à l'intérieur et pourquoi pas aussi différents éléments de mobilier si le temps nous le permet), qui sera décoré de scènes et de motifs imprimés avec des tampons réalisés dans ce même polystyrène, ce qui donnera à l'ensemble un côté encore plus total et « réel ».
J'aimerai ainsi arriver à mettre en commun les singularités des univers et vécus de chacun, où chacun et chacune pourrait prendre le temps réfléchir à ses rêves et projets, qu'il pourrait représenter sous la forme de petites peintures, un peu à la manière des ex-votos de l'art populaire, et dans le même temps élaborer un « grand tout » en fusionnant les recherches et plans des différents groupes.
Ce format collectif et collaboratif me paraît assez adapté à cette idée de « compagnons-bâtisseurs de l'imaginaire », où chacun travaille à sa partie toute personnelle, mais pour finalement ériger un ensemble cohérent et en même temps plein de singularités.
En temps que disons « maître d'oeuvre spécial » de cet édifice idéal, je souhaite surtout proposer un cadre pour les aider à poser les fondations sur lesquels leur imaginaire pourra venir s'élever, et réfléchir à des techniques qui rendent possible la concrétisation formelle de leurs rêveries. J'attends donc également beaucoup de leurs retours, et pense m'adapter en fonction de leurs souhaits et réactions au projet.
En plus d'apprendre à développer son imaginaire personnel et à concevoir un projet collectif, je souhaite profiter de ce projet pour leur faire découvrir concrètement la série d'étapes qui peuvent précéder à l'élévation d'un monument ou à la création d'une œuvre (recherches, documentation, croquis, dessins retravaillés, maquettes et divers essais en volume, puis réalisation), ainsi que de leur faire expérimenter un spectre large de techniques, (dessins, collage, peinture, multiples, sculpture, pâtisserie) autant que le passage de la 2D à la 3D en création..
Aussi, toutes ces étapes, et surtout la réalisation finale de l'édifice, seront pour moi également l'occasion de leur montrer certaines problématiques liées à mon travail, et de voir comment donner forme et réalité à une idée, aussi saugrenue puisse-t-elle être au départ. J'aimerai aussi leur faire prendre conscience de toutes les réalisations potentielles qu'on peut obtenir d'un même matériau, simplement avec du temps, un peu de travail et une dose certaine d'imagination.
De plus, même si une partie de mon travail est assez solitaire, celle où je prends le plus de plaisir est finalement celle, collaborative, du travail en forme de « on dirait que », où via un ping pong d'idées puis un renvoi perpétuel d'énergie de l'un à l'autre, on arrive à élaborer puis à réaliser ensemble quelque chose d' « insensé», qu'on aurait sans doute jamais osé faire soi-même, et dans lequel on retrouve tout autant la satisfaction de l'avoir fait soi-même que le mystère préservé de la partie réalisée par l'autre.
Par ailleurs, j'espère aussi arriver ainsi à leur proposer une vision plus décloisonnée de l'art et du monde, et leur montrer que ce type de merveilleux existe dans la vie de tous les jours et qu'il peut être pratiqué un peu par monsieur-tout-le-monde, pourvu qu'on en ait profondément le souhait.
Chaque coin de région a en effet son jardin enchanté et/ou son créateur marginal illuminé, lui-même puisant souvent son inspiration dans un mélange fait d'allers et retours entre culture de masse, légendes locales et son propre fond autobiographique. Enfant pour ma part, j'ai toujours été frappé de penser que ces « «folies » avaient pu avoir été faites par des adultes comme mes parents, et cela me laissait aussi admiratif que dubitatif. C'est donc autour de cette base, et étant moi-même devenu un « grand » que je souhaiterai travailler avec les enfants.
En faisant cela j'aimerai arriver célébrer la puissance de l'imaginaire et du collectif, et montrer aux enfants la capacité qu'ont les humains , petits comme grands, de transformation du réel, de rééchantement, par la réappropriation poétique, même temporaire, d'un espace.
De plus comme l'écrit Véronique Moulinié dans l'article « Comment naissent les œuvres des singuliers » issu de l'ouvrage «De l'artification, Enquêtes sur les Passages à l'Art », c'est notamment aussi via la prise de conscience et l'appréciation des riverains que ces sites dits singuliers peuvent être valorisés et ainsi préservés, donc si cela peut aussi d'avérer être utile dans ce sens, j'en serai plus que ravi.
Je vois cela au final comme une proposition de tentative de renouer poétiquement avec le monde.
Une première phase du projet pourrait passer par la visite d'un ou plusieurs de ces environnements merveilleux, ainsi qu'un musée proche qui y serait dédié dans l'idéal, mais également par le visionnage en classe des films de Claude et Clovis Prévost consacrés à ces « Bâtisseurs de l'Imaginaire ». A partir de ces exemples, ainsi que via la documentation apportée à chaque session d'atelier nous commencerions à imaginer à quoi pourrait ressembler notre palais imaginaire et son jardin merveilleux, ainsi qu'à l'ensemble des éléments qui pourraient constituer son intérieur.
L'atelier se déroulerait en plusieurs phases, ce qui nous permettrait d'imaginer et de créer tout un univers commun, dans lequel chaque élève apporterait sa pierre d'imaginaire à l'édifice, et dans les recherches de la forme générale du palais et du jardin merveilleux autant que dans la réalisation individuelles des images et volumes qui y seront intégrées.
En amont de chacune de ces sessions en classe, je préparerai à chaque fois le matériel et les nombreuses « pré-formes » sur lesquelles ils pourront travailler, sans être coincé par des problématiques trop techniques et/ou chronophages.
Par le(s) artiste(s)
Les Ateliers Médicis seront fermés au public du 21 décembre au soir au 5 janvier inclus.